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Naïveté palestinienne ?
lundi 11 juin 2012 - Khaled Amayreh

Découragés par les nombreux fiascos auxquels ils ont assistés dans le passé, de nombreux Palestiniens pensent que cet accord finira par s’évaporer dans une nouvelle déception. D’autres préfèrent considérer cela comme un verre à moitié plein. Ils affirment que le fossé entre les deux plus grands camps politiques palestiniens a duré trop longtemps et coûté au peuple palestinien et à sa juste cause d’irréparables dommages, à un point tel que les deux groupes ont maintenant appris les leçons nécessaires et sont prêts à coexister pacifiquement. Même si ce n’est pas à l’amiable.

Dans le cadre de l’accord, les deux organisations ont convenu de former un gouvernement d’unité nationale, de préparer des élections et d’entamer un processus de normalisation et de réconciliation nationale.

Cependant, il est amplement évident que la réalité sur le terrain ne laisse pas beaucoup de place à l’optimisme, même pour ceux qui veulent laisser aux deux parties le bénéfice du doute.

Citons certains de ces faits sur le terrain qui feront que la mise en ?uvre d’une réconciliation véritable et durable est vraiment peu probable.

Tout d’abord, c’est l’armée d’occupation israélienne et non pas l’Autorité palestinienne (AP), qui contrôle tous les coins et recoins de la Cisjordanie. C’est donc l’État sioniste d’Apartheid qui a et qui aura le dernier mot sur des questions comme la tenue d’élections, en particulier à Jérusalem-Est.

Deuxièmement, il est inconcevable que le groupe de libération islamique, le Hamas, consente à la coordination sécuritaire (répressive - NdT) entre Israël et l’OLP. Ce consentement viderait le Hamas de toute son aura islamique et nationaliste et transformerait le mouvement en un autre Fatah, ou en un autre groupe politique quelconque en lice pour le « pouvoir » sous les talons de l’occupation militaire israélienne. Ce scénario reviendrait à un suicide politique pour le Hamas et pourrait reléguer le mouvement au musée de l’histoire.

Cette question est absolument cruciale pour la réalisation de la réconciliation nationale. La coordination dite de sécurité entre Israël et l’Autorité palestinienne est une question de survie pour le régime de Ramallah. En effet, pour Israël, la coordination de la sécurité avec l’Autorité palestinienne (contre le Hamas et d’autres opposants au prétendu processus de paix complètement en faillite) représente l’ultime raison d’être de l’Autorité palestinienne.

Par conséquent, il est hautement improbable qu’Israël tolère la moindre réduction sérieuse du niveau de coordination et de collaboration avec l’Autorité palestinienne. Il est vrai que le Hamas opterait sans doute pour la résistance politique et populaire contre l’occupation israélienne. Mais il n’y a pas la moindre garantie qu’Israël permette au Hamas de se rétablir en Cisjordanie, même à travers une réincorporation dans l’appareil de l’AP.

En dernière analyse, la politique israélienne de chasse aux sorcières contre le Hamas n’a rien à voir avec un prétendu combat contre le « terrorisme », comme la propagande israélienne qualifie tout acte de résistance ou d’opposition à son occupation néo-nazie.

Israël est tout simplement contre le Hamas parce que celui-ci refuse de réviser à la baisse les exigences nationales palestiniennes, en particulier celles ayant trait aux questions fondamentales que sont Jérusalem, le droit primordial au retour pour les réfugiés, la question de la reconnaissance d’Israël et des colonies.

Il est vrai que le Fatah adopte publiquement des positions plus ou moins similaires sur ces questions. Cependant, il est clair qu’Israël croit, ou du moins a l’espoir, que le Fatah puisse être intimidé ou persuadé de faire des compromis de grande ampleur qui permettraient à Israël de conclure un accord dans de nettement meilleures conditions qu’avec le mouvement Hamas.

Le Hamas refuse de reconnaître Israël et encore moins de le reconnaître comme un Etat juif pour des raisons idéologiques. Le groupe soutient de façon plutôt convaincante qu’il est tout à fait injuste d’exiger une reconnaissance palestinienne d’Israël alors qu’Israël persiste à refuser de reconnaître l’existence même du peuple palestinien.

