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Quand Israël l’aura-t-il compris ?

samedi 1er juillet 2006 - 12h:19

Rifat Odeh Kassis

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Revenons à 2004 : "...Israël n’envisage pas de renoncer à son emprise sur la Bande de Gaza. Il projette d’en garder le contrôle par la maîtrise de ses frontières terrestres, maritimes et aériennes."

Quand j’ai entendu parler pour la première fois du soldat israélien qui a été « enlevé » par les Palestiniens et de l’appel d’Abu Mazen aux factions palestiniennes - suivi de beaucoup d’autres de dirigeants arabes et étrangers - appelant à sa libération, j’ai cru que le soldat avait été enlevé dans un café de Tel Aviv. Ce sentiment s’est affirmé quand j’ai entendu le porte-parole de l’armée israélienne sur Al-Jazeera, appelant les kidnappeurs à lui laisser la vie sauve et à le rendre à sa famille et à ses parents. J’ai finalement réalisé que ce n’était pas le cas quand j’ai appris par la BBC que « l’homme enlevé était canonnier sur un tank attaqué lors d’un raid nocturne par des militants qui avaient franchi 300 m de tunnel sous la barrière frontalière de Gaza, près du passage de Kerem Shalom. » Le fait qu’on en parlait comme d’« un homme » et non pas comme d’« un soldat », m’avait un peu trompé.

J’ai appris que cet homme/soldat (pour ne pas gêner la BBC) avait été enlevé lors d’un combat à un barrage militaire à l’intérieur de la Ligne verte. Puisqu’il est canonnier sur un tank, je suppose qu’il a participé aux bombardements sur Gaza et qu’il est probablement responsable de la mort de quelques civils, peut-être même d’enfants ou de pique-niqueurs sur le rivage à Gaza.

Israël accuse l’Autorité dans son ensemble

Israël, immédiatement et comme d’habitude a accusé l’Autorité palestinienne, dont son Président, même si ledit incident impliquait des militaires et non pas des civils.

AP écrit : « Malgré les efforts persévérants d’Abbas pour presser son rival Hamas à la modération, Olmert impute à la direction palestinienne toute entière, dont le Président, la responsabilité de la spirale de la violence ».

Olmert, en se référant à Abbas : « Il doit être clair que nous considérons l’Autorité palestinienne, à tous ses niveaux, du Président à la base, comme élément responsable de cette opération et de tout ce qui en découle ».

Plus tard, j’ai découvert encore que le soldat, outre qu’il était Israélien, est aussi un citoyen français. Le gouvernement français a prévenu qu’il fera le maximum pour sauver la vie du soldat et pour qu’il retrouve sa famille et ses amis - un citoyen français servant illégalement dans les territoires occupés, violant la Quatrième Convention de Genève signée par la France. Je ne suis pas sûr de la position officielle du gouvernement français, mais d’après ce que je sais, il encourage habituellement ses citoyens à ne pas aller en Cisjordanie ni à Gaza. Aussi, je ne peux vraiment pas comprendre pourquoi le gouvernement français, dans ce cas, approuve la présence à Gaza d’un citoyen français qui n’est pas ici pour pique-niquer, mais pour violer délibérément la loi internationale.

Je reconnais que je suis une personne non-violente. Je désapprouve tout acte de violence et je ne crois pas qu’un conflit puisse ou doive être résolu par la force et la violence. J’ai confiance aussi entièrement dans la loi internationale qui donne aux peuples occupés le droit de résister à leurs occupants par tous moyens. Gaza, tout comme le reste de la Cisjordanie et comme Jérusalem-Est, est toujours sous occupation et pas encore libérée, ou « disputée » comme Israël et certains médias essaient de le dire.

Revenons à 2004, bien avant que le désengagement unilatéral d’Israël n’ait eu lieu : le rapporteur de la commission des Nations unies pour les Droits de l’homme, sur la situation des droits humains dans les Territoires palestiniens occupés, le Pr John Dugard, écrivait dans son rapport officiel à la commission :

« Israël n’envisage pas de renoncer à son emprise sur la Bande de Gaza. Il projette d’en garder le contrôle par la maîtrise de ses frontières terrestres, maritimes et aériennes. En conséquence, il restera, en vertu de la loi, puissance occupante soumise aux obligations prévues à la Quatrième Convention de Genève. »

Dans son dernier discours après sa visite dans les Territoires occupées, du 9 au 17 juin 2006, le Pr Dugard dit :

