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Erreurs courantes de militants et quelques propositions pour les rectifier

vendredi 19 février 2010 - 13h:43

Jihad Mansour

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C’est un texte à lire absolument car il offre des pistes de réflexions intéressantes
en ce qui concerne la manière d’envisager les conduites à suivre en vue d’être le plus efficaces possible dans l’action militante au service de la cause palestinienne.
Écrit par Yousef Abudayyeh, Mohamed Khodr, Mary Rizzo, Haitham Sabbah et Saja

On peut être d’accord ou pas avec la réflexion conduite par ces auteurs, là n’est pas le problème ; car l’intérêt premier selon nous de ce genre de texte est de nous faire réfléchir sur notre propre action afin de voir dans quel cadre elle s’inscrit vraiment et la juger parce qu’elle se trouve ainsi confrontée à une analyse extérieure.
C’est cela qui est intéressant : pouvoir se remettre en question constamment pour mieux servir les intérêts des Palestiniens.

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par Jihad Mansour

Le militantisme et les militants ?uvrant pour la Palestine ont reçu une certaine attention médiatique récemment, ce qui est une très bonne nouvelle. C’est une opportunité que l’on doit saisir, surtout considérant que les Palestiniens eux-mêmes ne se voient pas accorder d’espace dans presque tous les médias de masse. Partant de là, nous à Palestine Think Thank, avons décidé d’exprimer certaines de nos observations, nos pensées et nos suggestions dans le but d’améliorer le travail de tous les militants y compris nous-mêmes. Ce texte est un résumé de ce que nous estimons être certaines erreurs courantes de la part des militants et nos propositions pour éviter que ces erreurs entraînent des dommages. Dans les prochaines semaines nous travaillerons sur chacun de ces points dans différents articles. Nous espérons que nos observations et nos propositions seront profitables autant à nous-mêmes qu’à tous ceux qui consacrent leur temps et leur énergie à la cause Palestinienne.

1. Ne pas insister sur l’unité et nous diviser entre nous

L’enjeu probablement le plus important et à placer avant tous les autres, est l’Unité. On la retrouve de deux sortes : l’une est fondamentale, et l’autre simplement bénéfique. L’unité entre les Palestiniens en tant que peuple représente l’unité fondamentale. Les Palestiniens ont un ennemi commun : l’occupant, l’adversaire sioniste - l’Etat hébreu ; et un objectif commun qui devrait être partagé par tous : la reconnaissance de tous leurs droits et la mise en pratique de ceux-ci. Les divisions sectaires doivent être complètement surmontées, tout comme elles sont surmontées dans le camp Sioniste.

Les Palestiniens sont éparpillés dans le monde entier, la plupart d’entre eux vivant en Exil. La lutte des 62 dernières années fut continue, et le nom « Palestine » a survécu grâce aux sacrifices des Palestiniens du Liban, de Jordanie, de Syrie, des Pays du Golfe, d’Europe et de partout ailleurs. Leur lutte nationale est Une, c’est celle pour la libération de leur terre natale, de leur mère patrie. C’est celle pour le retour vers leurs foyers et villages, et pour arriver à une vie de paix et de démocratie. Nous ne devrions pas laisser la lutte d’une nation être réduite au seul aspect du devenir du Hamas à Gaza et à une auto gouvernance très limitée dirigée par Abbas dans ce qui reste de la Cisjordanie. Le Hamas et le Fatah sont deux partis politiques, ils ne représentent pas la voix suprême de tous les Palestiniens de par le monde, ni ne peuvent se présenter comme tels. Tout comme n’importe quel pays du monde, le nationalisme et le patriotisme ne sont pas la propriété de partis politiques, mais ceux du Peuple. Il est tragique que les affrontements entre ces partis aient fait perdre de vue les aspirations des Palestiniens, et que tout opposant à l’un de ces partis ait été muselé, mis en prison ou voire même tué. Ce n’est pas ce pour quoi les Palestiniens ont sacrifié leur vie. Rien ne peut se passer en Palestine tant que le Hamas et le Fatah, chacun soutenu par des partisans de l’extérieur, sont divisés. Il est dramatique et dommageable que la population palestinienne soit ainsi divisée par des lignes sectaires, et cette division est précisément ce qu’Israël espère qu’il restera, dans sa stratégie du « Diviser pour mieux régner ». Etre divisés sert les intérêts sionistes. Les Palestiniens se doivent de placer en première priorité la nécessité de surmonter ces différends sectaires. Si les dirigeants actuels ne soutiennent pas cela, d’autres dirigeants feront surface et gagneront un large soutient. D’ores et déjà, beaucoup de ces leaders sont conscients de l’opinion publique, et les revendications de consacrer leurs efforts à une réconciliation doivent impérativement aller au-delà des simples promesses et se concrétiser ; les Palestiniens doivent les astreindre à ces objectifs.

