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Salam Fayyad : « Jamais nous n’avons été plus marginalisés »

dimanche 29 juillet 2012 - 17h:04

Donald Macintyre - Miftah

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La cause des Palestiniens n’a jamais été plus « marginalisée » qu’elle ne l’est aujourd’hui : c’est l’avertissement lancé par leur Premier Ministre internationalement respecté.

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Salam Fayyad, Premier Ministre de l’Autorité Palestinienne (lepoint)

Citant le printemps arabe qui attire l’attention internationale, la crise de l’eurozone et le cycle électoral des Etats-Unis, M.Fayyad a dit hier que les dirigeants palestiniens se trouvaient devant un chemin de plus en plus intenable, tandis que le monde regardait largement ailleurs.

Dans une interview au quotidien The Independent, le Premier ministre palestinien s’est montré fortement critique de l’incapacité de l’Occident à interpeller plus « sérieusement » Israël sur ses violations du droit international et ses obligations envers la Feuille de route depuis neuf ans.

Il déclare que cette « marginalisation » était maintenant le « plus gros obstacle » au progrès vers un État palestinien. « Notre cause n’a jamais été aussi marginalisée » dit-il. « Jamais. C’est là est notre plus grand défi ».

Et il met en garde : l’Autorité palestinienne elle-même est gangrenée en raison de facteurs allant de sa crise financière aiguë jusqu’à une perte de confiance potentielle des Palestiniens en sa capacité de mettre un terme à l’occupation, perte de confiance « qui augmente de jour en jour ».

Il apparaît bien vite que la réputation de M.Fayyad, celle du technocrate sec, d’un professionnalisme consommé, est incomplète - c’est le moins que l’on puisse dire. Fendant l’air de ses mains et tapant parfois du poing sur la table devant lui, il élève la voix quand il cite l’exemple du projet actuel d’Israël de raser huit hameaux palestiniens d’élevage ovin dans les collines au sud d’Hébron - dont certains datant du XIXème siècle - afin d’utiliser les terres pour l’entraînement militaire.
 
« Le Ministère israélien de la Défense essaie avant tout de mettre fin à l’existence de huit hameaux au sud d’Hébron sous un prétexte que vous pensez complètement scandaleux. L’armée a trop peu de place pour l’entraînement militaire alors vous déplacez toute une population ... En racontant que ces gens ont des maisons à Yatta [ville du sud de la Cisjordanie]. C’est incroyablement outrageant. Ce n’est pas que nous acceptions quelque démolition que ce soit, mais ici nous parlons de l’élimination totale de communautés ».

Il dit que le Quartet international pour le Moyen-Orient (USA, UE, Russie et ONU) s’est concentré sur la « tâche apparemment impossible de relancer le processus de paix d’une manière efficace ... au détriment de l’attention portée à une série de violations qui incluent, sans s’y réduire, l’expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie occupée, et qui ont eu lieu « sans la moindre conséquence ».

Elles comprennent des incursions nocturnes par les militaires dans des villes palestiniennes désignées par les Accords d’Oslo comme zone A de la Cisjordanie et supposées à présent se trouver sous le contrôle de forces de sécurité palestiniennes, largement entraînées par l’Occident. « Il n’y a pas une nuit sans qu’on ait de multiples rafles ou incursions en Zone A » dit-il. Il souligne que le Premier Ministre Benjamin Netanyahou a fait partie du cabinet d’Ariel Sharon qui avait accepté la Feuille de route internationalement acceptée, laquelle appelait notamment au gel des constructions de colonies. « C’est réellement scandaleux. Il n’y a pas une seule exigence de la Feuille de route que le gouvernement d’Israël puisse prétendre respecter. Pas une ».

En 2009 la communauté internationale avait publié une série de déclarations destinées à faire cesser effectivement toutes les colonies - ce qui avait entraîné un gel des constructions pendant dix mois et simultanément des tentatives de redémarrer des négociations substantielles - il dit que les USA d’abord, puis l’UE avaient en effet avisé les Palestiniens que « les règles du jeu ont changé ».

Ajoutant que l’accent international mis actuellement sur le « processus » n’était « pas bien placé ». M.Fayyad, qui doit rencontrer le vice Premier ministre britannique Nick Clegg durant un bref séjour à Londres qui commence aujourd’hui, s’est référé indirectement à la posture de M.Netanyahou pendant ces efforts de négociation, disant : « Je ne suis pas contre le fait de se retrouver ensemble. Mais quand quelqu’un dit qu’il accepte la solution des deux États alors que leurs intérêts sécuritaires sont prépondérants dans la Vallée du Jourdain et qu’ils exigent une présence [militaire] permanente ou très longue sur place, et qu’il y a tous ces faits sur le terrain qu’ils doivent préserver, qu’est-ce qu’il reste exactement ? » 

Appelant à un changement radical de la communauté internationale pour une approche « compartimentée » qui « remonterait le niveau de responsabilité » en confrontant Israël à l’occupation sans aucunement « délégitimer » Israël même, il déclare : « Ce que devrait faire l’UE, et le monde entier d’ailleurs, ... c’est poser au gouvernement israélien - à tout gouvernement d’Israël - une question simple : « Soutenez-vous comme solution à ce conflit l’émergence d’un État palestinien pleinement souverain sur le territoire occupé en 1967, y compris Jérusalem-Est ? Oui ou non ? »

« S’ils répondent oui, ce sera très difficile pour eux d’expliquer comment ils continuent d’accepter l’expansion des colonies, l’extrémisme des colons, la violence qui dans certains cas ne peut se décrire autrement que comme du terrorisme pur et simple ». M. Fayyad dit que les attaques contre des Palestiniens et leurs propriétés, leurs terres et leurs mosquées ont augmenté de 150 % l’année écoulée.

