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La déclaration d’un État palestinien : un danger pour le droit au retour ?

jeudi 22 décembre 2011 - 06h:03

Mahmoud Hanfi
PRC/Shahid

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L’OLP doit réexaminer sa démarche et préciser ses priorités et options avec clarté.
Le droit humanitaire international et les droits de l’homme internationaux avec toutes leurs composantes et règlements constituent la base légitime de la cause palestinienne. L’occupation israélienne s’en rend parfaitement compte. Et la dilution de ces lois met en péril les droits palestiniens garantis par le droit international.

Un point de vue juridique, compilé et rédigé par Mahmoud Hanfi pour le Palestinian Return Centre (PRC) et la Palestinian Organization for Human Rights (Shahid).

La Déclaration universelle des droits de l’homme a été ratifiée le 10 décembre 1948. Décembre est aussi l’anniversaire de la Résolution 194 des Nations-Unies (la même année) appelant et protégeant le retour des réfugiés palestiniens. Décembre est un mois très particulier pour les Palestiniens en ce qu’il marque aussi la création de l’UNRWA, en 1949.

Cette année, l’Organisation palestinienne pour les droits de l’homme (Shahid) et le Centre palestinien pour le retour (PRC) éditent ce rapport qui se livre à l’analyse de la Résolution 194 des Nations-Unies et de son application future.

Il pose un certain nombre de questions et tente d’y apporter des réponses.

  • 1 - Quel est l’avenir des réfugiés palestiniens ? Vont-ils revenir dans le futur État palestinien créé sur les territoires de 1967 ? Israël laissera-t-il faire cela ? Ou leur sort reste-t-il incertain ?
  • 2 - Les réfugiés palestiniens vont-ils devenir des ressortissants de l’État de Palestine dans leurs pays d’accueils ? Cela signifie-t-il qu’ils sont assurés d’avoir des passeports délivrés par le futur État palestinien une fois qu’ils se seront acquittés des droits annuels de résidence ? Que sera le sort des camps palestiniens, resteront-ils en l’état ?
  • 3 - Quel est le statut de l’UNRWA ? Quel sera son avenir ? La déclaration d’un État palestinien conduit-elle à l’interruption de ses services ? Le statut juridique de l’UNRWA restera-t-il ce qu’il est aujourd’hui ?
  • 4 - Que deviennent les résolutions internationales, spécialement la Résolution 194 votée par l’Assemblée générale concernant le retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie d’origine ?
  • 5 - La déclaration d’un État aux Nations-Unies conduit-elle à plus d’incertitudes politiques et juridiques pour les réfugiés palestiniens ? Accentuera-t-elle la marginalisation de ces réfugiés ? L’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) est-elle prête à répondre à toutes ces questions ? L’OLP a-t-elle étudié sa démarche, scientifiquement et méthodiquement ?

Le rapport va tenter de répondre à ces questions en abordant les trois points suivants :

- Premièrement : la définition juridique du droit au retour ;
- Deuxièmement : la définition juridique de la Résolution 194 ;
- Troisièmement : la définition juridique de la déclaration d’un État palestinien et ses répercussions.





Premièrement : la définition juridique du droit au retour

Le droit au retour d’une personne dans son propre pays est un élément fondamental des droits de l’homme. L’article 13 de la Déclaration internationale des droits de l’homme, votée en 1948, stipule les points suivants :

  • Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.
  • Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.

L’article 12 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques voté en 1966 dispose notamment que :

  • Quiconque se trouve légalement sur le territoire d’un État a le droit d’y circuler librement et d’y choisir librement sa résidence.
  • Toute personne est libre de quitter n’importe quel pays, y compris le sien.
  • Nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays.

Les alinéas ci-dessus de l’article 12 parlent clairement de Patrie et non d’État, ceci afin de protéger leur droit au retour dans la patrie d’origine.

Le droit humanitaire international, et spécialement la Quatrième Convention de Genève votée en 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, a tranché clairement et définitivement la question du droit au retour dans le foyer d’origine.

Les dispositions et les règles du droit humanitaire international, spécialement de la Quatrième Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, sont des normes impératives qui ne peuvent être violées par aucune autre clause contractuelle.

Ainsi, le non-refoulement du réfugié et l’exigence du retour à son lieu d’origine sont-ils considérés comme un élément essentiel des piliers internationaux de la légitimité des droits de l’homme et du droit humanitaire international. Le droit au retour est un droit naturel soutenu par des lois naturelles. C’est un droit inaliénable qui ne peut être dénié par une personne ou même un groupe de personnes. En outre, aucun parti ou entité ou gouvernement, élu ou non élu, ne peut disposer de ces droits. Par ailleurs, aucun accord contractuel ne doit abroger ce droit.


