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Israël se lamente à cause de l’élection de Morsi

samedi 30 juin 2012 - 18h:21

Abdel Bari Atwan

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Difficile de ne pas remarquer que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, n’a pas félicité le Dr Mohammed Morsi, le président égyptien nouvellement élu, tandis que le président américain Barack Obama l’a félicité un peu tardivement de même que le roi Abdullah Bin Abdul Aziz d’Arabie saoudite.

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Rassemblement place Tahrir au Caire pour fêter l’élection du Dct Morsi, candidat de la Fraternité Musulmane

Le triumvirat américano-israélo-saoudien attend de voir les conséquences de l’élection d’un président islamiste dans cette nouvelle période, non seulement pour l’Égypte, mais pour l’ensemble du Moyen-Orient.

Sans aucun doute, les Israéliens sont les plus inquiets parce que leur paix froide - qui a duré 34 ans sur ses 64 ans d’existence - en matière de sécurité et de relative stabilité, est sur le point de se réchauffer avec un changement important suite à l’élection d’un président élu qui est islamiste, pour la première fois dans l’histoire de l’Égypte, pays vieux de plus de huit mille ans.

Les préoccupations d’Israël concernent le sort réservé aux Accords de Camp David, ainsi que la possibilité d’un changement majeur dans l’appareil de sécurité égyptien avec l’arrivée d’un chef du renseignement islamiste, le major-général Muwafi Murad qui a remplacé le major-général Omar Suleiman, un fidèle ami d’Israël.

Dans son premier discours, le Dr Morsi a assuré à Israël et à l’Amérique qu’il respecterait les traités internationaux, sans citer celui de Camp David par son nom, mais nous ne pouvons pas écarter la possibilité qu’il puisse modifier de nombreux articles dans cet accord.

Si nous gardons à l’esprit que le Dr Morsi était à la tête de la Commission nationale égyptienne pour la « résistance au sionisme », alors il n’est pas difficile de croire ce qui a été rapporté par Fars, l’agence iranienne de nouvelles, que Morsi modifiera l’accord, ou plutôt qu’il l’annulera s’il estime qu’il est incompatible avec sa vision et celle des Frères musulmans.

Israël souhaite maintenir sa coordination sécuritaire avec les services de renseignements égyptiens et le Conseil militaire, le dirigeant de facto du pays. Toutefois, ces v ?ux sont peu susceptibles d’être couronnés de succès si un officier islamiste prend la direction du service de renseignement, ce qui enverrait la coordination sécuritaire en unité de soins intensifs avant qu’elle ne soit enterrée.

Certes, la modification ou l’annulation des accords de Camp David ne figurent pas parmi les priorités de Morsi et de son gouvernement, et la même chose peut être dite sur le fait de s’affronter au Conseil militaire, car le véritable défi et la priorité absolue, c’est l’économie, c’est-à-dire créer des emplois pour plus de dix millions de chômeurs, et rapidement.

Il y a une théorie en Occident, le berceau du capitalisme mondial, qui dit que le marché boursier permet de mesurer la stabilité d’un pays et qu’il est le véritable indicateur de son avenir économique. Si cette théorie est correcte, alors l’avenir sera prometteur pour le Dr Morsi : la bourse égyptienne a augmenté de plus de 6 pour cent, taux le plus élevé jamais enregistré, une journée après la victoire de Morsi, juste avant que les transactions ne cessent.

Le Dr Morsi est assis sur un trésor vide après un an et demi d’un boycott arabe et financier occidental. Le Dr Ganzouri, l’actuel Premier ministre, a estimé que l’aide urgente dont l’Égypte a besoin se situe dans les 15 milliards de dollars US. La question est de savoir d’où viendra tout cet argent ?

L’Arabie saoudite, le plus riche pays arabe, n’aime pas les Frères musulmans et le dernier prince couronné, Nayef Bin Abdul Aziz, n’a pas hésité à les présenter comme « la cause du fléau. » Les Émirats Arabes Unis, qui diffèrent de leur s ?ur aînée du Golfe dans à peu près tout, sont en accord avec elle sur ce sujet. Le lieutenant-général Dahi Khalfan Tamim, chef de la police de Dubaï, a lancé une guerre sur Twitter contre la Fraternité. La probabilité que le gouvernement Morsi bénéficie du soutien financier de ces deux états est pratiquement nulle.

Peut-être l’hostilité du Golfe est la raison à l’origine de la déclaration du nouveau président égyptien à l’agence iranienne Fars, où il dit qu’il chercherait à établir des relations normales avec l’Iran, ce qui ennuierait de nombreux États du Golfe qui pensent que l’Iran est un ennemi plus dangereux pour eux que Israël.

Il est difficile pour nous de comprendre la raison derrière ce désagrément pour un rapprochement égypto-iranien. Il est étrange de constater que les ambassades du Golfe sont parmi les plus importantes dans la capitale iranienne, Téhéran. Alors pourquoi ces États du Golfe devraient-ils priver l’Égypte de quelque chose qu’ils se permettent d’eux-mêmes ?

Malgré le démenti de ces déclarations [de Morsi] par la présidence, le rapprochement avec l’Iran n’est pas si loin.

La mission du nouveau président de l’Égypte est loin d’être facile, mais il va certainement pousser l’Égypte à s’affranchir de la domination américano-israélienne, en particulier en ce qui concerne ses relations avec Israël. La période de lune de miel israélo-égyptienne est terminée. C’est ce qui explique les grandes célébrations entendues tout au long de la bande de Gaza une fois que les résultats des élections ont été annoncés. Ahmed Shafiq, le candidat préféré d’Israël, a échoué, ce qui explique aussi l’état de déprime qui se répand au siège de l’ex-président palestinien, Mahmoud Abbas, à Ramallah.

L’Égypte est revenu à son peuple et aux Arabes dans leur ensemble. Elle fait ses premiers pas vers une renaissance tant attendue. Il y a bien sûr ceux qui vont tenter d’entraver sa marche, mais ces difficultés seront temporaires et résolues avec confiance et compétence.

L’État égyptien ne sera ni militaire, ni islamique, mais un État civil avec une saveur islamique, basé sur les fondements d’une solide démocratie. Les Frères musulmans ont appris de leurs erreurs et la meilleure personne est celle qui se repent de ses péchés. Prions pour la nouvelle Égypte sur laquelle le soleil s’est levé avant-hier.

* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.

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26 juin 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.abdelbariatwan.com/Israe...
Traduction : Info-Palestine.net - al-Mukhtar


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