Par ailleurs, le Hamas affirme de façon tout aussi convaincante qu’Israël n’a jamais fait de la paix avec les Palestiniens une de ses priorités, et que l’État d’Apartheid continue de construire des colonies sur des terres occupées et de faire vivre des centaines de milliers de ses citoyens juifs sur des terres qui appartiennent à un autre peuple.

Troisièmement, les arrestations sur de longues périodes de partisans du Hamas en Cisjordanie soulignent l’extrême mauvaise volonté du mouvement Fatah, qui préfère apparemment apaiser Israël et son gardien et allié, les États-Unis, plutôt que de répondre positivement et sincèrement aux efforts de réconciliation avec le Hamas.

Des centaines de partisans du Hamas, y compris des étudiants, sont toujours détenus dans les cachots de l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie. Ce simple fait signifie que la méfiance et les soupçons mutuels continueront de façonner les rapports entre les deux organisations.

Plus précisément, il est bien connu que des centaines d’institutions islamistes - des écoles, des cliniques, des clubs de jeunes, des centres culturels, des associations caritatives et des centres sociaux - ont été volés par le Fatah, qui refuse de les restituer à leurs propriétaires légitimes. Cela aussi montre que le Fatah ne croit pas beaucoup au processus de réconciliation avec le Hamas et qu’il veut conserver ses cartes pour une éventuelle négociation.

Toutefois, il est fort probable que la question des élections se révélera être l’obstacle le plus difficile empêchant la réalisation d’une véritable réconciliation entre le Fatah et le Hamas.

Depuis les dernières élections générales palestiniennes qui ont eu lieu en 2006, Israël s’est attaqué au Hamas ou aux hommes politiques pro-Hamas, les mettant pour de longues périodes en prison sous l’accusation « d’association avec une organisation terroriste. » Même aujourd’hui, cinq ans plus tard, jusqu’à 26 députés palestiniens croupissent toujours dans les geôles israéliennes et les camps de détention, sur la base d’accusations complètement frivoles. Parmi les captifs se trouve le Président du parlement palestinien, Dweik Aziz, un professeur de planification urbaine.

Un avocat représentant une partie de ces députés m’a affirmé que dans tout autre pays, ses clients ne passeraient pas un seul jour en prison.

« Ils sont détenus dans les prisons israéliennes parce que les fonctionnaires juifs veulent assouvir leur pulsions sadiques. C’est la raison pour laquelle mes clients et d’autres ne sont pas traduits devant un véritable tribunal de droit ... alors qu’ils n’ont absolument rien fait de mal. »

En clair, le Hamas doit obtenir des garanties réelles que ses candidats et sympathisants disposeront d’une pleine liberté de mouvement pour faire campagne, sans être bloqués par l’armée d’occupation israélienne. De même, le Hamas doit obtenir des garanties contre l’arrestation de ses candidats, avant ou après les élections.

Mais ni le Fatah ni l’Autorité palestinienne, ni même l’Union européenne et les États-Unis, ne pourront donner de telles garanties, compte tenu de la nature provocatrice et insolente de l’État israélien.

Par conséquent, il est impératif que le Hamas ne ménage aucun effort afin de ne pas tomber dans le piège qui est mis en place dans ce but, surtout en Cisjordanie.

C’est parce que de véritables élections qui soient dignes de ce nom, se doivent à tout le moins d’assurer que tous les partis et groupes participants sont traités sur un pied d’égalité et qu’il y a une réelle égalité des chances.

Sinon, le fossé sera approfondi et l’accord actuel va tomber dans l’oubli.

En conclusion, il est inutile de procéder à de véritables élections et encore moins prétendre que nous sommes libre et souverains, alors que les autorités israéliennes d’occupation continuent d’occuper notre pays et à tourmenter notre peuple, à étrangler notre volonté de liberté et de dignité, et à essayer de nous forcer à succomber à un statut de porteurs d’eau et coupeurs de bois au service de la race des maîtres, le peuple prétendument élu.

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4 juin 2012 - Al-Qassam Website - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.qassam.ps/opinion-5784-P...
Traduction : Info-Palestine.net