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Les jeunes de Gaza ne sont pas « superflus »

dimanche 7 mars 2010 - 07h:50

Yousef Munayyer

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Réponse de Yousef Munayyer (Palestine Center) à la proposition génocidaire de Martin Kramer. Cet article a été publié dans le Boston Globe hier.

Pour lire les propos écoeurants tenus récemment par le Pr. Martin Kramer, voir l’article sur /spip.php ?article8267

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Enfants de Gaza - Photo : Urgence Palestine

« Pour réduire la criminalité des gangs, l’on pourrait établir des politiques de nature à freiner la croissance démographique afro américaine dans des lieux comme Harlem et Compton. Le gouvernement pourrait envisager d’arrêter les allocations familiales dans ces zones urbaines afin de décourager la natalité noire et éliminer l’arrivée de « jeunes superflus » dont la seule perspective d’avenir est de devenir les victimes de chefs de bandes criminelles qui leur donnent un sens d’appartenance. En dernière analyse, ces politiques sont une manière efficace de limiter la criminalité des gangs ».

L’absurdité et l’illogisme du paragraphe fictif ci-dessus, ne le cède qu’à son caractère offensant. En 2010, une telle attitude ne serait pas très bien vue, mais ce type d’arguments a été présenté récemment sous les applaudissements d’un public qui a été loin de manifester son dégoût.

Martin Kramer, chargé de cours au centre Weatherhead pour les affaires internationales de l’Université de Harvard, a présenté ce raisonnement lors d’une conférence tenue en Israël le mois dernier. La seule différence avec l’exemple ci-dessus était que ceux dont il cherchait à limiter le nombre étaient les Palestiniens de Gaza afin d’empêcher des « jeunes économiquement superflus » de rallier des groupes militants. Il a dit que « si la société ne peut pas offrir un avenir digne au quatrième et cinquième et sixième fils, alors quelqu’un d’autre s’en chargera ».

Il a aussi soutenu l’abaissement du taux de fertilité des Palestiniens de Gaza et il a affirmé que « ce recul se fera plus rapidement si l’Occident arrête de fournir, aux Palestiniens ayant statut de réfugiés, des subventions favorisant les naissances. ».

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Piochant dans les théories eugénistes de sinistre mémoire... Kramer se fait l’avocat du racisme le plus repoussant.

Il a parlé de société ? Vu la façon dont Kramer voit la réalité, c’est la société palestinienne qui ne peut pas offrir un avenir digne à ses enfants. Il semble croire que Gaza existe dans le vide. Il semble ignorer les événements et les acteurs qui ont créé la situation actuelle.

Les enfants de Gaza ne sont pas « économiquement superflus » parce qu’ils sont nés dans des familles nombreuses. Leur incapacité à être des membres productifs de la société n’est pas imputable à la société elle-même, mais à l’occupation dévastatrice de l’État d’Israël. L’occupation israélienne de Gaza, ainsi que le siège et les attaques qui s’en sont suivies, ont détruit des vies, l’industrie et l’infrastructure. Le pourcentage de la population qui dépend directement de l’aide alimentaire est passé de 60 à 80 % au cours des trois dernières années et le chômage n’a jamais été aussi élevé. Il est donc évident que si les enfants de Gaza sont « superflus », ce n’est pas simplement du fait de leur naissance, mais à cause du lieu où ils sont nés : un enfer dans une prison contrôlée de l’extérieur par Israël.

Pourtant Kramer sait très bien qu’Israël a mis le siège devant Gaza. En fait, il le soutient. Le siège, dit-il dans son discours, peut « interrompre l’accroissement démographique débridé à Gaza - et certains indices montreraient que le siège a cet effet - il commence peut-être à effriter la culture du martyre qui exige un apport constant de jeunes superflus ».

Le fait que Kramer n’établisse pas le rapport entre les politiques israéliennes et les conditions créant des êtres économiquement « superflus » souligne son inaptitude logique et analytique. Au vu du caractère raciste et offensant de ses commentaires, les décideurs de l’université de Harvard seraient bien inspirés de reconsidérer leurs liens avec de tels individus.

Si les commentaires de Kramer avaient porté sur n’importe quel autre groupe, comme celui qui est mentionné dans le premier paragraphe, Harvard aurait sans doute déjà mis fin à son contrat.

* Yousef Munayyer est directeur exécutif du Palestine Center. Cet exposé peut être utilisé sans sa permission. Il faut toutefois l’attribuer au centre.

3 mars 2010 - Cet article peut être consulté ici :
http://www.boston.com/bostonglobe/e...
Traduction : Anne-Marie Goossens


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