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Le dilemme que pose la Syrie aux Palestiniens

lundi 30 juillet 2012 - 06h:57

Sharif Nashashibi

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Le Hamas s’oppose à Assad, mais certains Palestiniens semblent plus intéressés à être anti-Israël et anti-US qu’à se lever pour défendre les droits humains.

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Un jeune réfugié syrien fasant le signe de la victoire.
Photo : Umit Bektas/Reuters

Les dirigeants, organisations et officiels palestiniens sont restés généralement silencieux au début de la révolution de Syrie, spécialement parce qu’ils se préoccupaient du sort du demi-million de réfugiés palestiniens dans le pays.

Cependant cela a changé maintenant, et pas en faveur du Président Bashar al-Assad. Les attaques contre les camps de réfugiés palestiniens par les forces syriennes qui lui sont fidèles - la plus récente étant la semaine dernière celle contre le camp de Yarmouk - ont provoqué des tués, des blessés, et le déplacement de milliers de réfugiés. Cela a suscité la colère chez les réfugiés palestiniens, dont beaucoup maintenant soutiennent ouvertement la révolution, et recueillent des réfugiés syriens.

Ceci est particulièrement dommageable pour le régime Assad car il s’est longtemps considéré comme un gardien de la cause palestinienne.

Évoquant manifestement les Palestiniens, Jihad Makdissi, porte-parole du ministère syrien des Affaires étrangères, a publié sur Facebook que les « invités » en Syrie « devaient respecter les règles de l’hospitalité » ou « partir pour les oasis de démocratie dans les pays arabes ». Par la suite, il a retiré ses propos suite à une levée de boucliers.

Les partisans du régime citent souvent le fait que les réfugiés palestiniens en Syrie sont traités beaucoup mieux que dans les autres pays arabes. Ce qu’ils oublient de dire cependant, c’est que la loi qui consacre les droits de ces réfugiés a été votée bien avant que le parti Ba’as ne prenne le pouvoir.

Alors que plusieurs dirigeants palestiniens ont rompu leur silence à propos de la Syrie, les attitudes varient. Yasser Abed Rabbo, secrétaire général de l’OLP (Organisation pour la libération de la Palestine), a qualifié une attaque par les forces d’Assad contre un camp palestinien à Latakia, de « crime contre l’humanité ». D’un autre côté, Nour Abdulhadi, directeur de l’OLP en Syrie pour les questions politiques, a déclaré plus tard que les réfugiés palestiniens « resteront des sympathisants du gouvernement syrien » - une affirmation qui paraît bien en décalage avec les faits.

Un coup dur pour Assad a été la position du Hamas. Non seulement celui-ci a refusé une demande pour qu’il tienne des rassemblements pro-régime dans les camps de réfugiés en Syrie, mais il a permis aux habitants de Gaza d’organiser des manifestations contre lui.

Ses hauts dirigeants ont quitté Damas au début de cette année, notamment le chef politique Khaled Meshaal - qui aurait deux fois refusé de rencontrer Assad - qui se trouve maintenant au Qatar.

Plusieurs déclarations des hautes instances du Hamas ont sans équivoque soutenu la révolution de Syrie. Dans The Washington Post, Karin Brulliard présente cela comme une rupture nette entre les anciens alliés - rupture, selon Fares Akram dans The New York Times, qui vide le régime « du peu de crédibilité qu’il aurait pu conserver aux yeux de la rue arabe ».

« Le changement de politique (du Hamas) prive Assad de l’un de ses rares sympathisants musulmans sunnites qui lui restaient dans le monde arabe, et l’isole encore davantage sur le plan international » note Reuters.

Le Hamas est le seul élément de l’ « axe de résistance » (regroupant le mouvement palestinien, le Hezbollah, et les régimes iranien et syrien) à dénoncer les mesures répressives d’Assad. Bien que la décision du Hamas soit dans la même ligne que les sondages indiquant que les Palestiniens appuient le Printemps arabe, elle en arrive à un coût important. La diminution qui en découlera dans l’aide iranienne au Hamas - qui a été une bouée de sauvetage pour le mouvement dans les dernières années - demande encore à être comblée par d’autres sources.