Une Palestine unie qui reviendrait à son corps premier, son corps Arabe, est la plus grande menace pour Israël ; il faut que des élections aient lieu car les Palestiniens, tout comme quiconque, ont le droit de choisir leurs propres dirigeants. Nous devons cependant établir une différence entre des élections sous occupation, dont le but premier serait de rendre la vie moins difficile pour les Palestiniens vivant sous la violente houlette sioniste ; et des élections qui devraient inclure tous les Palestiniens à travers le monde, créant ainsi leur propre leadership politique, capable, volontaire et prêt à s’attaquer aux problèmes auxquels doivent faire face TOUS les palestiniens : la libération de la Palestine et le Retour des palestiniens à leurs foyers et villages d’origine. Les intérêts politiques doivent être subordonnés aux intérêts nationaux, et tous les partis devraient conclure le pacte de travailler ensemble vers la concrétisation d’intérêts nationaux, tout en conservant leurs identités et propositions propres. Comment atteindre l’Unité devrait occuper la plus grande part des discussions. C’est le problème le plus crucial.

L’unité des “non-Palestiniens” est différente. Elle doit être au service des objectifs palestiniens et soutenir les actions pouvant leur apporter justice et liberté. Présentement, son but premier devrait être de travailler à tout ce qui faciliterait l’Unité palestinienne et à faire de leur objectif national une priorité.

2. Nous laisser aller à suivre le cheminement du discours sioniste

En faisant cela, nous nous condamnons à être « réactifs » plutôt qu’ « actifs ». Cela implique de perdre notre contexte particulier et de ne pas développer nos propres stratégies. Il existe des myriades de réponses individuelles, mais il en existe très peu qui ont une vraie coordination entre elles, et ce même à un niveau idéologique. Le résultat est que ces réponses peuvent facilement devenir contre-productives lorsqu’elles se contredisent les unes les autres. Elles ne sont pas interconnectées, contrairement à la stratégie sioniste. Les sionistes ont un « fil de narration », les palestiniens eux ont leur histoire. Nous devons l’apprendre, la sortir de l’ombre et être à même de la défendre avec capacité.

Il a tant été écrit sur l’antisionisme, le débat a été traité jusqu’à épuisement d’arguments nouveaux, jusqu’au point où ce sujet n’est plus que répétitif. Il convient à présent de se concentrer sur les priorités et stratégies des Pro Palestiniens, un sujet qui n’est pratiquement pas abordé et qui, lui ouvre des horizons « actifs ».

3. Nous utilisons une terminologie sioniste

C’est une erreur que nous ne commettons que trop souvent. Nous devons créer notre propre terminologie, ou piocher dans notre propre catalogue linguistique afin de trouver le « meilleur » lexique. Les sionistes l’ont fait, ils possèdent des Manuels de Hasbara et des formations propagandistes. Si notre langage est suffisamment répété, les gens commenceront à comprendre les informations de base. Un exemple : nous usons des termes tels que ?Gaza’ et ?Cisjordanie’ comme substituts pour ?Palestine’, ne réalisant pas que la Palestine est bien plus que cela. En effet, même dire ?les Territoires Palestiniens’ est erroné et a créé une impression dans les esprits que ?Palestine’ est seulement équivalent aux endroits hors de la Ligne Verte. C’est une idée qui fut imposée mais qui doit être rejetée. Dans un tel cas, les mots convenant pour référer à Gaza sont « Gaza, Palestine Occupée », tout en nous rappelant aussi de dire « Ramallah, Palestine Occupée », « Jérusalem, Palestine Occupée » et même « Tel Al-Rabie, Palestine Occupée ». Oui, appeler Tel-Aviv par son nom d’origine est radical, mais peut-être nécessaire. Tout du moins, cela aura le potentiel d’ouvrir le débat là où il pourra être efficace.