Deuxièmement : la définition juridique de la Résolution 194

La Résolution 194 des Nations-Unies de 1948 n’a pas été votée pour établir que les réfugiés palestiniens doivent revenir dans leur foyer d’origine, mais pour réaffirmer les résolutions et les chartes existantes concernées par le droit au retour.

La Résolution a donné une force supplémentaire au droit des Palestiniens de revenir dans leurs villes et villages d’origine. Elle traite du droit au retour en tant que droit collectif (celui des réfugiés palestiniens) et non comme un droit seulement individuel. La Résolution affirme le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers (leurs lieux d’origine) même si leurs foyers se trouvent à l’intérieur d’un État indépendant ou d’un territoire occupé.

Bien qu’elle ait été votée par l’Assemblée générale des Nations-Unies, qui est de statut non contraignant, la Résolution a acquis un statut contraignant. Selon des experts en droit international, elle est devenue contraignante du fait même qu’elle est liée à la paix et à la sécurité internationales. L’Assemblée générale a voté la Résolution sans son contenu n’ait été en rien modifié, à de nombreuses reprises et à une majorité écrasante, et c’est un consensus mondial ainsi formé qui a confirmé tout le contenu de la Résolution et ses exigences.

La Résolution 194 s’interprète d’une façon très particulière et ceci du fait qu’Israël s’est engagé, le 12 mai 1949, conformément aux Protocoles de Lausanne (qui a préparé la création d’Israël), à accepter le retour des réfugiés palestiniens. Cet engagement et cette promesse obligent Israël à appliquer la 194 et permettent le retour des réfugiés palestiniens sans aucune condition.

Mais Israël persiste dans son refus de respecter la Résolution. Cela soulève la question : l’accession d’Israël aux Nations-Unies est-elle légale et légitime ? En révoquant le retour des réfugiés, Israël n’est rien d’autre qu’un imposteur au sein des Nations-Unies.

En résumé, la Résolution 194 des Nations-Unies est légalement contraignante sur un plan général. Elle confirme un droit humain fondamental qui est le Droit au retour. Elle est un atout juridique dans le conflit arabo-israélien qui ne doit pas être altéré et auquel il ne faut pas renoncer. Il ne faut ni le diluer ni le négliger car la question des réfugiés palestiniens est un élément clé de la cause palestinienne. Les réfugiés palestiniens représentent plus des deux tiers du peuple palestinien.


Troisièmement : la définition juridique de la déclaration d’un État palestinien et ses répercussions

1 - Les conditions pour accepter un État comme État membre.

C’est à certaines conditions qu’un État peut être accepté comme membre des Nations-Unies en se fondant sur des règles de procédure du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale qui sont les suivantes :

  • A - Un État présente une demande d’adhésion au secrétaire général dans laquelle il explique ses raisons de rejoindre les Nations-Unies. L’État souligne aussi qu’il acceptera les conditions de son acceptation/affiliation à l’ONU.
  • B - Le secrétaire général soumet la demande directement au Conseil de sécurité qui doit l’examiner dans les 35 jours à compter de la date de la session ordinaire de l’Assemblée générale.
  • C - Le président du Conseil de sécurité transfère la demande à la Commission d’acceptation des nouveaux membres.
  • D - La Commission débat de l’application et de la demande en examinant les conditions qui doivent être respectées.
  • E - Présentation d’un rapport au Conseil de sécurité.
  • F - Le Conseil de sécurité décide alors d’accepter ou de refuser la demande d’adhésion.
  • G - Pour que la recommandation au Conseil de sécurité soit acceptée, il faut 9 voix pour sur les 15, avec la condition supplémentaire qu’aucun des cinq membres permanents du Conseil (Russie, Chine, France, Royaume-Uni et États-Unis) n’y opposent son veto. Comme nous le savons, les États-Unis ont menacé à de multiples reprises d’utiliser leur droit de veto contre la candidature à un État palestinien.
  • H - Alors, le Conseil de sécurité remet sa recommandation à l’Assemblée générale pour qu’elle vote sur cette demande d’adhésion. A l’Assemblée générale, si la majorité des deux tiers est acquise, alors l’État est reconnu.
  • I - Si le Conseil de sécurité propose une recommandation négative sur la demande d’adhésion, l’Assemblée générale peut en décider autrement. L’Assemblée générale peut invoquer la Déclaration 377 des Nations-Unies, « S’unir pour la Paix ». Selon cette résolution, l’Assemblée générale peut contourner le refus du Conseil de sécurité si elle le considère comme une «  menace pour la paix et la sécurité internationales ». Ce qui, cependant, est très peu probable.


