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Nous suffoquons

mercredi 14 février 2007 - 00h:04

Sami Abdel-Shafi - The Guardian

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Le monde extérieur doit se rendre compte que les querelles intestines palestiniennes sont le produit d’un intolérable blocus

C’était un reflet surréaliste, mais révélateur du degré de solitude auquel sont arrivés les Palestiniens avec leurs dirigeants apparemment poussés à l’échec, pendant qu’Israël regarde en spectateur.

En retard une nuit, on m’intima soudain l’ordre en hurlant d’arrêter ma voiture, d’éteindre les phares et de descendre les vitres. Deux hommes armés, sans aucun insigne permettant de les identifier bloquèrent la voiture des deux côtés, l’un pointant sa mitraillette vers moi tandis que l’autre, deux pas en arrière, portait à l’épaule un lanceur de grenades. C’était jeudi de la semaine passée, quelques heures après que de féroces affrontements aient éclaté entre le Hamas et le Fatah, mettant fin au septième cessez-le-feu entre les deux factions et rendant la lutte de pouvoir encore plus mortelle.

Les Palestiniens ont constaté avec tristesse que le crédit moral de leur cause était érodé : comment le monde extérieur considère-t-il le fait qu’en l’espace d’un an, nous soyons passés des élections démocratiques à la violence fratricide ?

Le jour qui précédait ces évènements, un comité de la Chambre des Communes publiait un rapport tirant la sonnette d’alarme au sujet des conditions de vie qui se détériorent dramatiquement dans les Territoires occupés suite à l’embargo imposé par les Etats-Unis dans la foulée des élections de l’an passé. Le rapport remettait en cause la disproportion du blocus et de ses implications par rapport à la recherche d’une paix durable. La lutte inter-palestinienne ne fait que souligner le sens de ces avertissements.

Les miliciens qui me sont tombés dessus n’étaient pas sous une autorité bien définie. L’un d’eux était un récent diplômé en comptabilité qui n’avait jamais trouvé de travail et n’avait reçu aucune formation sur maniement des armes. Beaucoup de ces hommes armés ont juste besoin d’un revenu. Sans aucun moyen de nourrir leur famille, ils joignent l’un ou l’autre des services de sécurité afin de s’assurer un salaire. La communauté internationale doit comprendre les graves conséquences qu’il y a à maintenir ce qui est la plus grande prison dans le monde : le camp de la Bande de Gaza.

L’accord de jeudi entre les dirigeants du Fatah et ceux du Hamas a permis de garder le conflit sous contrôle et la situation est aujourd’hui plus calme. Mais alors que les Palestiniens reprennent le chemin du dialogue, Israël utilise sa tactique classique consistant à déplacer la pression vers la Cisjordanie et Jérusalem-est. Entamer une fouille provocatrice à une des entrées de la Ville sainte - le jour où débutait le dialogue [inter-palestinien à la Mecque] - n’était clairement pas sans calcul. Et hier, le matin qui a suivi la signature d’un accord entre les Palestiniens, les forces israéliennes se sont attaquées à une manifestation des habitants de Jérusalem qui protestaient contre le projet, puis ont interdit l’accès de la mosquée Al-Aqsa aux musulmans.

Comme si de rien n’était le Quartet [les Etats-Unis, l’Union Européenne, les Nations Unies et la Russie, chargés de faire avancer un processus de paix israélo-palestinien] apparaït toujours autant incapable de reconnaître qu’aussi longtemps que la bande de Gaza restera isolée et que le mur continuera d’être érigé en Cisjordanie, aucun développement positif ne sera possible. Les récentes prises de position des Etats-Unis et de l’Europe représentent en pratique un soutien à la politique de confinement de la bande de Gaza par la terre, la mer et les airs, et un soutien à l’annexion de la Cisjordanie et de Jérusalem-est. Ceci garantira seulement la fuite des personnes-mêmes sur qui la communauté internationale dit compter pour construire la paix : les Palestiniens « modérés ».

Que le Quartet demande aux Palestiniens de rejeter la violence est une chose, mais si aucune pression n’est exercée sur les Israéliens pour qu’ils relâchent leur emprise sur les Territoires palestiniens - et ceci remonte à bien avant l’élection du Hamas - l’espoir palestinien sera étouffé et nous verrons alors que le monde ne fait que poursuivre une paix fantomatique. Aucune initiative politique ne peut compenser la suppression du potentiel de tout un peuple à se développer dans la liberté.









Sami Abdel-Shafi est le co-fondateur de Emerge Consulting Group, conseil en management à Gaza City.

Sami Abdel-Shafi - The Guardian, 10 février 2007 : We are being suffocated
Traduction : Claude Zurbach [Info-Palestine.net]


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