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Techniques d’expropriation des terres palestiniennes
mardi 4 mars 2008 - Amira Hass

Il n’est pas surpris par les renseignements que le mouvement La Paix Maintenant a officiellement réussi à sous-tirer au ministère de la défense et ce après plus d’une année de lutte pour la liberté d’informer : un tiers environ des colonies juives en Cisjordanie (44 sur 120) sont installées sur des terres palestiniennes privées saisies au moyen d’ordonnances d’expropriation pour des soi-disants « raisons sécurité".

D’après ces données, il ressort qu’au moins 19 des 44 colonies ont été installées sur des terres privées, et ce bien après que le Premier ministre Menahem Begin en 1979, ait décidé que la construction et l’expansion des colonies ne pouvaient se faire que des terres publiques.

La Paix Maintenant a mis à jour ici un autre acte d’hypocrisie car la Cour Suprême ne tient pas forcément compte du statut des terres : ainsi, cette dernière a légitimé après tout, la construction de la colonie de Matityahu sur des terrains appartenant à des habitants de Bil’in.

Ce que l’on sait bien, c’est que l’installation des colonies juives sur des terres palestiniennes privées va de pair avec la perception civique et institutionnelle israélienne qui veut que soit il n’existe pas de terres privées palestiniennes, soit que les palestiniens ne peuvent pas le prouver et qu’en final, ce sont des terres du peuple juif et de sa diapora.

En vertu de cette approche qui a été généralisée depuis les Accords d’Oslo, toute terre qui n’est pas privée, sert et doit servir au développement d’Israël pour le bénéfice des citoyens juifs de l’Etat israélien et pour ceux qui ont le droit d’immigrer en Israël en vertu de La Loi du Retour.

Ce sont justement ces terres qui constituent une partie considérable de la zone C sous autorité de l’armée israélienne et de l’Adminisstration. Elles recouvrent 60% de la Cisjordanie) et elles sont interdites à tout développement palestinien. C’est sur ces terres, appelées terres étatiques, que les 2/3 des colonies ont été installées. Ce qui n’enlève rien à leur illégalité.

Le fait de savoir si les terres de Cisjordanie appartiennent ou non à des propriétaires privés palestiniens relève du même ordre que la discussion sur la prise de contrôle par Israël des territoires palestiniens par le biais de la politique de bouclage. Par exemple, depuis le 5 février 2008, l’armée a de nouveau isolé les villes du nord de la Cisjordanie du reste des territoires par le biais de barrages routiers, et elle a interdit aux hommes âgés de 16 à 35 ans de les quitter. Les journalistes ne rendent pas compte de cette situation.

La discussion sur les terres privées a une bonne résonnance dans les médias israéliens et américains en raison de la sanctification exagérée de la propriété privée. Ce qui fait que la Paix Maintenant est obligée de corriger son premier rapport d’octobre 2006, dans laquelle il est dit que 86% de la superficie de Ma’aleh Adoumim était des terres palestiniennes. Il ressort [selon les définitions précédentes, ndt] que seules 5% de Ma’aleh Adumim sont privées.

Néanmoins, cette colonie non idéologique est parmi les plus dommageables pour les Palestiniens, et elle renforce le régime de l’apartheid en matière de routes de circulation : Elle coupe la partie nord de la Cisjordanie au large de la partie sud, et empêche la contiguïté des territoires palestiniens. La route qui mène à Ma’aleh Adumim sera bientôt fermée aux Palestiniens, qui seront détournés vers une autre route étroite, sinueuse et séparée. Cette colonie juive a provoqué le banissement d’un grand nombre de Bédouins de leurs terres et elle a détruit leurs modes de vie. Avec les colonies juives voisines et le mur de séparation, cette colonie a privé les villes et villages palestiniens de leurs réserves naturelles de développement et d’expansion.

Et si cette terre qui n’a pas été enregistrée, était réellement privée ? A cause de ce vol qualifié, les villages et les villes palestiniens sont devenues surpeuplés et leurs quartiers sont étouffés faute de pouvoir s’étendre naturellement

L’important travail que la Paix Maintenant a investi pour mettre à jour les vrais propriétaires terrains n’a d’égal que l’effort systématique des experts de l’Administration Civile pour empêcher les habitants des villages palestiniens de cultiver leurs terres au-delà de la barrière de séparation. Ces experts mesurent pour chacun sa part dans la succession et ils lui attribuent des heures pendant lesquelles il peut passer à travers les barrières du mur de séparation pour récolter ses olives ou pour labourer. Ces experts empêchent toute culture en commun et ils dressente des listes des frères et des s ?urs à l’étranger pour que leur part de terre
ne soit pas cultivéé par d’autres personnes de la famille.

Toute cette technique sert d’étape préliminaire pour exproprier les terres qui resteraient sans propriétaire afin de les transformer dans le futur en terres étatiques et les attribuer aux juifs seulement.

De même, la propriété palestinienne ne doit pas être concentrée, elle doit être divisée [techniques d’expropriation qui ont fait leurs preuves dans l’Algérie coloniale cf enseignements et contresens d’une analogie, Frédéric GIRAUT, Université Joseph Fourier, UMR Pacte/Territoires et IRD ndt], parce qu’il y a un droit sur elle de l’ensemble des palestiniens puisque l’ensemble de leurs territoires a été occupée mais dans le même temps, ils ne peuvent être considérés comme des personnes privées pouvant prétendre à la propriété car ils ne représentent que le groupe indigène sur cette terre... et la boucle est bouclée.

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Amira Hass

De la même auteure :

- Mémoires de voisinage
- La rage de faire main basse sur les terres palestiniennes
- Deux millions de Khaled
- Un geste en faveur des services pénitentiaires israéliens

20 février 2008 - Ha’aretz - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.haaretz.com/hasen/spages...
Traduction : D. HACHILIF