4. Nous laissons nos efforts se faire détourner

Nos efforts sont bien trop souvent détournés hors du sujet, et quoiqu’importants ou reliés les sujets digressifs soient, ils ont tendance par moments à servir de distraction et à devenir des pentes savonneuses, particulièrement quand ils sont traités de manière réactive. Quelques uns de ces sujets sont l’Holocauste européen, le Programme nucléaire iranien, l’identité politique juive, l’identité politique musulmane. De la même manière, nous sommes trop souvent inconscients d’une certaine interconnexion entre les événements mondiaux et la politique internationale et comment ils affectent les Palestiniens. Nous devons nous concentrer sur les événements, sur la réalité, et non pas sur des menaces ressenties ou sur de l’agression préventive, ou de la ?création d’une nation’ complètement impérialiste. Nous devons retirer nos ?illères et ne pas vouer de culte du héros à qui que ce soit. Tout dirigeant se soucie avant tout de ses intérêts personnels, c’est ainsi qu’il en a toujours été, et rien n’indique que c’est sur le point de changer. Il faut réfléchir à quels intérêts concordent avec la cause libératrice palestinienne et quels intérêts « utilisent » cette cause. Avoir un ennemi ou deux en commun ne signifie pas partager les mêmes causes, mais suivre ce qui est arrangeant. Ceci a toujours été cause de ralentissements et de trébuchements dans la cause pour la libération de la Palestine.

Les questions régionales et internationales sont souvent interconnectées avec la Palestine, seulement parfois à un degré qui n’est pas apparent au premier regard. Il est important de reconnaître la rhétorique ?vide’ pour ce qu’elle est, de reconnaître ce qui pourrait être de la propagande servant la désinformation, les "flag operations" (opérations sous fausses bannières) et les diversions par rapport à nos objectifs et principes. La propagande peut provenir d’amis comme d’ennemis, il faut donc examiner de manière critique les informations reçues et ne laisser filtrer que ce qui est utile et bénéfique à la cause. Il se peut qu’il y ait discorde quant au jugement de ce qui est bénéfique et de ce qui ne l’est pas, mais ce que nous savons tous est que plus un sujet est éloigné dans le temps et dans l’espace de la Palestine, plus il y a de chances que ce soit une diversion.

5. Nous ne traitons pas les médias de masse hébreux - israéliens comme la Hasbara qu’ils sont

Nos sources sont bien trop souvent des organes Hasbara. Il y a certes de très bons journalistes là-bas dédiés au peuple palestinien, et tout écrit publié dans un journal israélien n’est pas propagande, mais les journaux eux-mêmes le SONT. Les meilleurs d’entre eux tiennent en quelque sorte lieu de feuilles de vigne. Quel est le but de la plupart des journaux israéliens ? C’est de créer une mentalité parmi les israéliens se résumant à « Nous sommes sous attaque » pour justifier leurs “craintes” préfabriquées et les actions à l’encontre des Palestiniens pour apaiser ces peurs. Si preuve il faut, un seul coup d’ ?il jeté sur un journal israélien, même le plus "progressiste" suffira pour constater la présence constante de publicités en page d’accueil pour l’opération "Birthright", Ahava, plusieurs espaces pour Gilad Shalit, des stations de luxe en Palestine.

Ceci étant dit, le fait est que nous n’accordons pas le même intérêt ni la même attention à des auteurs qui le méritent sans conteste. Les journaux arabes ne sont pas cités comme sources. Les Occidentaux et bon nombre d’activistes ignorent même ce que des écrivains ou des académistes pensent, car ils ne sont pas diffusés à grande échelle pour des raisons qui ne peuvent être que considérées comme discriminatoires. Cela devient apparent en regardant tout simplement la plupart des sites, où les Européens, les Américains, et les Israéliens dirigent le discours, peu importe la position politique.

Un exemple flagrant de la surdité à l’encontre de la voix arabe se manifesta au moment où le crime des trafics d’organe fut mis à jour. Pendant des années, les Palestiniens ont parlé de ce crime qui n’était un secret pour personne. Une sorte de « gêne » accompagnait ce sujet, en ce que les gens ajoutaient communément en fin de rapport « Je sais, mais je n’ai aucune preuve ». Lorsqu’un Occidental se contenta non seulement de répéter ce qu’il avait déjà publié dans un livre, mais aussi ce que les Palestiniens avaient établi auparavant, tout à coup le sujet devint digne d’intérêt. Mais ce qui est le plus curieux est que la source soulevant le sujet n’était pas palestinienne, mais était en fait un journal sioniste, le Jerusalem Post. Ils ne publièrent pas l’article (c’est Tlaxcala, en coopération avec l’auteur, qui le traduisit en anglais quelques heures plus tard) mais la propagande israélienne en fit mention comme la preuve la plus criante de diffamation, et ce arrivant à point nommé pour la Conférence israélienne ayant lieu à ce moment-là sur les « Dangers de l’antisémitisme européen ». Ce sujet important perça enfin à la lumière du jour, mais il faut ?uvrer pour être ceux qui dirigent le discours, pour nos propres buts et d’une manière qui ne soit pas réactive. Les problèmes ne devraient pas être mis en lumière ou laissés dans l’ombre selon le bon vouloir des Israéliens / sionistes, ni ne devraient servir leurs intérêts.

