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L’occupation et les aides internationales

vendredi 9 février 2007 - 09h:45

Shir Hever

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Cette intervention a été présentée par l’économiste d’AIC, Shir Hever, à la conférence des Nations Unies sur l’Aide au peuple palestinien, qui s’est tenue à Doha les 5 et 6 février 2007.

Il n’y a pas besoin de préciser, une fois encore, les dommages considérables causés aux Palestiniens par les forces d’occupation israéliennes. Nous avons déjà beaucoup parlé du taux de pauvreté en progression, du PIB qui chute de 9 points durant le premier semestre 2006, des 25% de la main-d’ ?uvre palestinienne qui souffrent de la perte de leurs salaires à cause des sanctions contre l’Autorité palestinienne, et de la réduction de 180 millions de dollars US sur les aides. D’ailleurs, la consommation par habitant en Palestine a chuté de 12%. Une pauvreté profonde atteint des proportions alarmantes, à Gaza elle touche déjà 79,8% de la population. De plus, l’insuffisance alimentaire arrive à des niveaux très élevés, 41% dans la Bande de Gaza.

Ces informations ressortent de façon claire dans les rapports des Nations unies et de la Banque mondiale.

Dans cette intervention, je voudrais m’attacher à aborder deux questions séparées.

Une, quels sont les intérêts économiques en jeu derrière la ruine de l’économie palestinienne ?

Deux, à quelles conséquences sur l’économie palestinienne pouvons-nous nous attendre à long terme du fait de l’occupation ?

1 - Les intérêts israéliens

Avec les « protocoles économiques de Paris » signés comme annexes économiques aux Accords d’Oslo, Israël a imposé une union douanière sur les Territoires palestiniens occupés (TPO) ; seules, les marchandises qui circulent entre Israël et les TPO sont exonérés de taxes douanières pendant que, seul, Israël a le droit de prélever des taxes. Dans le même temps, la promesse d’Israël d’autoriser les salariés palestiniens à entrer en Israël librement pour y travailler est toujours non respectée.

Le résultat de la ruine de l’économie palestinienne par Israël, accompagnée de strictes limitations des déplacements des personnes et des marchandises, c’est que cette économie palestinienne est devenue l’otage de l’économie israélienne.

Les possibilités de travail, de production et de rémunérations des Palestiniens ont été gravement limitées et seule l’assistance humanitaire financière depuis l’étranger leur évite de connaître la faim et la maladie à grande échelle. Le taux de chômage officiel actuel dans les TPO est de 30%, mais officieusement, il est beaucoup plus élevé. En réalité, seuls, 31% des Palestiniens en âge de travailler ont un emploi sous une forme ou une autre.
A première vue, il apparaît que l’aide humanitaire serait une bénédiction pour les Palestiniens, les soutenant pour qu’ils aient un niveau de vie minimum et pour éviter un désastre plus vaste. Mais en fait, les aides sont utilisées par Israël pour l’aider à financer l’occupation.

A chaque fois que les Palestiniens importent des marchandises en se servant de cette aide étrangère, ils ne peuvent que les acheter à des entreprises israéliennes ou des entreprises internationales et payer les taxes douanières au gouvernement israélien (à noter que 73% de l’ensemble des importations vers les TPO viennent d’Israël). Même si des marchandises sont disponibles en Jordanie ou en Egypte à des prix plus réduits, les obstacles administratifs pour importer ces marchandises et leurs frais de douanes obligent les Palestiniens à acheter les produits israéliens plus chers.

En même temps, Israël garde tout contrôle sur l’approvisionnement en services des TPO (en eau, électricité et téléphone) et, dans la seule année 2004, il a confisqué 15,8 millions US$ d’aides envoyées aux TPO pour se payer des factures dues par les municipalités palestiniennes. Un récent rapport démontre qu’Israël impose des prix exorbitants pour ces fournitures ; en dépit des faibles revenus des Palestiniens, ceux-ci paient en réalité l’électricité plus cher que les Israéliens.

L’aide étrangère aux TPO ne fait alors que perpétuer une situation où les Palestiniens constituent une nation de consommateurs, sans moyens de production ni possibilités de concurrencer l’économie israélienne. Le gouvernement d’Israël et diverses entreprises israéliennes récoltent les profits pendant que la communauté internationale paie la facture. Les besoins désespérés des Palestiniens deviennent un levier pour accroître la prospérité de leur occupant.

En outre, l’aide humanitaire étrangère aux TPO soulage temporairement Israël de ses responsabilités dans la destruction de l’économie palestinienne, l’aide lui permet de continuer ses agressions dans les Territoires sans avoir à répondre devant la communauté internationale de la catastrophe humanitaire ainsi provoquée.

