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La réconciliation en l’absence d’autre option
mardi 3 mars 2009 - Saleh Al-Naami - Al Ahram Weekly
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Palestinienne attendant de passer en Egypte à la frontière de Rafah
que les autorités égyptiennes ont ouverte pour trois jours.




Ghazi Al-Hamed, dirigeant du Hamas, et Ahmed Qurei, membre du Comité Central du Fatah, ont passé cette semaine au téléphone, discutant comment le Hamas pourrait accepter l’invitation égyptienne au dialogue. Le principal obstacle qui bloquait l’acceptation de l’invitation par le Hamas était la présence de détenus politiques du Hamas dans les prisons de l’Autorité Palestinienne (AP) en Cisjordanie. Après que chacun d’eux eut consulté la direction de sa faction, un accord a été obtenu pour que l’AP libère des dizaines de détenus du Hamas avant la reprise du dialogue. Cependant le Hamas dit que l’AP détient actuellement 700 de ses membres en Cisjordanie, notamment des figures dirigeantes.

En dépit du problème des activistes du Hamas prisonniers du Fatah, de nombreux représentants des deux mouvements sont arrivés au Caire mardi soir et ont immédiatement commencé à préparer un large dialogue inter-palestinien qui commencerait le mercredi. Le dialogue implique toutes les factions, organisations et autres pouvoirs palestiniens, selon l’agence de presse égyptienne officielle MENA. Les rencontres préparatoires ont été présidées par Qurei et par le n°2 en exil du bureau politique du Hamas, Moussa Abou Marzouk.

Cependant, les dirigeants du Hamas doutent encore sérieusement des intentions déclarées du Président Mahmoud Abbas, et ils ne sont pas convaincus qu’il prépare des mesures restaurant la confiance pour améliorer les relations entre les deux parties, en particulier sur la question des prisonniers politiques. Jamal Abou Hashim, membre du directorat politique du Hamas et participant à la délégation pour le dialogue, a déclaré au Weekly que le Hamas cessait de poser la libération de tous les prisonniers politiques comme condition pour entamer le dialogue avec le Fatah. En revanche, soulignait-il, le Hamas ne peut accepter que 700 de ses membres restent dans les prisons de l’AP simplement parce qu’ils appartiennent au Hamas. Abou Hashim dit que le Hamas stipulera qu’un ultimatum devra être fixé pour résoudre la question des prisonniers politiques et qu’un grand nombre de détenus devront d’abord être libérés pour cimenter la confiance entre les deux parties.

Abou Hashim fait remarquer que le Hamas a rejeté l’invitation égyptienne au dialogue avant la récente attaque sur Gaza, en raison de la question des prisonniers politiques et que cette position était soutenue par un certain nombre de factions palestiniennes. C’est ce qui rend difficile pour le Hamas, selon lui, de consentir à la reprise du dialogue aussi longtemps que ce dossier reste ouvert. Abou Hashim dit aussi que des responsables de haut rang du Fatah ont informé les représentants du Hamas, lors de précédentes rencontres au Caire, que le Fatah ne pouvait prendre de décision concernant la libération de prisonniers du Hamas, parce que le Premier ministre Salam Fayad insistait pour agir d’une main de fer contre le Hamas en Cisjordanie au titre d’application de la feuille de route pour la paix. Selon Abou Hashim, les bases du Hamas en Cisjordanie font pression sur la direction du mouvement pour ne pas reprendre le dialogue avant la solution du problème des prisonniers politiques et la suspension des mesures arbitraires à l’encontre du Hamas.

