16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Un jour comme un autre à Naplouse sous couvre-feu israélien

lundi 5 mars 2007 - 06h:44

Kirsten Sutherland - The Electronic Intifada

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


Dr. Ghassan Hamdan, directeur de la société médicale palestinienne de secours à Nablus, s’est levé à cinq heures ce matin après avoir dormi seulement deux heures et demi. Avant, il avait distribué des médicaments et de la nourriture et avait fourni les soins de premier secours aux résidants de la vieille ville de Nablus, mis sous couvre-feu imposé depuis dimanche matin par les israéliens qui avaient interdit aux habitants de quitter leurs domiciles.

JPEG - 99 ko
Deux véhicules blindés israéliens bloquent une des principales entrées de la vieille ville de Naplouse (Kirsten Sutherland).

Il a été réveillé par une appel disant qu’une maison située juste en dehors de la vieille ville avait été incendiée par les soldats israéliens et qu’il pouvait y avoir des morts ou des blessés civils. Quand il est arrivé sur les lieux, on lui a dit que que les troupes israéliennes s’étaient présentées devant l’immeuble résidentiel à 04h45 environ du matin et avaient forcé tous les résidants de quitter leurs appartements. Mona Tbeileh, résidante a été accusée par des soldats israéliens d’héberger des hommes recherchés.

Mona a nié énergiquement disant son mari était à l’étranger et qu’elle et son fils étaient les seules personnes dans l’appartement du rez-de-chaussée. Elle a dit aux soldats qu’ils pourraient fouiller l’appartement, et elle s’est même proposéé comme bouclier humain. Ils ont refusé de fouiller l’appartement, et à 05h15 environ, ils ont jeté des explosifs par la porte de l’appartement provoquant un incendie.[1]

Mona et sa famille nous ont montré les dégâts dans tout l’appartement : les trous faits par les balles dans les murs, les meubles et les affaires carbonisées appartenant à la famille et le feu qui continuait encore à fumer depuis le matin. La fille de Mona âgée 19 ans, Niveen, me montre une structure noircie, en me disant « c’était mon lit. Heureusement que j’ai dormi la nuit dernière chez mes cousins. Quand ils m’ont appelé pour me dire ce qui s’était produit, j’ai failli devenir folle. J’étais inquiète pour ma mère et mon frère. Il a fallu cinq heures pour éteindre le feu. Tout a été détruit. »

JPEG - 45 ko
Extérieur de l’appartement de de la famille Tbeileh (Kirsten Sutherland)

Le Dr. Mustafa Barghouthi, député palestinien, qui a rendu visite à la famille le même jour un plus tard, a dit : « c’est encore un autre exemple du fait que les soldats se savent qu’ils peuvent agir ent toute impunité. La maison et les affaires de cette famille ont été détruites. Et pourquoi ? Que peut faire cette famille ? Personne ne la dédommagera de la perte de sa maison. Nablus est revenu aux premiers jours de 2002. »

Le Dr. Barghouthi se référait à la période où Nablus a passé presque 200 jours sous un couvre-feu permanent en 2002, quand les résidants de Nablus ont été forcés de passer presque 80% de leur temps entre le 18 juin et 31 décembre 2002 enfermés chez eux (et souvent pendant 24 heures continues) [2]. Et cela, les habitants de Naplus ont pris l’habitude de telles formes de punition collective.

Le tout dernier couvre-feu a débuté le dimanche 24 février 2007, quand jusqu’à 80 véhicules et bulldozers blindés israéliens ont envahi la ville dans les premières heures du matin sous prétexte de faire une « opération d’arrestation ». La télévision locale et les stations Radio ont été informées de l’opération par les troupes israéliennes, qui ont laissé entendre qu’ils étaient à la recherche de cinq hommes. Les maisons ont été occupées et les murs entre les maisons ont été troués pour permettre aux soldats de se déplacer sans se risquer à sortir dans les rues. Un civil a été tué dans sa maison avec une balle dans la nuque, plus de 20 autres personnes ont été blessées par balles en caoutchouc.