La même chose appliquée à « la manière violente dont l’armée israélienne traite les manifestations palestiniennes non-violentes. Tout cela est une erreur qui peut se révéler extrêmement dangereuse d’un point de vue sécuritaire parce que simplement vous ne savez pas trop s’il va y avoir un incident ». Et d’ailleurs les deux créent le sentiment qu’il y a une « AP faible » qui « ne peut pas faire grand-chose d’effectif pour représenter le peuple en mobilisant l’opinion internationale afin de mettre un terme à tout cela ».

C’est ici que le cri du c ?ur de M.Fayyad touche directement à ses peurs pour le futur. Ne souhaitant pas être entraîné sur la perspective d’une troisième intifada, il préfère dire : « Quand vous cessez d’être une source de réponses crédibles et convaincantes pour votre peuple ... il y a réellement une zone de danger. Je n’ai pas à spéculer sur une troisième intifada aujourd’hui ou demain ou après-demain. Même sans cela, je crois que nous sommes sur un chemin de plus en plus intenable politiquement. L’AP devrait être renforcée et soutenue. C’est un instrument-clé pour la paix ce serait une farce si ceci devait continuer parce que tôt ou tard vous devenez politiquement totalement indéfendable ».

La menace la plus immédiate, c’est bien sûr la crise financière actuelle de l’AP qui en dépit des grands progrès réalisés en management financier, avec son Premier ministre, n’a pas été en mesure de payer entièrement les salaires des fonctionnaires le mois dernier, ce qui signifie pour M.Fayyad que « quand vous commencez chaque journée en vous demandant si vous allez payer les sociétés pharmaceutiques pour des fournitures médicales ou bien payer un autre fournisseur, la gestion de la crise l’emporte sur tout le reste ». Bien qu’il ne s’agisse, comme il dit, que d’un problème de « quelques centaines de millions de dollars », la crise fonctionne encore pour distraire la communauté internationale - y compris les voisins arabes de la région, dont l’aide d’urgence est normalement plus aisée à obtenir ».

M.Fayyad ne défend certainement pas la dissolution délibérée de l’AP. Il n’ignore pas non plus ses erreurs - comme le traitement « inacceptable » et brutal de deux manifestations d’opposants ces dernières semaines et qu’il considère comme violant le principe sacré de « l’expression libre sans limitation ». Mais ayant accompli un ambitieux programme d’édification de l’Etat, il n’est pas découragé par le manque de progrès politique et veut poursuivre - notamment à cause de l’effet « transformateur » que cela peut avoir sur Israël aussi bien que sur les Palestiniens.

« Tout dirigeant d’Israël sur le point de conclure un accord avec nous aura bien plus de facilité s’ils sont capables de dire à leur propre peuple : ’de quoi discutons-nous réellement ? Cet état palestinien existe déjà’. Ce qui revient à dire que c’était une farce, que le résultat n’a pas vraiment ’capté l’imagination’ des décideurs politiques internationaux haut placés au point qu’ils soient prêts à aborder Israël de front sur les politiques - telles que les incursions militaires - qui servent à le saper.

Pour le Premier Ministre palestinien, l’approche plus robuste à ces questions qu’il recherche auprès des politiciens occidentaux jouera alors dans le débat intérieur, d’où il regrette que le dossier palestinien soit trop absent. En effet, selon lui le manque d’intervention déterminée par la communauté internationale a signifié que la question palestinienne n’était pas inscrite dans les priorités de l’ordre du jour des élections israéliennes, et ne le sera sans doute pas davantage dans les prochaines.

Pour toutes ces raisons, insiste-t-il, malgré une opinion contraire croissante, il croit toujours qu’une solution à deux États est possible, plaisantant sur le fait que « par décret les Palestiniens doivent être optimistes ». Mais uniquement à condition qu’il y ait une approche nouvelle par la communauté internationale.

CV de Salam Fayyad :

2007-aujourd’hui : Premier Ministre de l’AP
2002-2005 Ministre des Finances
1995-2001 Représentant du FMI auprès de l’AP
1987-1995 Banque Mondiale

Formation<br/W
Maîtrise de gestion Université St Edward’s (Texas)
Doctorat Université du Texas

Famille
Marié avec Bashaer Kalouti avec qui ils ont trois enfants.

26 juillet 2012 - Vous pouvez consulter cet article à
http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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