Mais il semble y avoir un autre problème sur la voie d’un dialogue sérieux, car le Hamas rejette toujours la participation de Samir Al-Meshrawi, dirigeant du Fatah qui a fui la Bande de Gaza après la prise de contrôle par le Hamas. Une source bien informée a confié au Weekly que le Hamas avait informé le gouvernement égyptien qu’il s’opposait à la participation de Al-Meshrawi parce qu’il est l’un des « piliers du coup » planifiant et supervisant des troubles avant la confrontation entre Hamas et Fatah, qui s’est terminée par la prise de contrôle militaire du Hamas. Al-Meshrawi était considéré comme l’un des assistants de Mohamed Dahlan, ce dernier étant le dirigeant du Fatah décrit par le Hamas comme le leader du « coup ». Al-Meshrawi a répondu à la demande du Hamas en disant que le Caire n’avait pas avisé Abou Mazen de ses objections à une participation au dialogue en tant que représentant du Fatah. Il a souligné ensuite qu’il était disposé à concéder sa participation si celle-ci menaçait le succès du dialogue.

Une source du Hamas a déclaré au Weekly qu’en dépit des réserves du Hamas sur la question non résolue des prisonniers politiques ainsi que sur la participation d’Al-Meshrawi à la délégation du Fatah au dialogue, la direction du Hamas était néanmoins décidée à participer au dialogue national. Décision obtenue après la promesse égyptienne de faire de cette question une priorité au cours des séances du dialogue, avec l’accent portant sur la formation d’un gouvernement d’unité nationale. Cette source indiquait que dans le pire des scénarios, au moins la simple formation d’un gouvernement d’unité nationale mettrait automatiquement fin au problème des prisonniers politiques puisque le gouvernement serait compétent pour légiférer en cette matière.

Et malgré les réserves du Hamas à propos du dialogue, Fatah et Hamas s’accordent pour dire que la montée au pouvoir de l’extrême-droite en Israël les a contraints à parvenir à une entente qui pourrait mettre un terme, une fois pour toutes, aux divisions politiques palestiniennes. Ibrahim Abou-Naja, membre du Conseil Révolutionnaire du Fatah, responsable des relations médias du Comité central du Fatah dans la Bande de Gaza, dit que la désignation de Netanyahou pour former le nouveau gouvernement israélien force les Palestiniens à s’unir rapidement, afin de faire face à ce qu’il appelle la « pensée extrémiste de la droite politique israélienne, qui ne reconnaît pas les droits nationaux palestiniens  ». Dans une déclaration au Weekly, Abou-Naja dit que « l’orientation de la droite en Israël indique que l’opinion publique veut que ce qui reste de la Bande de Gaza soit détruit. L’échec aux élections israéliennes de ceux qui ont mené cette récente guerre destructrice est un signe que l’électorat israélien est mécontent de leurs performances et souhaite davantage de massacres et de destructions.

« Cette situation sérieuse ne devrait inspirer ni regret ni déni, mais elle exige que les rangs palestiniens s’unissent rapidement, au travers d’un dialogue national sérieux qui produise un gouvernement d’unité nationale capable d’affronter les sérieuses menaces attendues » dit-il. Abou-Naja appelle les faction palestiniennes à assumer fermement cette responsabilité en tenant promptement un dialogue national qui rencontrerait les objectifs et les ambitions des Palestiniens et en constituant un gouvernement d’unité nationale capable de traiter toutes les occurrences.

Yehia Moussa, vice-président du bloc parlementaire du Hamas est d’accord avec Abou-Naja. Il a déclaré au Weekly que les Palestiniens de toutes tendances intellectuelles et politiques ont maintenant pris conscience que rien ne peut être misé sur les Israéliens, maintenant que leur majorité a fixé ses votes sur la droite et l’extrême-droite, ce qui dénie aux Palestiniens les plus simples de leurs droits nationaux. Moussa dit que la formation d’un gouvernement de droite dirigé par Netanyahou est le signe que tous les paris ont été perdus quant à la possibilité d’obtenir un règlement politique au conflit avec Israël. Il ajoute que la réponse palestinienne à la victoire de la droite israélienne doit être d’entamer un dialogue national qui s’achève par un consensus sur le rassemblement autour de la résistance palestinienne.