Le secteur autour des deux seuls hôpitaux publics de Nablus, Al-Watani et Rafidya, a été déclaré zone militaire fermée. Quand nous avons visité l’hôpital du centre de Nablus, son entrée était bloquée par quatre jeeps militaires servis par approximative-ment 16 soldats, qui arrêtaient toutes les ambulances et véhicules mobiles entrant ou sortant l’hôpital. [3]

JPEG - 60.1 ko
Jeeps militaires israéliennes à l’entrée de l’hôpital Al-Watani Hospital au centre de l Nablus. (Kirsten Sutherland)

En outre, les écoles et les universités ont été forcées de fermer et les dizaines de milliers d’étudiants comme les professeurs mis sous le couvre-feu ne pouvaient plus atteindre leurs lieux de travail ou d’études car les établissements éducatifs eux-mêmes étaient déclarées zones militaires fermées. [4]

« La question que personne ne se pose est de savoir s’il est nécessaire de mettre 250.000 personnes sous couvre-feu, pour les empêcher d’atteindre les cliniques et les hôpitaux et de fermer les écoles ; cette question, personne ne se la pose » dit le Dr. Barghouthi.

Cette question est illustrée par le fait que quand, accompagnant l’équipe mobile PMRS de la clinique pour une tournée dans la vieille ville pour apporter les médicaments indispensables aux patients des maladies chroniques telles l’hypertension ou le diabète ou d’apporter le lait en poudre pour les enfants en bas âge, le pain, et d’autres provisions de base, nous sommes tombés sur deux véhicules blindés qui bloquaient une des entrées principales à la vieille ville.

Dr Ghassan essaie de dépasser les véhicules blindés pour accompagner une personne handicapée et son frère chez eux à l’intérieur de la vieille ville (Kirsten Sutherland)
Tout petit par rapport à ces véhicules, un homme handicapé dans un fauteuil roulant essayait avec l’aide de son frère depuis plus d’une heure d’atteindre quelques mêtres plus loin sa maison à l’intérieur de la vieille ville.

JPEG - 65.3 ko
Dr Ghassan essaie de dépasser les véhicules blindés pour accompagner une personne handicapée et son frère chez eux à l’intérieur de la vieille ville (Kirsten Sutherland)

Le Dr. Ghassan a essayé de parlementer avec les soldats pour permettre aux deux hommes de retourner chez eux mais ils ont dit que cela n’était pas possible sans ajouter la moindre explication.

En insistant, une volontaire internationale a été autorisée à porter l’homme handicapé chez lui. « Je peux voir que vous n’êtes pas arabe » lui a donné comme explication un des soldats. Quand elle a précisé qu’il y avait des marches pour arriver à la maison et qu’elle ne pourrait pas porter l’homme toute seule, elle a été autorisée à accompagner les deux hommes chez eux à condition qu’ils restent à l’intérieur et qu’elle était obligée de revenir immédiatement.

En continuant notre tournée, nous avons trouvé la vieille ville en pleine désolation par rapport à la Nablus dans les circonstances normales : une ville avec des ruelles étroites, des commerçants, des chariots de fruits et légumes et des enfants jouant au football ; une ville célèbre pour son hospitalité, où les gens vous invitent à boire du café chez eux ou à manger dans leurs magasins, le kunafe, un dessert traditionnel de Nablus.

Aujourd’hui, nous avons trouvé une zone déserte couverte par un tapis des pierres qui avaient été jetées sur les jeeps israéliennes menaçantes postées dans toute la vieille ville ; des barrages faits de branches d’arbres et de poubelles d’ordures incendiés ont été mis en place par des résidants dans une vaine tentative vaine de perturber le passage des jeeps israéliennes ; et des visages accrochés aux fenêtres certains dans la crainte, d’autres seulement pleines d’ennui.

