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La droite européenne relance le processus de paix au Moyen-Orient

mardi 10 juillet 2012 - 08h:47

Charles Hawley - Spiegel

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Recherche d’une solution alternative au bi-étatisme.

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Le cheikh al-Jabari,chef du clan Jabari à Hébron
(pn5news)

Les populistes ne sont pas particulièrement connus pour rechercher la paix en Europe. Mais au Moyen-Orient, ils tentent de changer cette réputation. Un colloque que des politiciens de droite ont aidé à organiser entre chefs de clans palestiniens et colons juifs s’est tenu jeudi dernier à Hébron. Ils le justifient comme étant une voie alternative pour la paix dans la région.

Les populistes de l’extrême droite européenne sont largement discrédités chez eux. Ils sont très méfiants de l’euro, extrêmement - ils le disent haut et fort - suspicieux à l’encontre des immigrants musulmans et ils s’opposent avec virulence à l’idéal multiculturel de centre gauche, ils sont largement considérés comme un peu plus dangereux que de simples trublions sur la scène politique. Ils sont souvent associés avec des groupes néo-nazis encore plus à droite.

Toutefois au Levant et en particulier parmi les politiciens de la droite israélienne et les colons de Cisjordanie, ils sont souvent beaucoup mieux considérés. Jeudi dernier, des représentants de plusieurs partis politiques européens de droite se sont joints à des cadres dirigeants des colons, des politiciens israéliens de second rang, des dirigeants juifs orthodoxes et un certain nombre de chefs de clan palestiniens, en la demeure du cheikh Farid al-Jabari au sud d’Hébron. La réunion avait pour objectif rien moins que l’établissement d’une alternative au bi-étatisme dans le processus de paix israélo-palestinien.

« Avant toute chose, nous sommes intéressés à réaliser la coexistence pacifique dans la région. Je pense que ce doit être le but de tous les efforts » avait déclaré Heinz-Christian Strache, chef du parti populiste de droite autrichien FPÖ (Parti Autrichien de la Liberté), à Spiegel Online. « A cette fin il est important d’entamer un dialogue. Je suis convaincu qu’on peut trouver une solution acceptable pour tous, dans un avenir proche ».

Strache en personne n’a pas pu assister à la réunion de jeudi, mais son parti, et spécialement son confident proche David Lasar, membre du FPÖ dans le gouvernement de la ville-land de Vienne, a joué un rôle important dans l’organisation de la rencontre. Avec Lasar se trouvaient à Hébron Filip Dewinter, parlementaire flamand du parti d’extrême droite Vlaams Belang, ainsi que Kent Ekeroth du parti suédois de même orientation, Swedish Democrats.

« Pas chéris de tous »

Ce n’était pas la première rencontre entre le cheikh Jabari et les cadres des colons - principalement représentés par le juriste Gershon Mesika, directeur du Conseil régional Shomron, qui administre 30 colonies cisjordaniennes - une rencontre qui a vu le jour grâce à des populistes de l’extrême droite européenne. Elle suivait de peu une réunion hébergée dans le quartier général du Parlement européen à la mi-mai par Fiorello Provera, membre du parti italien anti-immigration Ligue du Nord et vice-président de la Commission des Relations extérieures du Parlement européen. Bien que la rencontre ne soit pas inscrite à l’agenda officiel du Parlement, le fait qu’elle ait pu avoir lieu à Bruxelles la charge d’une valeur symbolique.

« La société palestinienne est nuancée. Il y a le Hamas et il y a l’Organisation de Libération de la Palestine. Mais vous avez aussi des gens ordinaires qui pensent et agissent différemment » déclarait Provera dans une interview à Spiegel online. « Les colons, par ailleurs, ne sont pas chéris de tous en Israël, on les considère comme des extrémistes. Mais il faut les comprendre. Comment pourrait-on construire un accord de paix sans écouter les divers groupes d’Israéliens et de Palestiniens ? ».

La question de Provera est révélatrice. Les populistes d’extrême droite européens ont passé pas mal de temps ces deux dernières années à établir des relations avec des politiciens israéliens conservateurs et avec des colons de Cisjordanie. Provera lui-même a fait une tournée en Cisjordanie cette année, sur les traces de plusieurs dirigeants populistes avant lui, notamment Strache.

La plupart d’entre eux sont partis pour Israël intimement persuadés que le pays - vu sa présence sur la ligne de front dans le conflit avec l’islam, comme le disait Strache à Spiegel online l’an dernier - mérite un soutien plus important de la part de l’Europe. Beaucoup sont revenus avec une méfiance accrue à l’encontre de l’Autorité palestinienne et la crainte que la solution bi-étatique n’entraîne un autre état musulman radical juste à côté d’Israël. Leur scepticisme à l’égard des Printemps arabes - en tant que soulèvement des fondamentalismes musulmans - n’a fait que renforcer ces craintes.