Saeb Erekat, chef du département diplomatique de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), dit que l’OLP travaille maintenant à préparer la communauté internationale à la formation d’un gouvernement d’unité nationale attendu après la conclusion du dialogue national. Ce travail préparatoire inclut de garantir la reconnaissance internationale du gouvernement. Erekat dit que la communauté internationale ne doit pas appliquer deux poids, deux mesures lorsqu’elle traite avec les Palestiniens et les Israéliens. Il souligne que quand le gouvernement d’unité nationale fut formé en 2006 sous la direction d’Ismail Haniyeh, le Quartette avait souligné qu’il reconnaissait l’accord signé avec Israël et le principe des deux Etats tout en désavouant la violence, comme conditions pour traiter la question. Erekat déclare : « Si le prochain gouvernement israélien [dirigé par Netanyahou] rejette le principe des deux Etats et les accords signés et insiste pour continuer la guerre, le siège et l’implantation de colonies, ce gouvernement pourrait-il être le partenaire du Quartette ? Ou bien le Quartette déclarerait-il que ce gouvernement n’est pas un partenaire ? »

Naji Sharab, professeur de sciences politiques à l’Université Al-Azhar est convaincu qu’Abou Mazen (Mahmoud Abbas) fera un effort pour clore le dossier des prisonniers politiques parce qu’il sait que sans cela aucun dialogue national sérieux ne peut commencer. Dans une interview avec le Weekly, Sharab dit : « Je suppose qu’Abou Mazen est raisonnable, qu’il a conscience que le dialogue a été empêché à chaque fois en raison de la question des prisonniers politiques, et en tant que tel, nous ne pouvons imaginer que le dialogue ait lieu aussi longtemps que ce dossier reste ouvert comme il l’est ». Sharab souligne que les circonstances nouvelles forcent le Hamas et le Fatah à mettre un terme à leurs divisions, étant donné qu’elles nuisent aux intérêts nationaux aussi bien qu’aux intérêts de chaque mouvement. « Il est clair que l’accession au pouvoir de la droite en Israël signifie un coup dur pour le programme politique d’Abou Mazen, car personne ne croira qu’il peut investir des efforts dans le processus de négociations avec Israël en sachant que Netanyahou a clairement affirmé son refus de se retirer ne serait-ce que d’un mètre des territoires palestiniens » dit-il. « En lieu et place, il proposera une paix économique basée sur l’amélioration des conditions de vie des Palestiniens en échange de quoi ils auront à concéder leurs droits nationaux ».

Selon Sharab le Hamas et son gouvernement ont à présent besoin du dialogue en raison du problème croissant de la reconstruction suite à la guerre récente de Gaza. « La reconstruction est devenue la priorité n°1 pour le gouvernement Hanyeh, et elle n’aura pas lieu tant qu’une réconciliation nationale n’aura pas réussi et mené à la formation d’un gouvernement d’unité nationale reconnu par le monde entier, et au retrait du siège contre le peuple palestinien » ajoute-t-il. Sharab souligne que la reconnaissance du rôle du Hamas dans le processus politique s’accroît et que le monde le voit comme prenant place uniquement au sein d’un régime internationalement reconnu. Il ne s’attend pas à ce que Hamas et Fatah retournent à leurs positions sur les principales questions du dialogue, comme l’avenir de l’OLP, la réforme des agences de sécurité et la formation du prochain gouvernement. Le principal problème, dit-il, est la mesure dans laquelle Hamas et Fatah comprennent la réalité des nouvelles circonstances internationales, et la nécessité d’être en phase avec elles.

L’impression dominante en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza est que Fatah et Hamas prennent tous deux conscience que la réconciliation n’est plus seulement une option, mais plutôt une stratégie qui doit être suivie afin de sauvegarder leur survie politique.

Du même auteur :

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Mars 2009 - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/936...
Traduction de l’anglais : Marie Meert