Les médias de masse sont cruciaux dans la domination. Israël a la part du lion dans les médias dominants et les Occidentaux ont la part du lion dans les médias alternatifs. Notre but devrait être d’accroître la médiatisation de la cause des Palestiniens par les Palestiniens, tout en restant très vigilant par rapport aux sources dont nous usons et de l’information que nous propageons. Avec la nouvelle rapidité des outils de communication, on fait face à une grande hâte et à peu de vérifications des faits. Nous devons éviter à tout prix de faire circuler de l’information qui pourrait être opérations sous couvert, de la guerre psychologique ou de la désinformation touchant au Moyen Orient.

6. Nous délaissons la pensée critique au profit de la pensée émotionnelle

Les émotions font certes parties intégrante de l’être humain, mais elles n’ont aucun poids dans les tribunaux et ne figurent sur aucun document légal ou législation. On mène un combat pour la justice, et nos références sont les lois et les documents incluant des réglementations procédurières, diplomatiques et légales. Si l’on fait entrer dans les consciences les concepts de justice et de légalité, il faut aussi s’y conformer. Le droit international, quoiqu’ayant ses défauts, est du côté des Palestiniens. Il leur garantit le droit de résister face à l’occupation, le droit au retour, le droit à la protection et d’autres droits encore. C’est ainsi que nous pouvons, en tant que défenseurs de la cause, être d’un grand secours. Nous ne pouvons pas faire appel aux émotions (cela ne marche pas) ni agir purement portés par elles (car cela exclurait toute planification stratégique). Quel est le mantra d’Israël ? "Israël a le droit à l’existence". Ainsi, si les droits sont leur terrain de bataille, alors qu’il est clair qu’ils n’ont aucun droit légitime à leurs revendications, il apparaît clairement qu’ils sont en train de gagner la guerre de propagande en usant de notre meilleur atout. Il nous faut renverser cette situation, point final.

D’un autre côté, Israël a peaufiné et investi sur sa Hasbara. Il en est de même pour les partisans d’Israël, qui influencent le public par le biais d’un chantage émotionnel intense qui est exécuté au moyen de la juxtaposition des souffrances juives passées et de l’identité israélienne actuelle (une combinaison de la mentalité de « la victime ayant survécu » et de l’image d’un pays démocratique au bord de l’extermination au milieu d’une région hostile). Tous les aspects de cette image sont mis à leur avantage de façon très professionnelle. L’appel aux sentiments est constant, mais il faut bien voir que ces déclencheurs d’émotions sont préfabriqués, manipulés et conçus pour résonner auprès d’un public occidental qui ne gratte pas sous la surface pour former ses propres opinions. Le bombardement d’images et de messages venant d’Hollywood en particulier, suscite en réponse des émotions viscérales qui n’admettent que la culpabilité ou la sympathie. Il n’existe pas de parangon dans le monde palestinien à ce genre de campagne. Peut-être avons-nous besoin de canaliser l’attrait vers les émotions en instruments éducatifs réellement efficaces, plutôt que de se lamenter entre nous et de se demander pourquoi le Monde nous tourne le dos. Si nous comptons faire appel aux émotions, alors nous devons calculer comment le faire. Tout comme les sionistes l’ont fait avec succès.