Toutefois cela pourrait évoluer, car le nouveau Président égyptien est issu des Frères musulmans, donc sur la même idéologie, et les États arabes du Golfe pourraient récompenser le Hamas d’avoir tourné le dos à ce qu’ils considèrent comme l’alliance des menaces chiites régionales. De plus, le Hamas s’est garanti probablement un important allié avec la Syrie post-Assad que l’Iran et le Hezbollah perdront quand Assad partira. Le soutien du Front populaire pour la libération de la Palestine-Commandement général (FPLP/CG) à Assad a également provoqué une réaction forte chez les réfugiés palestiniens en Syrie qui ont attaqué les bureaux du mouvement.

La révolution syrienne affectera fondamentalement la lutte palestinienne, d’une manière qu’il est difficile d’indiquer à ce stade. Alors que les destinées et les luttes des peuples palestinien et syrien sont à bien des égards entrelacés, l’interaction de cause à effet entre eux est complexe et fluide.

Bien des gens ne ressentent aucun amour pour le régime Assad, mais ont peur de ce qui va suivre, particulièrement d’une guerre civile, peur pour la sécurité, les droits humains, la démocratie, les statuts des minorités, et le rôle du l’Islam et de la laïcité. Ceci est parfaitement compréhensible, étant donné les difficultés auxquelles sont confrontées les autres États du Printemps arabe.

Cependant, une minorité soutient Assad avec la conviction que le renverser serait un coup porté à la résistance contre Israël et les États-Unis. Cela a conduit à certaines affirmations ridicules, tel qu’un titre sur le World Socialist Web site, disant : « Le Hamas s’aligne sur l’impérialisme US contre la Syrie, l’Iran ».

Je suis totalement en désaccord. Premièrement, pour Israël, Assad est « le diable bien connu » qui (avec son père) a laissé la frontière syro-israélienne tranquille pendant des décennies, et qui a aidé les États-Unis dans leur « guerre contre le terrorisme ».

Deuxièmement, il est malvenu et offensant de considérer la souffrance des Syriens selon qu’elle profite à Israël, aux USA ou aux Palestiniens.

Troisièmement, il y a toujours eu un fort soutien des Syriens à la lutte palestinienne - et cela n’a pas été initié par le parti Ba’as ou les Assad.

Une Syrie post-Assad se réorientera probablement à l’écart de la Russie, du Hezbollah et de l’Iran, mais cela ne se traduira pas par un abandon des Palestiniens ni par un rapprochement avec Israël car ce serait, à l’échelle nationale, électoralement désastreux.

Cependant, tout comme le soutien de Yasser Arafat à Saddam Hussein lors de l’invasion du Koweit a affecté de façon catastrophique les Palestiniens au Koweit, et plus largement dans la région du Golfe, les divisions dans la réaction palestinienne à la révolution syrienne engendrent la méfiance.

Ce qui est sûr à ce stade, c’est que les axes du pouvoir et des alliances seront redéfinis. Quel que soit ce qui arrive, et quels qu’en soient les bénéficiaires, ce ne doit pas être la priorité. Ce qui est capital, ce sont les droits des Syriens. Si les Palestiniens et leurs sympathisants veulent que le monde considère leur lutte comme une lutte pour les droits humains universels - à juste titre -, ils doivent prêcher par l’exemple, et le faire à l’unisson.

Si la plupart soutiennent le peuple syrien, certains semblent plus intéressés à être anti-Israël et anti-américain qu’à se lever pour défendre les droits humains universels. C’est aussi négatif pour les Palestiniens que ça l’est pour les Syriens.

* Sharif Hikmat Nashashibi est président et cofondateur de Arab Media Watch, organisme de surveillance indépendant et à but non lucratif, créé en 2000 pour rechercher des couvertures objectives des questions arabes dans les médias britanniques.

27 juillet 2012 - The Guardian - Traduction : Info-Palestine.net/JPP


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