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Les sentiers de la paix

dimanche 8 avril 2007 - 09h:19

René Backmann - Le Nouvel Obs

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Trois jours après avoir rejeté le plan de paix du sommet de la Ligue arabe - qualifié de « diktat » par le numéro deux de son gouvernement, Shimon Peres - le Premier ministre israélien, Ehoud Olmert, a fait volte-face. Lors d’une conférence de presse avec la chancelière allemande, Angela Merkel, il a annoncé qu’il était prêt à se rendre à un sommet parrainé par Riyad pour discuter de l’initiative de paix arabe. En d’autres temps, une telle déclaration aurait été accueillie sinon avec enthousiasme du moins avec soulagement en Israël et dans le monde arabe. Mais c’est avec défiance et scepticisme que l’opinion publique israélienne et les capitales arabes ont reçu les propos d’Ehoud Olmert. Tandis que le commentateur de la radio militaire israélienne ironisait sur la « mauvaise posture sur la scène politique » du Premier ministre, un député du Meretz, Avshalom Vilan, jugeait « insuffisant » de « faire des déclarations à la presse avant la Pâque juive », et un autre membre de la Knesset, Zvi Hendel, proche des colons, accusait Ehoud Olmert de « vivre dans l’illusion ».

De fait, quatorze ans après la signature historique des accords d’Oslo, aujourd’hui ensevelis sous la poussière de longues années d’affrontements, l’acceptation de principe par le Premier ministre israélien d’une reprise du dialogue avec ses voisins a été précédée de tant de conditions, de réserves, d’hésitations qu’il serait imprudent de lâcher la bride àl’espoir. Même si l’on ne peut négliger l’influence de la secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice ou d’Angela Merkel, présidente en exercice de l’Union européenne, en visite dimanche à Jérusalem, dans l’apparent virage diplomatique d’Olmert, c’est d’abord pour se donner du temps et répondre à une situation politique interne désastreuse que le Premier ministre a semblé revenir vers le sentier de la paix.

Tombé à 2% d’opinion positive dans les sondages sur la crédibilité des dirigeants politiques, le successeur d’Ariel Sharon va devoir affronter sous peu les révélations de la commission d’enquête conduite par le juge Eliahou Winograd sur les dysfonctionnements du gouvernement et de la hiérarchie militaire pendant la guerre de l’été dernier au Sud-Liban. Il s’efforce pour l’instant d’obtenir que la commission ne rende pas publiques ses conclusions en invoquant la « sécurité de l’Etat » ou les « relations internationales d’Israël », mais il est douteux que sa requête soit entendue.

A l’étranger, en dehors du soutien inconditionnel dont il bénéficie dans l’entourage de George Bush, sa position n’est guère plus brillante. Face à la nouvelle donne diplomatique que constitue le plan de paix du roi Abdallah, approuvé par tous les chefs d’Etat arabes à l’exception du président libyen Kadhafi, Olmert a essuyé une série de revers, limités dans leur portée politique mais symboliquement douloureux. Alors qu’Israël souhaitait que les Occidentaux s’abstiennent de recevoir des ministres du nouveau gouvernement palestinien d’union nationale, qui reste présidé par Ismaïl Haniyeh, membre du Hamas, l’Union européenne a décidé samedi dernier à Brême, où étaient réunis ses ministres des Affaires étrangères, que ses représentantsseraient autorisés à rencontrer des ministres palestiniens qui n’appartiennent pas au Hamas. Dès lundi, l’un d’entre eux, Ziad Abou Amr, ministre des Affaires étrangères, était à Paris, où il a déjeuné avec son homologue Philippe Douste-Blazy.

Autre mauvaise surprise pour Ehoud Olmert, la déclaration faite à Jérusalem par Angela Merkel, pourtant solide alliée d’Israël en Europe. Après avoir constaté que « le monde arabe est prêt à discuter du conflit au Proche-Orient et de ses solutions », la chancelière allemande a estimé que la formation du nouveau gouvernement d’union nationale palestinien « ouvrait une fenêtre d’opportunité » et elle a appelé à « saisir l’occasion de percée » qui s’offrait.

Sans doute le plan de paix arabe méritet-il d’être précisé, et ses dispositions, affinées. Mais ce document d’une page et demie, connu depuis son lancement à Beyrouth en 2002, offre des bases de négociations que d’autres dirigeants israéliens ont attendues en vain pendant des décennies. Il repose en effet sur le marché suivant : les pays arabes (du moins ceux qui ne l’ont pas encore fait) s’engagent à reconnaître Israël en échange du retrait israélien des territoires occupés depuis 1967, de la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale et d’une solution « juste et agréée » du problème des réfugiés palestiniens.

Si le gouvernement israélien accepte évidemment la promesse de reconnaissance, longtemps attendue en vain, il formule des objections, des réserves - voire un refus pur et simple - devant les engagements qui lui sont demandés. Et pour cause. Le doublement depuis 1993 du nombre de colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est (440 000 aujourd’hui au lieu de 220 000), la construction en Cisjordanie de la barrière et du mur de séparation qui annexent une large portion du territoire palestinien - et la majorité des colons - à Israël rendent difficile le retour à la « ligne verte » de 1967, mentionnée dans le plan. Quant au « droit au retour », qui serait exigé par les réfugiés palestiniens et qui est considéré par Israël comme une menace pour son existence, il relève davantage de la polémique que de la diplomatie. Les mots « droit au retour » ne figurent pas dans le plan. Le sentier de la paix, en d’autres termes, reste à ouvrir...

René Backmann - Le Nouvel Observateur, n°2213, semaine du jeudi 6 avril 2007

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