7. Nous ne comprenons pas ce qui intéresse le public

De nos jours, on ne s’adresse pas tant à des “populations” qu’à un “public” qui est à sa manière réceptif à un message. Les massacres de Gaza de l’an dernier, et ceux au Liban il y a 3 ans et demi, ont non seulement resserré l’étau sur Gaza et renforcé le contrôle (pour le compte d’Israël) de la FINUL sur le Liban, mais cela montre aussi très nettement que rien ne peut perturber le public. Nous sommes en train d’essayer de le convaincre de choses dont il ne se soucie pas, ou qu’il est incapable de saisir. Il se peut bien qu’il y ait eu tant de lavage de cerveau, que le massacre d’innocents en plein jour n’apporte aucune compassion ni pitié et n’élicite pas plus l’indignation. Jusqu’à quel point l’opinion publique compte-t-elle ? Cette opinion sert justement à apporter le consensus nécessaire aux dirigeants pour qu’ils restent au pouvoir. Le consensus favorable aux dirigeants soutenant Israël devrait alors être compromis par d’autres moyens, surtout quand on sait que les intérêts nationaux des gens sont contraires à ce qu’apporte ce consensus. Aux Etats-Unis par exemple, l’accent devrait être porté sur le fait que l’implication des Etats-Unis dans plus de guerres à l’étranger coûte cher et que la politique interventionniste est dommageable pour les Américains. Si l’intervention de l’Etat est de moins en moins soutenue, les politiques devront changer de sorte que le pouvoir au niveau national soit maintenu. Cela se traduira par conséquence en la réduction des fonds dirigés vers Israël et la Guerre contre le terrorisme.

Nous avons la responsabilité d’éduquer et d’informer les personnes avec qui nous sommes en contact. Toutes sortes d’associations, en Palestine et au-delà, des groupes étudiants, des organisations religieuses et culturelles peuvent influencer la communauté et offrir l’opportunité de s’engager dans des actions qui peuvent avoir un impact sur l’opinion publique et, par la suite, sur la politique. Les organisations arabes sont notamment dans l’obligation d’assumer leurs responsabilités, de sensibiliser et de prendre part au débat public par la publication d’éditoriaux, de lettres, de protestations et par l’éducation pour que le monde voie que cette question a de l’importance pour les Arabes, et les temps où l’on attendait que le monde résolve les problèmes au moyen de l’ONU ou par la Maison Blanche sont révolus.

8. On attend que les dirigeants ramènent l’ordre (ou bien la "bombe démographique")

Il est vain d’attendre que les dirigeants résolvent les problèmes même si ceux-ci se considèrent comme les princes de la paix et croient pouvoir sauver le monde. Ils se trouvent là où ils sont pour la seule préservation de leur pouvoir. Qui plus est, leur déléguer cette tâche ne renforce pas la résistance, qui, si elle est organisée de façon stratégique de par le monde palestinien en entier, PEUT être EFFICACE. Ne sont pas considérés ?résistants’ les factions seulement, ou une base idéologique unique. Chaque parti, faction ou mouvement palestinien, chaque Palestinien où qu’il réside dans le monde, est ?résistant’. Soutenir le contraire est du mensonge sioniste. Il existe toute une masse de personnes impliquées, la résistance n’est en aucun cas limitée à un certain type de résistance ou de résistants. Les rejoindre dans leur lutte engendrera d’autres sympathisants à leur cause, les populations arabes incluses, ainsi que le public international non arabe, les mouvements de libération et de droits de l’homme autour du monde. Les actes en coordination de solidarité, de commémoration, de protestation, les choix tels que le boycott, le sabotage d’infrastructures israéliennes illégales, les événements médiatiques et les campagnes existent déjà, et représentent un travail remarquable, mais on peut leur donner plus de poids et plus d’attention s’ils partagent les mêmes idées fondatrices. Ceux promouvant à tout prix les négociations, recherchant des solutions de compromis, de collaboration ou de coexistence avec le sionisme, ont un fondement qui n’est pas l’objectif central. Les solutions à long terme devront être envisagées à un moment donné, mais les Palestiniens ont attendu assez longtemps comme ça. Attendre qu’une ?bombe démographique’ n’explose n’est pas non plus une solution. Les gens ont le pouvoir.

9. Nous n’abandonnons pas ce qui ne marche pas en nous renouvelant

Nous sommes des êtres d’habitudes et nous nous tournons le plus souvent vers une “zone de confort”, pour y rester. Si les votes et les élections « ne marchent pas », une stratégie différente s’impose. Si notre soutient économique est éparpillé dans le maintien de structures coûteuses, sans aller directement aux gens, il faut alors trouver le moyen de se livrer à de nombreux microprojets ou de financer des communautés de façon indépendante. La sponsorisation et les efforts de jumelage, comme par exemple celui que Bristol a mené à bien, sont de fantastiques solutions alternatives, plutôt que ceux des grandes organisations qui parfois ont des frais généraux si élevés ou une comptabilité si défectueuse que tout ce qui finit par filtrer est loin d’être assez pour affecter du changement concret ou apporter du secours. Les actions entreprises par les bénévoles de Nahr El-Bared sont un autre bel exemple à suivre. Ils construisent non seulement la communauté, mais sont aussi une aide tangible à ceux exclus de la chaîne alimentaire de l’Autorité palestinienne. La créativité de nos actions et la recherche de solutions alternatives sont des choses qui ont besoin d’être renforcées. Il existe déjà tellement d’organisations, à nous de les garder fixées à un objectif et efficaces, et si elles échouent dans leurs résultats, de faire le point avec courage. Le temps est venu de se concentrer sur des stratégies positives et réalisables. En fin de compte, c’est ce qui fera la différence, ça et non pas la rhétorique sioniste.