« Gaza est assiégée. Israël contrôle son espace aérien et a repris ses bombardements fictifs qui terrorisent et traumatisent les gens. Les meurtres ciblés de militants sont en augmentation. Inévitablement, comme dans le passé, de tels meurtres ont comme conséquences de tuer et de blesser des passants innocents. Ainsi, Israël contrôle les eaux territoriales et tire des missiles sur le territoire depuis ses navires en mer... Dans Gaza, les services médicaux ont été gravement touchés par l’interdiction de financer les équipements médicaux et l’approvisionnement en médicaments qui relevaient de l’Autorité palestinienne du Hamas. Le non paiement des salaires des employés de l’Autorité palestinienne a touché à la fois les hôpitaux et les écoles, les fonctionnaires ne pouvant plus se rendre à leur poste. Le chômage et la pauvreté s’aggravent. Après une longue période de fermeture, le passage commercial de Karni a été rouvert mais il n’y passe qu’un nombre limité de camions avec comme résultat, que Gaza manque toujours des produits alimentaires de base et est incapable d’exporter ses produits. »

Gaza devait être envahie pour une raison ou pour une autre

Pour ne rien arranger, un porte-parole de l’armée, alors qu’on lui demandait sur Al-Jazeera si Israël stopperait son projet d’invasion de Gaza une fois le soldat libéré, il répond qu’il s’agissait de deux choses différentes. Autrement dit, Gaza sera envahi pour une raison ou une autre. Selon le quotidien israélien, Yediot Ahronot, l’invasion de Gaza a été planifiée bien avant le kidnapping du soldat. Cela signifie que non seulement les enfants prisonniers ne seront pas libérés en échange de la vie du soldat, mais que plus d’enfants seront probablement tués dans l’invasion à venir.

Ainsi, le Président palestinien et les autres dirigeants dans la région et dans le monde qui demandent la libération du soldat, demandent en fait dans le même temps aux Gazaouis de se préparer à une invasion d’envergure israélienne. Le message est que les Palestiniens ne doivent pas résister, ils doivent juste attendre les Israéliens à la maison, dans la cour des écoles, dans la rue, prêts à mourir. Les Palestiniens ne doivent pas se défendre ou défendre leurs enfants, ils ont besoin simplement d’attendre qu’on les tue, sans résister, car toute résistance, même si elle émane des victimes, est un acte de terreur.

En attendant, Associated Press et Reuters publient :

« ... la famille du soldat est sortie de son silence lundi pour prier les ravisseurs de le traiter avec humanité et pour rappeler qu’il a une famille qui l’aime et à laquelle il manque cruellement. Noam Shalit, dans une interview avec AP/TV décrit son fils comme un garçon tranquille, serviable, qui a suivi son frère aîné dans le corps d’armée des blindés. ’La seule chose qui nous reste, c’est l’espoir, rien d’autre’ ».

A la lecture de ces lignes déchirantes, j’ai repensé à ce que disait une mère palestinienne à Al-Jazeera, après un récent bombardement par Israël, quand elle disait que la notion même d’un espoir avait disparu de sa conscience.

Ce que ressent la famille Shalit actuellement est exactement ce que la plupart des familles palestiniennes ressentent ou ont ressenti dans la même situation. Tous les Israéliens doivent savoir cela. Ils ont besoin de savoir que les Palestiniens sont des humains, tout comme eux. Les Palestiniens pleurent quand leurs enfants sont tués et ils sont désespérés quand leurs enfants sont emprisonnés. Le cercle vicieux de la violence doit être arrêté. Israël doit cesser son occupation, une fois pour toutes, et ne laisser aucune question en suspend, comme il le fait d’habitude. Israël doit se retirer entièrement de Gaza et de Cisjordanie, y compris de Jérusalem-Est, et laisser les Palestiniens user de leurs droits politiques et économiques. Les Israéliens doivent donner aux Palestiniens la possibilité de vivre à côté d’eux, dans la paix et la prospérité, dans une juste paix.

L’enlèvement d’un soldat israélien ne nous fera pas faire un seul pas vers la paix, ni les attaques vengeresses des Israéliens, ni les attaques préventives, ni les punitions collectives, comme de couper les fonds alimentaires, l’électricité ou l’eau. La seule réponse logique des Israéliens qui pourrait satisfaire la famille Shalit, et d’autres familles israéliennes, et les familles palestiniennes, c’est la fin de l’occupation. Maintenant.

Le moment, c’est toujours maintenant. Quand Israël l’aura-t-il compris ?

Rifat Odeh Kassis est militant palestinien pour les Droits de l’homme et président de Defense for Children International.

de Palestine occupée - Live From Palestine - 28 juin 2006
http://electronicintifada.net/v2/ar...
sous-titrage et traduction : jpp


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