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Palestine : vie quotidienne et économie

mardi 6 février 2007 - 05h:52

A contresens (Unda)

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Depuis la création d’Israël en 1949, le Proche-Orient est devenue une zone de conflit majeur. Depuis septembre 2000 se déroule dans l’Etat d’Israël et les territoires occupés la 2ème intifada. Depuis bientôt un mois l’opération israélienne "Remparts" attise les réactions partout dans le monde.

J’ai décidé de faire ce contrepoint afin de mettre au clair beaucoup de choses. Je ne vais y décrire aucun aspect politique mais exposer la réalité de la vie quotidienne et de l’économie dans ce qui devra bien un jour devenir l’Etat Palestinien.

Pour commencer, il faut mettre au clair deux choses : ce qu’est la Palestine et ce qu’est une colonie.

Qu’est-ce que la Palestine ?

La Palestine est le nom d’un territoire de 27.000 Km² qui couvre aujourd’hui l’Etat d’Israël et les territoires palestiniens occupés en 1967.. Après la montée en puissance du sionisme, la seconde guerre mondiale et de multiples impairs de l’occupant britannique, ce territoire a été "partagé" en 1947 par la jeune organisation des Nations Unies.

La population arabe qui représentait alors 69% de la population et était propriétaire de 93% des terres s’est vue attribuer 45% du territoire tandis que les communautés juives nouvellement arrivées (31% de la population installée sur 7% du territoire) s’est vue attribuer 55% des terres (les plus fertiles, avec un large accès à la mer), afin qu’elles réalisent leur rêve de constitution d’un Etat national juif. Les Arabes ont refusé cette partition. Israël a alors proclamé son Etat sur un territoire non défini mais la guerre qui a suivi lui a permis de s’approprier près de 78% du territoire de la Palestine historique. Ce territoire fut vidé de 85% de sa population (en 1948, 800.000 arabes ont été soit tués, soit expulsés ou ont fui vers les territoires voisins). Les nouveaux migrants ont été installés dans les propriétés palestiniennes quand le site n’a pas été rasé, reconstruit immédiatement ou recouvert d’arbres pour rendre le retour des populations locales impossible... On estime à plus de 450 le nombre de villes et villages ainsi disparus.

A l’issue de la guerre, en 1949, la Cisjordanie (inclus Jérusalem Est) et la bande de Gaza ont été placées respectivement sous tutelle jordanienne et égyptienne. Quand ces deux pays perdent l’offensive de 1967, les Israéliens occupent le reste de la Palestine. Le processus de "reconquête" est relancé par l’installation de colonies de peuplement, protégées par le pouvoir militaire et financées par le gouvernement central israélien un peu partout en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette colonisation s’est fortement accélérée au lendemain de la signature des accords d’Oslo en 1993. Un effort particulier a été déployé pour encercler Jérusalem Est et l’isoler des territoires palestiniens.

Qu’est ce qu’une colonie de peuplement ?

Une colonie naît de la volonté de quelques émigrants encouragés par l’Etat hébreux à aller s’installer en Cisjordanie sur les terres non habitées confisquées en 1967 (les fameuses "terres d’Etat", entendu par extension comme terres de l’Etat d’Israël). Généralement, ils installent un mirador en haut d’une colline, deux ou trois maisons en préfabriqué qu’ils entourent d’un grillage barbelé. Un périmètre est défini sur le cadastre détenu par l’administration israélienne. La compagnie israélienne de distribution d’eau appuyée par l’armée va chercher l’eau dans la vallée en confisquant un puits qu’elle creuse plus profondément et qu’elle protège. L’eau remonte vers l’implantation grâce à une pompe et des pipelines, et la vie s’organise.

Pour encourager la colonisation, le Gouvernement israélien prête à taux 0 les crédits nécessaires à la construction des logements, encourage les enseignants à aller y former les jeunes enfants, subventionne les producteurs agricoles et l’implantation de fabriques. Pour que les colons puissent vendre leurs produits, l’administration non seulement protège leur acheminement vers les marchés palestiniens voisins et le territoire israélien mais empêchent les productions palestiniennes potentiellement concurrentes de circuler normalement. Pour relier ces véritables petites villes entre elles puis au territoire d’Israël, les militaires confisquent les terres, arrachent les cultures et démolissent les maisons des Palestiniens qui se trouvent sur le passage des routes dites de sécurité, mises à la disposition des seuls Israéliens.

Les conséquences d’Oslo sur les territoires palestiniens aujourd’hui

Suite aux accords d’Oslo et aux différents redéploiements israéliens, les territoires palestiniens actuels (22% de la Palestine historique) ont été découpés en 227 petits îlots séparés les uns des autres par des routes ou des postes de sécurité israéliens. Ces morceaux de territoire sont soit sous l’administration de l’Autorité palestinienne (zone A, qui ne représente que 4% du total), soit sous administration civile palestinienne et administration militaire israélienne (zone B, 22%). Ces zones A et B sont enclavées dans une zone C, totalement sous contrôle israélien, qui représente encore 74% de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Les colonies surplombant les villes et les villages palestiniens plus ou moins autonomes prennent de l’ampleur et la vie des Palestiniens y est régie comme avant "Oslo".

