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Michel Aoun : « Je peux faire le pont entre les différentes forces du Liban »
mercredi 21 novembre 2007 - Michel Aoun - Libération

Le général chrétien Michel Aoun est l’un des leaders de l’opposition libanaise. Rentré d’exil en 2005, suite au départ des troupes de Damas, il s’est ensuite rapproché du Hezbollah. Il explique à Libération les raisons de sa candidature à la présidentielle.


Vous vous présentez à l’élection présidentielle. Pensez-vous avoir la moindre chance d’être élu ?

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Michel Aoun en septembre
(Ph. Reuters)

Tout d’abord, un président de la République doit répondre à certains critères. Il doit avoir une assise populaire, de l’expérience et être apte à diriger ce pays dans la situation de crise qui prévaut actuellement. Je suis la personne la plus qualifiée pour occuper ce poste. Non seulement, je suis le chef du principal bloc chrétien au Parlement, mais je suis également soutenu par une large partie de la population musulmane. J’ai une dimension nationale. Enfin, étant donné mon parcours politique, je peux faire le pont entre les différentes forces de ce pays pour ressouder l’unité intérieure.

Acceptez-vous l’idée qu’un autre que vous puisse accéder à ce poste ?

Je travaille à la recherche d’une solution car je veux la paix à l’intérieur de notre société. Je suis prêt à céder ma place à un autre candidat mais à une condition : qu’il soit accepté par le Hezbollah. J’ai signé un document d’entente avec ce parti. Nous nous sommes mis d’accord sur un mécanisme qui permette l’application des résolutions internationales, notamment en ce qui concerne la question des armes et la situation au sud Liban. Lorsque j’ai rencontré Saad Hariri récemment à Paris, je lui ai dit : « Si vous avez un autre candidat qui puisse se mettre d’accord avec le Hezbollah et appliquer pacifiquement les résolutions internationales, je suis prêt. » Jusqu’à présent, il n’a trouvé personne.

Si l’un des candidats obtient l’aval du Hezbollah, appuierez-vous sa candidature ?

C’est la seule solution pacifique. Ce n’est pas un cadeau au Hezbollah mais c’est un cadeau à la société libanaise. Tout choix maintenant qui n’a pas l’appui du Hezbollah va entraîner un conflit armé.

Le patriarche maronite, le cardinal Sfeir, a communiqué une liste de candidats au président de l’Assemblée, Nabih Berri, et au leader de la majorité Saad Hariri. Soutenez-vous ce processus qui a pour but de parvenir à l’élection d’un candidat consensuel ?

Premièrement, je ne vois pas au nom de quoi, ce serait à Nabih Berri et Saad Hariri, qui sont respectivement chiite et sunnite, de se mettre d’accord sur le prochain président, alors que ce poste revient à la communauté maronite. Ensuite, pourquoi a-t-on demandé au patriarche d’établir cette liste ? Tout le monde sait que je suis le représentant politique de cette communauté. Ils auraient du traiter avec moi mais ils ne le veulent pas. Ils ont donc recours à une ruse pour me contourner. Je ne participerai pas à l’élection d’un président qui serait pire que le vide. Même si ce président est soutenu par la communauté internationale. Ils peuvent constituer une majorité sans moi. Qu’ils en assument les conséquences !

Que ferez-vous s’il n’y a pas de consensus et qu’un président est élu par la seule majorité ?

Cette majorité a accédé au pouvoir en 2005, grâce à une loi électorale frauduleuse. Nous sommes dans une kleptocratie. Si demain, elle nomme un président de la République sans que le quorum de deux tiers des députés ne soit réuni, ce sera un coup d’Etat. Nous avons mille moyens de répliquer : la nomination d’un autre président, un autre gouvernement ou peut-être des manifestations.

Ce qui fera sombrer le pays dans le chaos...

Mais pourquoi est-ce qu’on ne parle que d’élections à la majorité ou du vide ? Il existe une troisième voie, une voie constitutionnelle, que je soutiens. C’est la nomination d’un gouvernement intérimaire de six mois, composé des différentes forces politiques du pays au prorata de leur nombre de sièges au parlement. Ce gouvernement transitoire sera chargé d’organiser de nouvelles élections législatives sur la base d’une nouvelle loi électorale. Cette nouvelle assemblée pourra procéder à l’élection d’un président dans un climat d’entente.

Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, travaille actuellement à la recherche d’un compromis pour que l’élection puisse se tenir dans les délais. Qu’en pensez-vous ?

La démarche est bonne, mais le débat est faussé à la base dès lors que le parlement est frauduleux. C’est pourquoi la meilleure des solutions est d’aller vers des élections législatives anticipées.

Propos recueillis par Isabelle Dellerba


Michel Aoun :

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Michel Aoun & Isabelle Dellerba, Beyrouth - Libération, le 19 novembre 2007