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Attaques israéliennes contre Gaza : peut-on accuser le Hamas de provocation ?
vendredi 25 juillet 2014 - Hamid Dabashi
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Des femmes palestiniennes participent à un rassemblement organisé par le Hamas à Gaza, en signe de solidarité avec la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem. La banderolle dit : "Al-Qods est en danger"

Dans la plupart des médias d’Amérique du Nord et d’Europe occidentale qui rendent compte du massacre de Palestiniens par Israël, il est souvent répété que le Hamas a également lancé des roquettes en direction d’Israël.

Compte tenu du système de défense perfectionné dont dispose Israël, au nom des contribuables américains, aucune de ces roquettes n’a touché sa cible et heureusement aucun Israélien, homme, femme ou enfant, n’a n’a été tué ou mutilé à cause de ces roquettes.

Un fait que négligent BBC, CNN ainsi que les autres médias effrontément pro-israéliens qui cherchent toujours à « équilibrer » leurs reportages sur la bande de Gaza, en mentionnant le fait que le Hamas a également tiré des roquettes en direction de l’État juif.

Par exemple, de manière particulièrement détestable, Diane Sawyer (ABC) a montré une photographie de Palestiniens exposés aux bombardements israéliens, en expliquant toutefois à ses téléspectateurs américains qu’il s’agissait d’Israéliens attaqués par les roquettes du Hamas.

Quoi qu’il en soit, il demeure que le Hamas tire des roquettes vers Israël, et que même si presque personne n’est touché par ces roquettes, leur intention de frapper quelque part ou de blesser quelqu’un ne faiblit pas. Ainsi, l’opération du Hamas a pour but de blesser des personnes, mais le Hamas ne peut faire comme bon lui semble puisque ses ressources militaires ne sont pas sous la responsabilité des États-Unis.

Grâce à l’AIPAC et aux autres lobbies israéliens et milliardaires pro-israéliens, notamment ceux qui encouragent le président américain Barack Obama à lâcher une bombe atomique sur l’Iran au nom d’Israël, l’État juif bénéficie d’une relation privilégiée avec la machine militaire la plus meurtrière de la planète et participe à volonté à cette force meurtrière. À cet égard, le Hamas a perdu l’enchère face à ses adversaires israéliens et toute aide militaire extérieure qu’il est susceptible de recevoir est en provenance de pays comme l’Iran, qui peut difficilement être comparé à cette machine meurtrière géante appelée les États-Unis.

Des tirs de roquettes erratiques

Aussi inutiles soient-ils, pourquoi le Hamas procède-t-il à ces tirs de roquettes erratiques, et pourquoi ne cessera-t-il pas de toute façon ? À quoi bon en prendre la peine ? Ces roquettes ne sont guère efficaces face à l’armée israélienne. Après tout, le Hamas n’est que David face au Goliath israélien dans cet affrontement. Les Palestiniens ne s’en sortiraient-ils pas mieux si le Hamas n’essayait pas de les défendre à Gaza ?

Nous devons en l’occurrence poser la question dans un contexte un peu plus large...

Le Hamas n’est-il pas une organisation palestinienne légitime, avec un soutien populaire suffisant remporté à l’issue d’une élection parlementaire majeure à Gaza en 2006 ? Je l’ai appris et je le sais toujours : de nombreux Palestiniens qui n’apprécient pas le Hamas sont en désaccord avec son idéologie et s’opposent à ses méthodes. Néanmoins, ces Palestiniens issus d’horizons politiques divers font autant partie de la résistance palestinienne à l’occupation et au vol de leur terre natale que le Hamas.

Comme toute autre société riche en diversité, la société palestinienne est composée de partisans de nombreuses religions, politiques et idéologies. Les Palestiniens sont chrétiens, musulmans, athées et agnostiques. Ils sont nationalistes et/ou socialistes. Ils sont laïcs, islamistes, post-islamistes et post-laïcs. Ils sont féministes, modernistes, postmodernistes, déconstructivistes, parfois nativistes, cosmopolites, syndicalistes, pacifistes, militants, et cætera. L’un d’eux était une figure fondatrice d’une école de pensée critique appelée « études post-coloniales ».

La désobéissance civile non-violente est de loin l’aspect le plus cohérent et le plus sûr de la résistance palestinienne à l’occupation et au vol de leur terre natale au fil des décennies. Pour les Palestiniens, la résistance permet de définir qui ils sont et ce qu’ils sont. Ils pourraient être poètes comme Mahmoud Darwich, romanciers comme Ghassan Kanafani, cinéastes comme Michel Khleifi, artistes comme Mona Hatoum, féministes comme Lila Abu Lughod... Cependant, en faisant ce qu’ils font et quoi qu’ils fassent, ils s’opposent au vol à main armée de leur terre natale.

Mais il reste aussi ces Palestiniens qui ont pris les armes et s’opposent à l’infamie par la violence. Dans le cadre de cette résistance, le Hamas fait partie intégrante du mouvement de libération nationale palestinien, mais comme toutes les autres formes de résistance, le Hamas ne définit pas la Palestine.

La machine de propagande israélienne

Le but de la machine de propagande israélienne est de réduire l’ensemble de la Palestine, la mosaïque riche et diversifiée de la résistance palestinienne, au Hamas, pour ensuite le diaboliser. La stratégie fonctionne, notamment avec le soutien et l’encouragement des grands médias contrôlés par les États ou par des sociétés, tels que la BBC, ABC ou CNN. On exécute cette stratégie, on se déchaîne contre les Palestiniens, on les mutile et on les assassine en toute impunité.