10. A situation différente solution différente

Nous devons bien comprendre dans quel milieu nous opérons. Des milieux sociaux différents peuvent signifier une stratégie complètement différente. Par exemple si l’on se trouve en Turquie, il est aisé d’attirer l’attention sur une position antisioniste. Ce n’est pas ce qui pose problème là-bas. En Allemagne par contre, l’héritage du Nazisme laisse encore sa trace dans l’identité nationale et dans les relations qu’a le pays avec Israël. Aux Etats-Unis, le budget le plus lourd est le budget militaire et le soutien institutionnel d’Israël. Dans presque tout l’Occident, ?terrorisme’ est associé à ?islam’. Ce ne sont que quelques exemples parmi les dizaines de point sensibles qui affectent les relations internationales avec la Palestine.

En finir avec les mensonges, tout en gardant un ?il sur la loi, la justice et aussi ce que chaque public verra selon sa convenance est un travail nécessaire, et qui risque de changer pour chaque milieu dans lequel on se trouve. Un autre aspect capital est de connaître les lois et coutumes du lieu dans lequel on opère. Si nous nous savons filmés / photographiés / encadrés, nous devons nous rappeler que nos panneaux, la présence de drapeaux, et même la profanation de drapeaux, que les masques ou tout autre chose couvrant le visage, etc., servira à la propagande israélienne, dès lors qu’ils violent la loi ou coutume ou qu’ils sont considérés comme antisémites. Dans nombre de pays, des lois rigides encadrent les rassemblements publics, où les participants sont identifiés ; même une violation des plus mineures peut s’avérer fatale à l’action menée. En Italie par exemple, il y a une loi absurde qui dit que les enfants ne sont pas « autorisés » à manifester ! Même des rassemblements autorisés peuvent faire plus de mal que de bien. Une prière commune par des musulmans à Milan s’est tenue face à son Dôme, faisant de l’évènement un fiasco en ce qui concerne les relations publiques. L’endroit était certes la place la plus importante dans le nord de l’Italie, mais être en face du Dôme de Milan représentait la certitude d’être attaqué par la presse et les politiciens locaux qui, partant d’une forte tendance islamo phobique, le considérèrent comme une offense aux chrétiens. Dans le contexte tendu de Milan, cela a en effet été le résultat et n’importe qui aurait pu le prédire. Les choix doivent être pensés stratégiquement, avec une prise en compte même de l’échec.

En Amérique du Nord et dans beaucoup de pays européens, des partis politiques tout ce qu’il y a de légitime, sont mis sur liste noire. Cela signifie qu’il est illégal de leur faire don d’argent ou de s’engager avec eux dans des transactions financières. Quiconque collecterait des fonds pour ces groupes là au lieu de se servir d’autres ONG ou d’ONG ’ad hoc’, porterait par la même un coup fatal aux donateurs. Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres illustrant le besoin de connaître le contexte de l’action, du début à la fin.

11. Nous tombons dans bien trop de pièges de la Hasbara

Nous « dialoguons » selon leurs termes. Nous acceptons leur contrôle en les laissant choisir le contexte, faisant cadrer leurs arguments en excluant les nôtres. Nous utilisons leur langage et leurs médias. Nous ne suivons pas notre propre calendrier. Le dialogue est important, mais s’il n’est pas fondé sur des règles équitables ou qu’il perd de vue que le but n’est pas de communiquer pour communiquer, mais de susciter le changement, alors c’est une perte de temps. Ceci est un objectif majeur de la Hasbara : nous faire perdre notre temps.

