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Prendre ce qui est bon dans notre malheur

samedi 3 mars 2007 - 10h:29

Joharah Baker

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Malheureusement, Israël ne faillit jamais à nous rappeler la réalité lugubre dans laquelle nous vivons, au bon moment.

Depuis des mois maintenant, les Palestiniens, à tous les niveaux, ont pu observer le désastre, une guerre civile au bord de l’éruption doublée de la disparition de notre cause nationale toute entière. L’accord de La Mecque signé entre le Hamas et le Fatah en février a jeté une faible lueur d’espoir dans une situation de plus en plus inextricable mais dans laquelle les deux côtés ont promis de déposer leurs armes et de s’asseoir à la même table.

Alors que les choses évoluaient à cet égard - les discussions pour l’unité nationale se sont poursuivies jusqu’ici sans interruption depuis l’accord - les violences entre factions perduraient dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie. Ironiquement, c’est Israël qui nous a fait retrouver raison en nous rappelant qui nous combattons et pourquoi, et que, maintenant plus que jamais, il est particulièrement crucial pour nous de ne faire qu’un.

Le dimanche 25 février avant l’aube, les troupes d’occupation israélienne ont lancé une opération sur la cité de Naplouse, en Cisjordanie, avec une force de 120 hommes. L’armée, qui l’avait demandé, est entrée dans Naplouse pour arrêter une liste d’hommes recherchés et découvrir les lieux de fabrication des explosifs, elle ne s’est pas encore retirée, même si des troupes ont quitté la ville quelques heures hier avant de revenir ce mercredi matin.

L’incursion est considérée comme la plus vaste intervention militaire israélienne à Naplouse depuis plus de six mois et elle n’est pas encore terminée. En date de ce matin, les troupes étaient revenues avec toute leurs forces, spécialement dans et autour de la vieille ville qui est le secteur le plus peuplé de Naplouse, et aussi celui où il y a le plus de résistants.

La plupart des activistes recherchés sur leur liste sont des membres de la branche militaire du Fatah, les Brigades des Martyrs d’Al Aqsa. Israël, qui a échoué largement jusqu’ici à trouver ces hommes, ne se laissera arrêter par rien pour atteindre ses objectifs. Des sources dans Naplouse ont indiqué que les troupes israéliennes opéraient maison par maison et arrêtaient les parents des activistes recherchés afin de faire pression sur eux pour qu’ils se rendent.

Les habitants endurent actuellement des irruptions dans leur maison, des arrestations et des couvre-feux. Même les trois principaux hôpitaux de la cité ont été cernés par les forces israéliennes et des barrages dans les rues empêchent d’y entrer et d’en sortir. Les écoles ont été fermées, les trois écoles à proximité de la vieille ville ont été transformées en campements militaires où les habitants sont détenus et interrogés pour leur faire dire où sont ces quelques hommes si précieux qu’Israël continue de traquer.

Au milieu de tout ce tohu-bohu, un élan unitaire a emporté Naplouse, ce qui est non seulement admirable mais a aussi valeur de leçon. Les dirigeants de toutes les factions ont donné comme consigne aux gens de ne pas répondre aux demandes de l’occupant sur leurs hommes, et leurs militants se sont tenus côte à côte sur les toits, combattant les forces de l’occupation.

Pendant ces trois derniers jours, il n’y a eu aucun signe de querelles internes dans Naplouse, seulement un sentiment fort d’unité et la conscience que, finalement, le seul ennemi véritable qui menace les Palestiniens est l’occupation israélienne. Les gens ont réalisé aussi que la seule façon pour toute une ville de supporter des coups aussi durs de la part de la puissance occupante, dont le vrai but est de mettre la résistance à genou, est d’unir leurs bras et leurs esprits et, comme un front fort et uni, de surmonter la crise.

Cette leçon est rentrée aussi dans bien d’autres maisons, ailleurs en Cisjordanie. Mercredi matin, à Jénine, trois membres des Brigades Al Quds, la branche armée du Jihad islamique, ont été assassinés par des forces spéciales israéliennes en civil ; parmi eux, le commandant des Brigades pour la Cisjordanie, Ashraf Saadi.

Immédiatement après leur assassinat, les Palestiniens du camp de réfugiés de Jénine sont descendus dans les rues, furieux, principalement des membres des Brigades Al Quds et des Martyrs d’Al Aqsa. Sur le terrain politique, cela n’aurait jamais pu se produire aussi aisément. Historiquement, le Jihad islamique s’est toujours opposé à de nombreuses positions de principe du Fatah, dont le récent accord de La Mecque qu’il dit ne pouvoir approuver parce qu’il entraîne une reconnaissance des accords antérieurement signés avec Israël.

Dans la rue cependant, ces divergences étaient hors propos. Quand Israël porte des coups, comme ces atrocités de ces deux derniers jours, c’est pour nous le rappel brutal que nous avons un bien plus gros poisson à faire frire que ces chamailleries à propos de qui prendra quel ministère.

Israël envisage même la possibilité d’une nouvelle opération armée sur la Bande de Gaza, cette fois au prétexte que « le Hamas continue de se renforcer », selon le ministre de la Défense israélien, Amir Peretz.

Depuis de mois maintenant, Gaza est ravagée par des querelles internes, des rivalités armées entre Hamas et Fatah qui ont coûté la vie à des dizaines de Palestiniens. Encore la semaine dernière, 5 personnes ont été tuées dans une querelle familiale, pour des motifs politiques, à Khan Younis, bien que les dirigeants des deux factions aient interdit de faire couler le sang palestinien.

La question est que si le tissu social de Gaza reste effiloché et déchiré quand les Israéliens attaquent, les Palestiniens n’ont plus aucune chance. Et ce ne sont pas seulement des vies humaines qui sont en jeu. Avec la mort et les destructions qui accompagnent inévitablement toute opération israélienne, cette fois, ce seront notre cause nationale, nos aspirations et notre rêve si ancien d’avoir notre propre Etat qui seront touchés, car il est bien plus facile de détruire une maison divisée que de faire tomber les murs d’une maison unie.

Il est vraiment malheureux qu’il faille une incursion d’ampleur d’Israël et l’assassinat de trois jeunes hommes pour nous sortir de notre léthargie, mais si nous avons su, une fois pour toutes, tirer la leçon de ces évènements, alors, nous avons au moins trouvé, comme le dit le proverbe, ce qui était bon à prendre dans notre malheur.

Il est encore trop tôt pour le dire cependant, et les gens de Naplouse ont toujours de dures épreuves en ce moment sur leur chemin. Mais toute réussite majeure ne s’obtient que par une petite victoire à la fois, et ce qui se dégage de cette dernière agression israélienne, uni et intact, prêt à reprendre notre combat national en position de force, est le signe manifeste que nous sommes, en tant que peuple, sur la bonne voie.


Joharah Baker écrit pour le Miftah (Media and Information Programme at the Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy). Elle peut être contactée à l’adresse : mip@miftah.org

Miftah, 28 février 2007 - trad. : JPP - photo : AP/E. Morenatti


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