Maintenant, pour les besoins du raisonnement, supposons que nous nous réveillons demain et qu’il n’y a plus de Hamas pour déployer inutilement des roquettes en direction d’Israël. Que se passerait-il ? La somptueuse bienveillance israélienne entrerait en action et la Palestine dérobée reviendrait à ses propriétaires légitimes ? Bien sûr que non. Supposons que le Hamas n’a jamais existé depuis 1987, année de sa fondation. Qu’arriverait-il ? Israël aurait désormais rendu la Palestine à ses propriétaires légitimes ? Bien sûr que non.

Les Palestiniens sont diversifiés ; ils ont totalement le droit de résister et de s’opposer à l’occupation et au vol de leur terre natale par tous les moyens qu’ils jugent nécessaires, que ce soit par une belle chanson de Muhammad Assaf, un magnifique poème de Mahmoud Darwish, un film d’Elia Suleiman, un roman de Ghassan Kanafani, un livre de Widad Kawar sur les costumes palestiniens ou un autre de Rawia Bishara sur la cuisine palestinienne, à travers le FPLP (Front Populaire de libération de la Palestine), organisation marxiste militante, ou encore à travers l’idéologie islamiste du Hamas.

On peut ne pas être d’accord avec le Hamas, on peut ne peut pas le rallier, mais on ne peut réduire l’ensemble de la mosaïque de la résistance palestinienne au Hamas, ni prôner la dissolution du Hamas, pour que les Israéliens rendent la Palestine à ses propriétaires légitimes.

Ainsi, l’affirmation bidon selon laquelle le Hamas joue la provocation pour qu’Israël attaque Gaza n’est pas seulement fausse dans la mesure où les opérations militaires israéliennes en Palestine précèdent toujours les opération du Hamas, mais aussi parce que les Palestiniens dans leur ensemble ne peuvent être réduits au Hamas, ni se voir refuser le droit de résister à l’occupation dans la forme qu’ils jugent nécessaire. Établir une distinction entre des formes de résistance « modérées » et « militantes » ne mènera à rien d’autre qu’à ces insupportables groupes de réflexion de Washington.

Un film d’Annemarie Jacir, une installation artistique d’Emily Jacir, un poème de Rafeef Ziadah ou de Dana Dajani, ou encore une chanson émouvante de Rim Banna est infiniment plus radicale que les frêles roquettes que le Hamas pourrait tirer. La machine de propagande israélienne ne veut pas que le monde connaisse ces formes radicalement rebelles de la résistance palestinienne qui ont pris le sionisme à la gorge depuis des générations et qui l’empêchent d’avaler la Palestine. Cependant, la propagande israélienne grossit le Hamas pour en faire le visage de la Palestine.

Des atrocités militaires

Dans une future Palestine libre et démocratique, qui sait combien de voix le Hamas recueillerait à l’issue d’une élection. Mais nous sommes bien loin d’en être là, et Israël et ses atrocités militaires criminelles constituent le principal obstacle qui nous éloigne tant de cela. Jusque-là, les Palestiniens ont parfaitement le droit de résister au vol de leur terre natale par tous les moyens qu’ils jugent nécessaires, y compris le Hamas, sans s’y limiter.

Le Hamas ne joue pas la provocation pour qu’Israël attaque Gaza. Contrairement aux Palestiniens. Le simple nom de la Palestine, le simple fait et phénomène d’être un Palestinien, d’être témoin de la faillite morale de l’idée-même du sionisme est une provocation contre Israël. La simple existence des Palestiniens revient à nier Israël et son idéologie sioniste dominante. D’où la célèbre citation de Golda Meir : « Les Palestiniens, ça n’existe pas ». Puisque s’ils existaient, elle aurait été une plaisanterie. Ainsi, pour pouvoir être Premier ministre d’Israël, elle a dû affirmer que les Palestiniens n’existaient pas.

Par conséquent, dès que vous entendez un propagandiste israélien mentionner le mot « Hamas », remplacez-le par « Palestiniens » : le nouveau signifiant sera beaucoup plus proche et plus fidèle à leur discours. Tout en souhaitant aplanir le territoire d’un bout à l’autre, ils continuent leur nettoyage ethnique sur cette terre qu’ils appellent Israël, et, comme l’a affirmé un jeune Israélien sans mâcher ses mots, jettent les Palestiniens à la mer.

Le sionisme, en tant que machine meurtrière de conquête coloniale, ne s’arrêtera pas tant que le dernier centimètre de Palestine ne sera pas pris. Pourtant, les Palestiniens persistent dans la défense de leur terre natale, résistent à l’occupation, procréent, chantent, dansent, composent de la musique et de la poésie, réalisent des films, mettent en scène des pièces de théâtre, organisent des actes de désobéissance civile, se mobilisent pour le mouvement BDS... Et effectivement, certains prennent aussi leurs quelques frêles armes pour résister au vol de terre natale à main armée le plus perfectionné de l’Histoire.

* Hamid Dabashi est professeur d’études iraniennes et de littérature comparée au centre Hagop Kevorkian de l’université de Columbia, à New York - Son compte Twitter : @HamidDabashi

Du même auteur :

- Le problème palestinien d’Obama - 1er juillet 2008

17 juillet 2014 - Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Valentin B.