Malgré les profits économiques que déjà il en tire, Israël intervient aussi sur la fourniture de l’aide humanitaire aux Palestiniens. Cette interférence est si grande que les agents des Nations unies s’en sont plaints : « Nous ne connaissons pas d’autre conflit dans le monde où nous avons ces problèmes - même au Kosovo. ». L’UNSCO (Bureau du coordonnateur spécial des Nations Unies) argue qu’alors qu’une aide importante est actuellement indispensable, les bouclages - qui accroissent les privations et rendent l’aide encore plus nécessaire - en réduisent l’efficacité en bloquant l’accès vers ceux qui sont dans le besoin. Les obstacles que placent les autorités israéliennes devant l’octroi de l’assistance humanitaire prouvent que cette aide internationale donne aussi en réalité quelque pouvoir aux Palestiniens et qu’elle est une menace pour le contrôle israélien sur les TPO, même si, en même temps, elle le perpétue. Mais tandis qu’Israël accumule les difficultés pour couper les Palestiniens des aides et vice-versa, ce pays se donne l’image, devant la communauté internationale, d’un acteur tout à fait inconditionnellement favorable à l’aide humanitaire.

Début 2004, le ministre de la Défense israélien a tenu une réunion avec les représentants des pays donateurs et les organisations internationales qui interviennent dans les TPO, et leur a demandé de regrouper et augmenter leurs dons pour empêcher l’effondrement total de l’Autorité palestinienne. Il leur a demandé de ne pas abandonner les Territoires palestiniens occupés maintenant, parce que « Nous ne pouvons pas nous fermer les yeux devant la détérioration de l’Autorité palestinienne, elle pourrait avoir comme conséquence sa désintégration et celle de ses institutions, et minerait les chances de la paix. »

Ce ton a changé après l’élection du Hamas au gouvernement de l’Autorité palestinienne, Israël a appelé aussitôt à des sanctions internationales contre le gouvernement palestinien élu démocratiquement. Peu de semaines après, il était clair que les sanctions agissaient trop efficacement et Israël s’est trouvé lui-même obligé de restituer sans tarder une aide aux Palestiniens, afin d’éviter une catastrophe humanitaire dans une population qui se trouve sous sa responsabilité, mais sans vraiment la payer lui-même.

2 - Les conséquences sur l’économie palestinienne

En dépit de tout ce qui précède cependant, l’économie israélienne, dans son ensemble, ne fait pas de bénéfice avec l’occupation. Les Israéliens paient (même en tenant compte des diverses formes de revenus tirés de l’occupation) environ 9 milliards US$ par an pour conserver leurs colonies et le contrôle de l’armée israélienne sur les Palestiniens. L’économie israélienne éprouve de grandes difficultés à cause de telles dépenses sur une longue période. Seule, une poignée de marchands d’armes, de spéculateurs immobiliers et d’entreprises de construction, ainsi que les colons eux-mêmes, retirent des bénéfices économiques de l’occupation.

La situation de l’économie palestinienne est bien pire et elle tend constamment vers plus de détérioration. Les dons internationaux pendant les années 1990, prévus pour stimuler le développement d’une économie palestinienne indépendante, ont été neutralisés par les mesures israéliennes avec, pour résultat, l’absence de tout réel développement. Les donateurs cependant exigent toujours la restitution au gouvernement israélien des investissements ainsi gaspillés, de sorte qu’Israël subit les conséquences de ses interférences.

Cependant, comme l’économie palestinienne n’a aucun moyen de se développer ni d’arriver à son indépendance, et comme le coût de l’occupation continue de peser lourd sur l’économie israélienne, nous commençons à sentir une nouvelle tendance dans la structure économique de l’occupation.

Il s’avère que les perspectives pour un Etat palestinien indépendant, économiquement parlant, s’estompent de plus en plus. Dans le même temps, il apparaît de plus en plus difficile pour l’économie israélienne d’assurer l’évacuation totale des colons de Cisjordanie, pourtant exigée par le droit international.

Une orientation nouvelle (d’après les derniers sondages) reçoit progressivement la faveur de la population palestinienne en revenant à l’idée d’une solution à un Etat. Une solution qui inclura évidemment l’entière application du droit au retour des réfugiés palestiniens, une totale citoyenneté pour tous ceux qui vivent en Palestine et l’indemnisation des Palestiniens dont les terres ont été confisquées.

La responsabilité d’Israël dans le bien-être des Palestiniens n’est pas réduite du fait du mépris qu’il porte pour leurs vies, la dette d’Israël à l’égard des Palestiniens grossit jour après jour. Elle ne pourra être acquittée totalement qu’une fois que l’occupation aura cessé.

6 février 2007 - Alternative Information Center (AIC)http://www.alternativenews.org/engl...
Version française sur Protection-Palestine - Trad. : JPP


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