Il s’agit évidemment d’une position très analogue à celle des principaux partenaires d’extrême droite en Israël : des politiciens conservateurs du parti Likoud du Premier ministre Benjamin Netanyahou, des parlementaires du parti ultra-religieux Shas et des dirigeants de colons, redoutant la solution bi-étatique qui les contraindrait à renoncer à leurs maisons et à leurs prétentions sur ce qu’ils considèrent comme la patrie des juifs.

Poursuivre une vision alternative

En outre, le rapprochement actuel entre l’Autorité palestinienne et le Hamas dans la Bande de Gaza ainsi que la répugnance à reconnaître Israël comme un État juif, ce qu’exige le Premier ministre Benjamin Netanyahou, ont frustré le gouvernement israélien. En effet,dans son discours devant le Congrès des États-Unis en 2011, Netanyahou proclamait hypocritement que si l’Autorité palestinienne disait simplement « Nous reconnaissons Israël comme un État juif », cela suffirait à mettre un terme au conflit.

Bien que l’insatisfaction quant à la solution à deux États dans le processus de paix soit l’aboutissement de cheminements différents parmi certains Palestiniens, des chefs de clan comme le cheikh Jabari sont parvenus à la conviction similaire, à savoir qu’une vision alternative doit être poursuivie. Jabari se sent profondément frustré par ce qu’il décrit comme une Autorité palestinienne corrompue qui n’a pas fait grand-chose pour aider son Hébron natale. En outre, il est persuadé que les Palestiniens ne pourraient jamais accepter une solution bi-étatique en raison de prérogatives religieuses interdisant aux musulmans de renoncer à leurs prétentions sur ce qu’ils considèrent comme terre musulmane.

« Nous ne voulons pas vivre dans l’illusion » a déclaré Jabari à Spiegel online. « La création d’un Etat palestinien est impossible. Elle est opposée à nos principes religieux parce que nous ne pouvons pas renoncer à notre terre. L’idée est mort-née ».

Comme alternative, Jabari voit un État unique dans lequel les Palestiniens vivent légalement et en paix avec leurs voisins juifs. Et il a accompli des démarches importantes pour réaliser cette vision. Pendant plusieurs années, Jabari a entretenu des contacts avec des dirigeants juifs à Hébron et a hébergé plusieurs réunions visant, comme il dit, « à éliminer la haine qui s’est construite dans les générations récentes ».

Certains Israéliens de la droite voient dans ces efforts une tentative prometteuse pour créer un partenaire de négociations alternatif à l’Autorité palestinienne. « Il y a le point de vue commun sur le fait que l’Autorité palestinienne a réellement échoué à réaliser la vision du processus de paix d’Oslo », dit David Haivri porte-parole de Mesika, l’administrateur des colonies. Il sont peut-être nombreux à ne pas avoir envisagé d’alternative. Mais quant à moi je vois Jabari comme une possible solution au problème ».

Les prétentions sur la Cisjordanie

Bien sûr, l’Autorité palestinienne est très préoccupée par ces efforts et en particulier par l’implication de politiciens européens quelle que soit leur couleur. En mai, le ministre des Affaires étrangères a publié une condamnation cinglante de l’invitation lancée par Mesika aux membres du Parlement européen, le qualifiant de terroriste et exprimant son espoir que cela «  ne constituera pas une nouvelle approche pour gérer la question palestinienne ».

Une porte-parole du ministère des Affaires étrangères a souligné pour Spiegel online que l’Autorité palestinienne reste le partenaire officiel vis-à-vis de la communauté internationale. « N’importe qui ne peut pas représenter le peuple palestinien », dit-elle. En outre, l’Autorité palestinienne considère toutes les colonies de Cisjordanie comme violant le droit international, position que l’Europe soutient officiellement.

Comme la position de l’Autorité palestinienne est largement reflétée par celle de la communauté internationale y compris les USA, il n’est pas évident que le dialogue naissant pourrait être fructueux. Toutes les personnes présentes jeudi dernier ont souhaité se rencontrer à nouveau dans un avenir proche et l’optimisme était de mise. Il n’empêche que changer des décennies de politique de paix, sans parler du terrain commun à établir entre deux groupes qui se croient habilités à prétendre à des droits historiques et religieux sur la Cisjordanie, cela promet d’être difficile.


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07 juin 2012 - SPIEGEL ONLINE - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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