12. Ce n’est pas une question religieuse

Nous oublions trop souvent qu’il n’est pas question de religion. Il est question d’une population arabe expulsée de sa propre terre pour faire place à une colonisation européenne de terres arabes. C’est une question de droits de l’homme et de justice. Bien souvent, la religion ?colore’ le conflit. Les sionistes utilisent la Bible pour justifier le vol des terres palestiniennes, et le Hamas répond en utilisant le Coran. Pourtant, ce n’est ni n’a jamais été un problème lié à la religion. Nous nous opposons à Israël parce qu’il a volé des terres arabes et dépossédé son peuple, pas parce qu’il est juif.

Toutefois, puisque le fait est que la religion domine le discours, à tort ou à raison, nous devons rechercher les moyens de rendre cette connexion bénéfique. Nous devrions travailler avec des groupes interreligieux s’ils partagent nos objectifs, en particulier ceux des groupes juifs qui investissent beaucoup d’efforts pour éduquer ceux partageant leur foi. La majorité des juifs ne font pas partie du lobby israélien, et faire un pas vers eux permet de construire amitié, solidarité, stratégies communes, et de briser les idées reçues dans les médias juifs et les synagogues, qui pour la plupart on un drapeau israélien sur leur bima.

De même, les chrétiens du monde entier devraient savoir que nombre de Palestiniens partagent la même foi, et que beaucoup d’Arabes, dont des Palestiniens, ont préservé le christianisme en Terre Sainte. Ils devraient être informés du sort de ces chrétiens qui souffrent d’exclusion et de racisme, engendré par les pratiques et les lois israéliennes, alors que bien trop souvent ils ne connaissent que les mythes et les mensonges présentant les Arabes comme les ennemis du christianisme.

13. Nous ne donnons pas la bonne forme à notre discours

Nous n’arrivons parfois pas à nous adresser au “public” correctement. Nous devons apprendre à adapter notre discours pour l’auditeur. Cela signifie qu’il faut savoir à qui nous nous adressons et à quelles fins. Quoique refuser d’employer le nom « Israël » ne soit pas un problème parmi les Palestiniens et les défenseurs de la Palestine, nous devons prendre conscience que cette entité existe pour le reste du monde. S’y référer différemment dans une lettre que l’on espère voir publiée dans le Washington Post peut prêter à confusion. Il faut expliquer ce qu’Israël fait, son histoire, mais il faut aussi réaliser que c’est quelque chose de présent pour l’auditeur. Nous devons faire preuve de suffisamment de bon sens concernant les médias pour savoir comment nos propos seront considérés, ou s’ils seront rejetés par les éditeurs, et comment leur donner la bonne forme, de manière à exprimer ce que l’on veut faire comprendre. D’un autre côté, il ne faut pas non plus avoir peur du mot « juif ». C’est en effet le « trait national » d’Israël, qui n’est pas un Etat démocratique mais plutôt un Etat d’exclusion, de racisme et de suprématie, qui étend ses droits et de nombreux privilèges aux juifs seuls. Ce fait ne peut être embelli d’un quelconque moyen, c’est la réalité. En outre, l’armée israélienne est une armée juive. Ce n’est pas une armée « démocratique » qui représente toute la population, puisque de nombreux juifs pratiquants en sont exclus, et fait encore plus révélateur, un cinquième de la population enregistrée est composée de Palestiniens et de beaucoup d’autres immigrants, qui ne sont pas représentés. Ils sont autorisés à les « rejoindre » seulement après conversion, ou par l’intermédiaire d’une unité spécifique qui amène sans équivoque vers une conversion et à l’accès puis tous les droits du citoyen israélien. Les Druzes font parfois preuve d’exception, mais avec ses limites et qui vise aussi à acquérir les droits qui leurs sont niés en tant que citoyens ordinaires de l’Etat juif. Palestiniens et autres ont le droit d’user du terme ?juif’ sans avoir à être vilipendés pour autant. Si des actes atroces sont commis par Tsahal (Armée de défense d’Israël), il n’est pas inapproprié d’y référer par le terme ?juifs’ opérant comme la branche militaire - et contrôle de l’État juif.

