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Au-delà de l’antagonisme entre factions

mercredi 7 février 2007 - 06h:32

Rami Bathish

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De jeunes Palestiniens manifestent dans Gaza à l’initiative du “mini-parlement Palestinien” contre les combats internes - Photo : AFP/Said Khatib

Après des affrontements parmi les plus sanglants de l’année entre partisans du Hamas et du Fatah dans la bande de Gaza au cours desquels 25 personnes ont été tuées et 250 blessées la semaine dernière, les perspectives d’une trêve durable dans les territoires palestiniens semblent plus éloignées que jamais.

La menace d’une guerre civile n’est plus considérée comme un cauchemar, mais bien comme une réalité quotidienne dans laquelle tous les Palestiniens sont plongés.

Malgré des appels répétés au calme lancés par les dirigeants politiques des deux factions, la violence continue à sévir dans les rues de Gaza et la chaîne de commandement est souvent brisée au déclenchement du moindre incident.

Une fois encore, les hauts dirigeants du Hamas et du Fatah se sont mis d’accord pour renouveler la trêve, et demain le Président Mahmoud Abbas doit rencontrer le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mash’al, en Arabie saoudite en vue de la conclusion d’un accord sur la formation d’un gouvernement palestinien d’unité nationale. Toutefois, sur le terrain, dans les rues de Gaza, c’est l’instabilité qui règne et les affrontements continus menacent de façon presque inévitable.

Ce honteux conflit interne a indubitablement des causes sous-jacentes dont la moindre n’est pas l’évolution du paradigme paradoxal de la politique palestinienne depuis l’accession du Hamas au pouvoir en janvier 2006 et l’effet de choc qui en a résulté sur les plans tant intérieur qu’extérieur. Toutefois, l’intensité et la concentration des affrontements factionnels entre les deux géants de la Palestine dans la bande de Gaza, qui ont été endigués dans une grande mesure dans la Rive occidentale, appellent une évaluation plus profonde de la composition sociale, culturelle, politique et économique de Gaza.

Pendant toute l’occupation israélienne des territoires palestiniens (depuis 1967), la bande de Gaza est devenue, beaucoup plus que la Rive occidentale, une entité sociopolitique dans laquelle l’absence de sécurité individuelle et commune a substitué à un ordre social habituellement assuré par l’Etat ou l’administration une alternative dominante, celle de la famille, du voisinage, du clan , voire des forces de sécurité, qui sont devenues de plus en plus un refuge pour les gens de Gaza et par conséquent les protecteurs auxquels ils vouent leur loyauté.

Ajoutée aux assauts incessants de l’armée israélienne et à un blocus étouffant, la désastreuse situation économique dans la bande Gaza, particulièrement depuis les deux dernières années, a entraîné l’effondrement quasi-total de la sécurité de base ; le taux de chômage galopant a déjà dépassé les 42 pour cent, 79 pour cent de la population de Gaza vit aujourd’hui sous le seuil de pauvreté (deux dollars US par jour) et les pénuries prolongées de carburant, de médicaments, de nourriture et d’autres denrées essentielles ont provoqué des appels répétés même de la part de la communauté internationale (qui est en partie responsable du boycott économique du gouvernement palestinien) pour le retournement d’une situation qui est de toute évidence devenue un désastre humanitaire.

Au bout du compte, la désintégration sociale et économique de la bande de Gaza a amené le repli communautariste de ses habitants ; ce n’est plus du système de gouvernance collectif (en voie de désintégration) qu’ils peuvent dépendre, mais de leurs propres instincts et ordres tribaux, encore que cela se fasse aux dépens du renforcement de la cohésion sociale et de l’unité nationale.

La composition, le poids et la position des forces de sécurité palestiniennes parmi la communauté locale de la bande de Gaza revêtent une importance particulière. Depuis la création de l’Autorité palestinienne en 1994, Gaza est devenue la base du pouvoir de l’appareil sécuritaire de l’OLP. Conséquence de dizaines d’années d’exil, les chefs de file de la sécurité palestinienne ont pu exploiter le climat accueillant de Gaza sans être soumis à quelque contrôle que ce soit et sans avoir à rendre de comptes.
Il s’ensuit que les forces militaristes ont pu mobiliser l’appui de la population aux services de sécurité en tant qu’entités politiques en soi, sur la base des tendances sociales existantes mentionnées ci-dessus. En d’autres termes, le terrain de Gaza était mûr pour une large mobilisation publique en faveur des services de sécurité ; des familles entières étaient étiquetées « pro » ou « anti » un certain jihaz (force de sécurité en arabe) tandis que des clans, de façon indirecte, et souvent ouverte, témoignaient leur loyauté à certaines forces de sécurité.

En fait, cela signifie qu’en période d’hostilité accrue, ces masses de la population sont devenues directement impliquées et ne se sont pas bornées à un rôle d’observateur. En fin de compte, cette équation explosive est devenue encore plus instable uniquement du fait de la création de la Force exécutive dans la bande de Gaza l’année dernière ; la force de sécurité de plus de 5000 membres du ministère palestinien de l’intérieur dirigé par le Hamas, créée en contradiction avec la loi fondamentale de la Palestine a fragilisé l’appareil sécuritaire existant dirigé par le Fatah.

Il n’est donc pas surprenant que le conflit politique direct entre le Fatah et le Hamas se soit rapidement traduit par des affrontements militaires à l’intérieur de la bande de Gaza. Ce n’est que la conséquence naturelle de la composition de l’ordre social apparemment antagoniste de Gaza.

L’ironie veut que les Palestiniens ont constamment plaidé en faveur de l’unité et de la compatibilité entre la Rive occidentale et la bande de Gaza à tous les niveaux (social, politique et économique) afin de contrecarrer les tentatives israéliennes visant à fragmenter complètement la société palestinienne. La société civile a évolué la main dans la main dans les deux régions, et pourtant, en dépit de tous ses efforts et de son engagement, elle n’a pas pu surmonter le fort sentiment de « microcommunitarisme » qui règne dans la bande de Gaza.

Alors que du fait de notre courte vue et de notre insuffisance Gaza est enterrée vivante , et avec elle, nos aspirations nationales de libération et d’indépendance , nous sommes saisis d’un vrai dilemme : si les luttes intestines devaient finir par infecter la Rive occidentale nous aurions effectivement réalisé une entité sociale et politique harmonieuse, bien qu’empoisonnée, entre les territoire palestiniens occupés, mais si la catastrophe reste confinée à la bande de Gaza, il est bien probable que nos problèmes déraperont dans le tribalisme.

Rami Batish est le directeur du Programme media et information à l’Initiative palestinienne pour la promotion d’un dialogue global et de la démocratie (MIFTAH). Adresse de son courriel : mip@miftah.org

5 février 2007 - Miftah - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Traduction : AMG [Info-Palestine.net]


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