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Réfugiés syriens : des mariages dits « de protection » qui sont des mariages forcés

mercredi 12 septembre 2012 - 19h:56

Anas Zarzar - Al-Akhbar

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La grande pauvreté et les conditions de vie extrêmement difficiles dans les camps de réfugiés, poussent les familles syriennes qui ont fui la violence dans leur pays, à recourir à de terribles moyens pour tenter de mettre leurs enfants à l’abri.

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9 Septembre 2012 - La jeune mariée et réfugiée Hanan Al Hariri (assise au fond), âgée de 20 ans, lors de son mariage dans le camp de réfugiés Al Zaatri dans la ville jordanienne de Mafraq, près de la frontière avec la Syrie - Photo : Reuters/Muhammad Hamed

Un grand nombre de familles syriennes endurent dislocation et dispersion à une échelle sans précédent, après avoir fui les zones touchées par les combats, lesquelles ont considérablement augmenté au cours des deux derniers mois.

Il n’est maintenant pas rare d’entendre un père, s’abritant au centre de Damas avec certains de ses proches, dire que les autres membres de sa famille sont allés en Jordanie, au Liban, ou même en Irak. Abu Nizar espère suivre les autres membres de sa famille en Jordanie, où ils sont allés il y a quelques jours, s’ajoutant aux centaines de milliers de Syriens qui se sont réfugiés dans les pays voisins et qui vivent souvent dans des conditions extrêmement difficiles.

« Dans les camps de réfugiés vous perdez votre liberté de décider. Vous devenez une personne à charge et devez faire ce que les autorités vous disent de faire, après qu’elles vous aient fourni le strict minimum pour vivre - juste assez pour vous empêcher de mourir, mais pas plus », dit-il.

Akram, un syrien résident de longue date en Jordanie, affirme que dans le camp Zaatari, qui abrite près de 30 000 réfugiés syriens dans le désert près de la ville frontalière de Mafraq, un nouveau phénomène social s’est répandu qui est maintenant nommé sûtra ou mariage de « protection », où les réfugiés marient leurs filles, même à un âge très jeune, à la première personne qui demande leur main, sous prétexte de « protéger » leur honneur. Il dit connaître un cas où un Jordanien de 70 ans s’est marié avec une fillette syrienne âgée de 12 ans.

Akram reconnaît que de tels mariages n’étaient pas jusque-là totalement inconnus parmi les clans et les tribus qui habitent des deux côtés de la frontière jordano-syrienne. Mais ces mariages organisés actuellement dans les camps sont motivés par différents facteurs. « Beaucoup de familles syriennes qui marient leurs filles à des parents ou à des connaissances en Jordanie pensent qu’elles font ce qu’il y a de mieux à faire. Elles le font par inquiétude, ou pour leur épargner l’expérience du camp. »

Nidal, un autre syrien qui vit à Amman et est diplômé en sociologie, explique que lorsque les réfugiés syriens ont commencé à venir en Jordanie, beaucoup se sont installés chez des parents jordaniens ou ont trouvé eux-mêmes à se loger. Certains Jordaniens riches ou des classes moyennes ont même publié des annonces pour offrir gratuitement une maison à des réfugiés. Mais comme le nombre de ces réfugiés grandit et que le gouvernement jordanien réclame de l’argent de donateurs étrangers pour faire face à cet afflux, un premier camp a été mis en place avec des financements internationaux.

Les mariages de « protection » ont commencé à devenir plus nombreux et sont exploités comme une conséquence directe des conditions de vie atroces dans le camp, selon Nidal. Les réfugiés, désespérés, ont commencé à chercher un moyen de sortir leurs enfants de la pauvreté et de la misère. Dans le même temps, les hommes jordaniens qui désirent se marier, abusent de la situation désastreuse qui est celle des réfugiés syriens. « Se marier à une fille syrienne réfugiée revient moins cher que d’épouser une fille jordanienne, et est généralement considéré comme une bonne chose en Jordanie », explique-t-il.

Le prestige attaché au fait d’avoir une fiancée syrienne est encore plus important de nos jours, dit-il, car « le fiancé se sent en quelque sorte un participant à la révolution syrienne, qui est très populaire en Jordanie. » Nidal dit aussi que, contrairement à certains rapports des médias, la plupart des hommes impliqués sont des ressortissants jordaniens et non d’autres pays arabes.

Des militants sur Internet ont commencé à faire campagne pour sensibiliser l’opinion sur cette pratique et l’exploitation et les abus qu’elle entraîne. Un groupe militant appelé « Réfugiés et non captifs » a acquis une importante audience sur Facebook. Dans sa déclaration fondatrice, il a déclaré que même si ces genres de mariages sont présentés comme un moyen de protéger l’honneur des autres femmes musulmanes, ils sont en réalité motivés par des « instincts purement sexuels » et s’apparentent à de l’exploitation sexuelle. Ils se demandent également pourquoi « les hommes d’honneur impliqués ne se sont pas précipités pour ’protéger’ des femmes réfugiées venues de Somalie, du Soudan ou du Darfour. »

L’un des militants de la campagne à Amman a dit Al-Akhbar qu’après des recherches sur le phénomène, le nombre de mariages dûment inscrits et enregistrés dans le camp de Zaatari était inférieur à dix. Mais il était difficile de déterminer le chiffre réel car beaucoup de mariages sont connus pour avoir été organisés en secret. Dans un cas, le mari a essayé d’abuser sexuellement de la jeune fille qu’il avait épousée, mais celle-ci a réussi à s’enfuir et a été aidée pour retourner vers le camp et ses parents.

Un de ces militants nous a déclaré que aussi grave que soit le problème, les médias exagèrent souvent et cherchent le sensationnalisme. « Nous fournissons des informations et des chiffres aux médias qui nous contactent et aux journalistes qui nous rendent visite, mais nous sommes surpris de constater qu’ils gonflent les chiffres et les faits. »

Bien qu’il ne voulait pas donner des détails sur des cas spécifiques pour éviter de compromettre les familles concernées, il a dit que « ce qu’ils ont tous en commun est une combinaison de pauvreté sans espoir et de manque de conscience sociale sur les dommages provoqués par ce genre de mariage. »

Il y a eu des informations dans la presse disant que des bureaux ont été mis en place en Libye pour fournir des épouses syriennes à de futurs mariés libyens. Le chef d’un tel organisme a été cité comme disant qu’il facturait environ 300 euros pour ce service, et qu’il se sentait « responsable devant Dieu » du mariage qui en résulte. Il transmet les demandes à un contact dans le camp, dont la femme sert alors d’agent de liaison, trouvant des jeunes femmes correspondant aux critères indiqués par le demandeur.

En réponse au tollé médiatique sur la question, certains membres du clergé en Jordanie et dans d’autres pays arabes ont émis des fatwas contre de tels mariages et contre les justifications pseudo-religieuses qui sont données pour les justifier. Mais comme le remarque l’écrivain syrien et journaliste Adnan Azrouni, beaucoup reste à faire pour mettre un terme à cela. « Il doit y avoir un tollé à l’intérieur et à l’extérieur des camps : Non à l’ingérence cléricale dans la question des femmes réfugiées ! Non aux profiteurs de la crise ! Ne pas faire des femmes syriennes deux fois des victimes ! »

12 septembre 2012 - Al-Akhbar - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.net - Naguib


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