14. Nous avons besoin d’accueillir

Nous aurons toujours besoin de plus de personnes pour cette cause, et la rencontre de nouvelles personnes est perpétuelle. Nous devons construire des réseaux, partager nos connaissances et nos expériences, diverger de manière civile, écouter, apprendre, sensibiliser, être impliqués dans d’autres combats par amour sincère de la liberté. Par conséquent, la pratique de l’exclusion de personnes fondée sur leur religion, leurs idées politiques, les préférences sexuelles ou leurs modes de vie se doit d’être réduite. Nous ne pouvons pas être d’accord avec tous les peuples sur toutes choses, et il se peut tout à fait que nous soyons considérés « dans l’erreur » pour nos convictions, que nous avons le droit d’avoir en tant qu’êtres humains. Nous n’avons aucun droit de juger les autres sur qui ils sont et nous devrions travailler tous ensemble pour servir la cause commune. Ceux qui usent de leurs connexions pour quelque chose de différent se servent du peuple palestinien. Il n’est pas immoral de recevoir de l’argent pour le militantisme, mais les honoraires devraient couvrir les frais ou être confiés à des réfugiés palestiniens. La solidarité ne doit pas devenir une industrie.

15. Nous imposons des conditions à notre solidarité

Les Palestiniens ne cherchent pas à ramasser des miettes de pitié et ils n’ont pas besoin qu’on leur dise quel type de résistance adopter ou qui d’entre eux a le droit d’exprimer leurs besoins. Les Palestiniens savent très bien que leur lutte n’est pas une lutte pour arriver à l’égalité des droits, mais vraiment une lutte pour leur libération, et cela nécessite une large gamme d’actions, pour pouvoir survivre et pour garder l’espoir d’être un jour libre. Le fait que leur résistance ait été non-violente devrait être clairement reconnu par les militants qui les appellent à se trouver un « Gandhi palestinien » ou à abandonner une forme de résistance ou l’autre, ou qui déclarent même qu’il n’existe qu’une seule bonne ?manière’. Toutes ces conditions, jugements et demandes sont injustes envers les Palestiniens et irréalistes.

Une combinaison de tous les types de résistance ainsi que de tous les actes de soutien venant de l’extérieur, tels que le boycott, doivent être soutenus sans condition. Alors que certains militants, dotés des meilleures intentions, comparent l’Apartheid sud-africain à la Cause palestinienne, la réalité est tout autre. Les Palestiniens vivent sous une occupation militaire brutale et assistent au génocide de leur peuple. Ils n’ont obtenu le soutien d’aucune organisation internationale, et sont poussés à se sortir de là par négociations pour obtenir des droits, quand ils savent quels sont leurs droits et qu’ils savent à quoi la carte de la Palestine ressemble. Ils sont invités à concéder, à renoncer à plus, alors que ce qu’ils essaient de faire est de retrouver leur terre perdue, leurs droits et leur liberté.

Cela va au-delà de la simple obtention de l’égalité des droits. C’est une lutte pour se débarrasser des chaînes de l’occupation et pour créer une société palestinienne et la gouvernance d’un peuple qui a été dispersée à travers le monde. Les Palestiniens n’ont pas d’État, ils n’ont pas d’armée, et ils se battent pour leur survie même. Ils méritent notre solidarité pleine et entière pour se défendre et créer leur nation. Nous demander comment nous pouvons les servir, et non pas comment ils peuvent méritent notre solidarité, est la question cruciale à se poser encore et encore, pour chaque fois trouver une réponse différente. Avec les objectifs de leur libération à l’esprit, laissez-nous servir.

Pour que le mouvement soit un allié sincère et un vrai partisan de la Palestine, des Palestiniens et de leur lutte pour la liberté, il est nécessaire d’écouter les Palestiniens raconter leur propre histoire, ainsi que de faire valoir leur narration et leur définition de la lutte avec leurs propres mots. Il a été très dur pour les pro Palestiniens d’expliquer que la question de la Palestine n’a pas commencé en 1967 aux dirigeants de nombreux mouvements de solidarité aux Etats-Unis et en Europe. Ainsi, la question du retour est devenue un sujet épineux avec beaucoup de ces dirigeants, provoquant une scission au sein du mouvement en deux moitiés presque égales. Nous avons pu nous assurer que nos vrais alliés comprennent que toutes les luttes sont connectées. Nous luttons pour la dignité humaine et les droits fondamentaux, et ceci est le lien entre la Palestine, le Liban et l’Irak. Nous ne pouvons pas non plus tourner le dos à d’autres luttes telles que les luttes des citoyens américains de la Nouvelle-Orléans, de la population d’Haïti et d’autres. Il est important de faire les liens et de comprendre comment notre combat rejoint tous les combats des peuples opprimés, et aussi, la façon dont il diffère.

22 janvier 2010 - Lien de l’article en anglais :
http://palestinethinktank.com/2010/...
Traduction de Sihem Belaidi pour le Collectif Cheikh Yassine publiée ici : http://soutien-palestine.blogspot.c...


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