Et comme nous avons été brutalement empêchés d’apporter le lait en poudre par un autre véhicule blindé israélien à l’entrée à la rue où se trouve la maison d’un enfant handicapé de 5 ans qui ne mange rien d’autre, j’ai demandé au chaufferur de notre véhicule, Taher Kosa âgé de 27 ans et volontaire PMRS de longue date pourquoi il risquait sans cesse sa vie pour apporter la nourriture et les médicaments aux familles dans le besoin, il me dit : « C’est ma forme de lutte. Certains luttent grâce à leur éducation, d’autres comme les journalistes grâce aux médias. C’est mon devoir. Et quand vous avez des collègues qui consacrent leurs vies à aider les autres et qui sont toujours les premiers sur le terrain quelque soit la situation et le danger, alors cela vous donne un modèle à suivre. »

C’est cet esprit qui rend constamment les visiteurs admiratifs des palestiniens. L’occupation israélienne, qui entre dans son quarantième anniversaire, se traduit journellement par des faits tels que ce que vient de vivre aujourd’hui Nablus. Et pourtant malgré les immenses pressions militaires, politiques et économiques, qui mettent la société palestinienne au bord de l’effrondrement et malgré la défaillance totale et permanente de la communauté internationale à mettre fin à l’occupation, les palestiniens puisent en eux-mêmes l’inspiration nécessaire pour continuer leur lutte afin de vivre dans la paix, la liberté et la dignité.

Liens

-  L’armée israélienne détient le directeur de la Télévision et s’attaque aux journalistes pendant l’incursion à Nablus, Committee to protect journalists(28 février 2007)
-  Second jour de « Operation Hot Winter » à Nablus, PCHR (le 26 février 2007)
-  Les forces israéliennes envahissent et imposent le couvre-feu à Nablus, Ma’an (le 25 février 2007)

Notes finales

[1] En infraction avec l’article 13.2 du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, et concernant la protection des victimes des conflits armés non-Internationaux (protocole II) : « La population civile en tant que telle, comme les individus civils, ne doit pas faire l’objet d’attaques. Les actes ou les menaces de violence dont le but primaire est propager la terreur parmi la population civile sont interdits. » C’est également en infraction avec l’article 53 de la convention de Genève relativement à la protection des personnes civiles en période de guerre : « N’importe quelle destruction par la puissance occupante de la propriété appartenant aux invidus ou à la collectivité, ou à l’Etat, ou à d’autres services publics, ou aux organismes sociaux ou coopératifs, est interdite, excepté le cas où une telle destruction est rendue absolument nécessaire par des opérations militaires. »

[2] Cf la banque mondiale. Octobre 2004. Quatre ans - Intifada, fermetures et crise économique palestinienne : Une évaluation. Page 2.

[3] En infraction avec l’article 18 de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en période de guerre : « Les hôpitaux civils organisés pour donner les soins aux blessés, aux malades, aux infirmes et aux femmes en maternité, ne doivent en aucune circonstance faire l’objet d’attaques, mais doivent à tout moment être respectés et protégés par les parties au conflit » ; Protocole de article 5 du protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, et concernant la protection des victimes des conflits armés Non-Internationaux (protocole II) : » [...] Les dispositions suivantes doivent être respectées comme un minimum en ce qui concerne des personnes privées de leur liberté pour des raisons liées au conflit armé, s’ils sont internés ou détenus :
- (a) Le blessé et le malade doivent être traités conformément à l’article 7 ;
- (b) Les personnes visées à ce paragraphe, au même titre que la population civile locale, doivent recevoir de la nourriture et de l’’eau potable et doivent être protégés en matière de santé, d’hygiène et contre les rigueurs du climat et les dangers du conflit armé " ;

et article 7 de la dernière convention : « 1. Tout blessé, malade et naufragé, qu’il ait ou non participé au conflit armé, doit être respecté et protégé » ; et « 2. Dans toutes les circonstances ils doivent être traités avec humanité et doivent recevoir , le plus possible et avec le moins de retard possible, le soin médical et l’attention requis par leur état. Il n’y aura aucune distinction parmi eux qui soit fondé sur autre raison que médicale. »

[4] En infraction avec l’article 50 de la convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en période de guerre : « La puissance occupante, avec la coopération des autorités nationales et locales, doit faciliter le fonctionnement approprié de tous les établissements consacrés au soins et à l’éducation des enfants. »

26 février 2007 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduit de l’anglais par D. Hachilif


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.