Le champ de cette étude n’est pas assez large pour étudier en détails les critères de l’État et les conditions auxquelles il doit répondre pour son acceptation pleine et entière.

Ainsi, la reconnaissance internationale à l’Assemblée générale ne créerait pas nécessairement un État palestinien. La majorité des voix à l’AG ne garantit pas que l’État sera membre à part entière des Nations-Unies. L’adhésion aux Nations-Unies est liée à la Charte des Nations-Unies qui stipule dans son article 4 que, « l’admission comme membre des Nations-Unies de tout État (remplissant les conditions) se fait par décision de l’Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité ».

2 - Déclarer un État met en danger le droit au retour des réfugiés palestiniens dans leur patrie.

L’initiative palestinienne pour la candidature à une État comporte certains risques qui pourraient nuire au droit des réfugiés palestiniens, plus gravement encore que les accords d’Oslo.

La finalité recherchée par la direction de l’OLP à travers son initiative de candidature d’un État n’est pas à la hauteur, en aucune manière, des dommages qu’elle fait encourir à la cause en général, et du risque mortel pour le droit au retour en particulier.

La confrontation/bataille juridique que l’OLP a l’intention de mener contre l’occupation israélienne dépend du rapport des forces et des intérêts. Déclarer un État palestinien en tant que membre des Nations-Unies ne modifiera en rien le (dés)équilibre des forces.

Le Conseil de sécurité des Nations-Unies est sous l’influence des États-unis. Déjà, à l’Assemblée générale, un champ d’actions est ouvert aux Palestiniens sans qu’il soit nécessaire de déclarer l’État. La relation de l’Autorité palestinienne, en particulier de sa Sécurité, avec l’occupation israélienne ne suppose pas - au moins en partie - qu’il y ait une situation d’hostilité entre les parties avec poursuite des officiers et soldats israéliens devant les tribunaux internationaux.

Atteindre l’objectif de membre permanent des Nations-Unies (ce qui est peu probable pour plusieurs raisons) constitue une menace pour le droit au retour et peut affecter gravement les droits dont les Palestiniens réclament l’application depuis 1948.

  • Cela va nuire à l’image de la cause palestinienne qui est clairement une cause de droits humains et de justice.
  • La déclaration d’un État palestinien (si elle est acquise) peut aboutir au risque sérieux de voir d’autres colons juifs arriver du monde entier pour créer encore plus de colonies.
  • Il y a de fortes chances pour que les Palestiniens qui possèdent la citoyenneté israélienne soient soumis à des pressions encore plus fortes pour qu’ils partent (d’Israël) et aillent dans le nouvel État.
  • La déclaration de l’État de Palestine aura des répercussions juridiques sur le statut des réfugiés palestiniens ; cela parce qu’ils obtiendraient alors le statut de citoyens de leur État. Et cela pose plusieurs problèmes : le premier est, quel genre de documents (passeports, cartes d’identité et autres) obtiendraient-ils de l’État de Palestine ? Quel serait l’impact de ces documents si Israël les refuse, spécialement si ces réfugiés essaient de revenir ? L’autre problème est celui du traitement juridique des pays d’accueil quand ils redeviendront des « communautés de résidents d’un autre État ».

La formulation de l’UNRWA par l’Assemblée générale en 1949 est basée sur la Résolution 302 qui ne devait pas durer plus de 63 ans. La déclaration d’un État palestinien portera préjudice à l’UNRWA. Le mandat donné à l’UNRWA sera inachevé et certains pays donateurs cesseront de financer l’UNRWA.

La déclaration de l’État a, effectivement, quelques avantages, mais ils ne font pas le poids à côté des risques. La direction de l’OLP et les responsables de l’Autorité palestinienne ont failli dans la gestion d’un gouvernement autonome et à plusieurs niveaux, des finances, de la politique, du juridique, ainsi qu’aux niveaux local, régional et international.

Recommandations :

  • 1) L’OLP doit réexaminer sa démarche et préciser ses priorités et options avec clarté.
  • 2) Le droit humanitaire international et les droits de l’homme internationaux avec toutes leurs composantes et règlements constituent la base légitime de la cause palestinienne. L’occupation israélienne s’en rend parfaitement compte. Et la dilution de ces lois met en péril les droits palestiniens garantis par le droit international.


    Rapport préparé par le Centre palestinien pour le retour (PRC) et l’Organisation palestinienne pour les droits de l’homme (Shahid). Compilé et rédigé par Mahmoud Hanfi.

19 décembre 2011 - PRC - traduction : JPP


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