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Quatre cousins et leurs funérailles

vendredi 26 mars 2010 - 08h:01

Nour Odeh - Al Jazeera

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Rapporter sur la mort des enfants n’est jamais une tâche facile.

Cela remet en question votre sens du professionnalisme et vous met face à face avec la plus forte des émotions, une mère avec un chagrin inconsolable face à la perte de son enfant.

Ce dimanche, je suis passée par cette expérience que l’on ne peut oublier - à quatre reprises.

Cela a commencé avec le récit des funérailles pour les deux jeunes garçons, Mohamad Qadus âgé de 16 ans et son cousin Usaid, de 18 ans. Ils ont été abattus par des soldats israéliens à la fin d’une journée de manifestations dans leur petit village d’Iraq Burin.

L’ambiance était tellement sombre, on pouvait le ressentir tout alentour ... Des hommes silencieux et graves, des femmes éperdues et en larmes.

Alors que les hommes âgés préparaient les tombes, les amis de Mohamad et d’Usaid, contemplant les tombes avec incrédulité déposaient des pétales de roses là où leurs amis vont reposer.

Le plus triste peut-être , c’était les enfants, assis sur le bord des tombes fraîchement creusées, se décrivant ce qui s’est passé le samedi.

Je me demandais comment ces témoins si jeunes pourraient oublier les scènes de sang et de peur qu’ils ont vues. « Il est mort juste derrière la maison ! J’ai vu Mohamad donner son dernier souffle, » me dit un des enfants.

Pour les enfants, leur attente des funérailles a été un mélange de récits et de jeu, aussi étrange ou morbide que cela puisse paraître.

Iraq Burin est un petit village, habité par 1100 personnes. Les habitants ici sont comme une famille, beaucoup sont liées par le sang et la plupart sont des amis d’enfance. La mort des deux adolescents est ici partagée par tous.

Puis vint le cortège, portant le corps de Mohamad et d’Usaid. Pour une dernière visite au domicile - une dernière chance pour leurs mères de donner un baiser d’adieu.

Les douloureuses lamentations des femmes s’imposent et brisent ce dimanche, le calme habituel qui règne dans Iraq Burin.

« Oh mon chéri ! » La mère d’Usaid ne cesse de pleurer. Elle suit le cortège, soutenue par les femmes, trop accablés de douleur pour fournir elles-mêmes beaucoup de réconfort.

L’armée israélienne a nié que ses soldats aient tiré à balles réelles dans Iraq Burin. Mais une radiographie de la blessure par balle d’Usaid ôte tout doute - un objet cylindrique de type métallique est inséré dans son cerveau. Ce qui, les médecins me l’ont dit, est sans l’ombre d’un doute, une balle.

Alors que les funérailles dans Iraq Burin se terminaient, nous avons reçu des nouvelles d’autres tirs près de là. Nous nous sommes rapidement rendus vers la scène de la fusillade : Awarta, au sud de Naplouse.

Les ambulanciers ont été bloqués par les forces israéliennes d’occupation. Nous nous sommes lors rendus à l’hôpital, où ils se allaient.

Être journalistes, notre travail consiste à extraire des informations - peu importe lesquelles. Nous avons donc utilisé le téléphone, à la recherche de tout les proches des victimes de la dernière fusillade. Nous en avons trouvé un, Jamal - mais il n’avait aucune idée que ses frères étaient morts. Nous ne le lui avons pas dit.

Mohamad et Salah Qwariq, âgés de 19 ans, ont été abattus par des soldats israéliens alors qu’ils étaient à la recherche de ferraille dans leur village, Awarta.

L’armée israélienne a rapidement sorti un communiqué disant que les deux jeunes hommes avaient tenté de poignarder des soldats israéliens en patrouille.

L’un des père de l’adolescent arrive. Très ébranlé, son visage plein d’incrédulité. Il tombe aux larmes et les hommes se précipitent pour le réconforter.

Selon la coutume musulmane, un enterrement rapide est un moyen d’honorer les morts. Donc Mohamad et Salah et ont été rapidement préparés et emmenés à leur village.

Là, le choc est sans équivoque. La mère de Salah avait préparé le déjeuner pour son fils le matin, et maintenant, il lui est revenu dans un linceul blanc, pour un dernier baiser, un dernier adieu.

Des centaines de personnes en deuil accompagnent les deux jeunes hommes au cimetière ; leurs chants se font entendre dans tout le village.

Alors que les hommes priaient avant l’enterrement, la douleur et la fierté gardaient quelques amis silencieux et immobiles ». [Il y avait tellement de monde que] l’on tenait à peine debout.

Le regard vide, il contemplait la terre devant lui, là où ses amis étaient maintenant enterrés.

Un autre était assis sur un gros rocher, réfléchissant, semblait-il, aux événements si rapides et incroyables de la journée.

Iraq Burin et Awarta sont des villages sont régulièrement attaqués par des colons israéliens, qui vivent à proximité. Armés et sous la protection de soldats israéliens, des colons de la colonie illégale d’Itamar lancent souvent des raids sur Awarta.

Dans Iraq Burin, les colons de Bracha attaquent régulièrement le village, s’en prenant aux habitants et brûlant ou de détruisant les oliveraies si précieuses. C’est pourquoi les habitants ont organisé les manifestations hebdomadaires du samedi, pour s’opposer aux attaques des colons.

Ces attaques et ces abus, de la part des soldats et des colons, ont depuis longtemps été documentés par les organisations de défense des droits de l’homme. Mais comme tant d’autres abus qui font ici partie de la vie quotidienne sous occupation israélienne, la vie et le sort de tant de gens attirent l’attention du monde quand ils se transforment en nouvelles.

C’est sans doute pourquoi le premier ministre palestinien, Salam Fayad, a ravivé une ancienne demande palestinienne pour une protection internationale.

* Nour Odeh est correspondante d’Al Jazeera dans les Territoires Palestiniens sous Occupation

De la même auteure :

- Jérusalem : clé pour la lumière... ou l’obscurité - 22 mars 2010
- Deux enfants assassinés par l’armée israélienne à Gaza - 4 juin 2007
- La pollution s’ajoute aux ennuis de Gaza - 2 mars 2007

22 mars 2010 - Al Jazeera - Photos : Nour Odeh - Vous pouvez consulter cet article à :
http://blogs.aljazeera.net/middle-e...
Traduction : Info-Palestine.net


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