Gaza est tout à fait isolé (le passage protégé pour s’y rendre n’étant accessible qu’à une faible minorité de Palestiniens). Jérusalem est en outre interdit d’accès depuis 1993 à tout Palestinien qui ne détient pas une carte d’identité jérusalémite délivrée par Israël. Le blocus de la capitale économique palestinienne coupe la Cisjordanie en deux. Le Nord et le Sud ne sont plus reliés que par "la vallée de la mort", nom donné à une route sinueuse et montagneuse reliant Ramallah à Bethléem où deux camions peuvent à peine se croiser. Aux heures de pointe, il faut ainsi plus de deux heures pour faire un trajet qui avant 1993 ne prenait que 30 minutes.

Ces morceaux de territoire n’ont en outre aucun accès extérieur à Israël, ce qui permet à ce dernier d’exercer un contrôle total sur toutes les frontières et les déplacements des Palestiniens vers l’étranger : le nouvel aéroport de Gaza n’échappe pas à la règle...

Conséquences sur la vie quotidienne des populations

Aujourd’hui les terres continuent d’être confisquées et l’eau d’être détournée.

Le quadrillage du territoire a des conséquences graves sur la vie quotidienne des Palestiniens. Le secteur agricole a été fortement touché et de plus en plus d’exploitants quittent les terres qui leur restent faute d’eau, de possibilités d’acquérir des semences résistantes, de commercialiser à bon prix leurs produits en Palestine ou à l’étranger. Selon Amnesty International, de 1967 à 1991, 60% des terres de Cisjordanie ont été confisquées aux Palestiniens. La construction de routes de contournement (routes qui évitent les villes et villages palestiniens et relient les colonies entre-elles) et la poursuite de l’entreprise de colonisation malgré les accords a fait monté ce chiffre à 73% en 1998. Les effets les plus immédiats de ces confiscations sont les pertes de ressources agricoles essentielles et une réelle menace pour la survie des familles rurales concernées.

L’eau est rare et chère, les Israéliens détournant à leur profit et celui des colons près de 85% des ressources aquifères palestiniennes. Aujourd’hui encore, les exploitants agricoles doivent demander l’autorisation d’importer des plants, des graines, des tracteurs, des outils etc, s’ils sont en provenance d’autres pays. Si l’administration israélienne estime que le même produit peut être acheté à une firme israélienne, l’autorisation n’est pas accordée.

Si elle l’est, le produit arrive alors dans l’un des ports ou aéroport israéliens ; il faut alors au Palestinien un permis de circuler en Israël pour réceptionner sa marchandise. Un permis de circuler doit aujourd’hui être demandé à l’autorité palestinienne qui s’adresse à son tour à l’autorité israélienne. Il n’est accordé que pour un voyage. Si l’administration portuaire n’a pas dédouané la marchandise, pour une raison ou une autre, le Palestinien devra réitérer sa demande. Ainsi, il est souvent plus facile, bien que beaucoup plus cher, de passer par des agences de "clearing" et de transport israéliens. L’économie palestinienne se voit ainsi non seulement privée d’un ensemble d’activités importantes et lucratives mais aussi du contrôle des différentes étapes de son activité.

Il en va de même pour la vente de leurs produits. Un agriculteur ou une coopérative qui souhaite vendre ses produits à l’étranger doit en avoir l’autorisation puis avoir un permis de transporter et de livrer sa marchandise à une société israélienne (les palestiniennes n’existant pas encore) qui la stockera, plus ou moins au frais, et s’occupera de toutes les formalités administratives. Les produits palestiniens peuvent rester bloqués plusieurs semaines dans les ports israéliens pour "raisons de sécurité". Ces pratiques ajoutent un coût considérable aux produits palestiniens et affaiblissent leur compétitivité sur nos marchés par rapport aux produits israéliens mais aussi aux produits des autres pays du pourtour méditerranéen.

L’économie

L’administration d’occupation a organisé le siège de l’économie palestinienne au bénéfice des colonies et d’Israël.

Pour permettre l’implantation des colonies, Israël a non seulement utilisé toutes les possibilités politiques de faire taire le peuple occupé (prisons, tortures, humiliations etc..) mais a déployé dès le départ un ensemble de mesures discriminatoires visant à détruire l’autonomie de la société et de l’économie palestiniennes.

Par la force et par un ensemble d’ordonnances délivrées par l’autorité militaire puis civile d’occupation, on a confisqué les terres nécessaires au plan d’aménagement des colonies, les principaux puits, empêché les Palestiniens d’en forer de nouveaux ou de plus profonds ou de les entretenir. Les systèmes d’irrigation se sont trouvés asséchés et l’agriculture palestinienne a décliné, laissant inoccupée une grande partie d’une population majoritairement rurale. On a fermé les banques locales pour implanter des succursales de banques israéliennes. Aucun crédit, aucune autorisation, aucun permis n’a été délivré pour la construction ou l’agrandissement d’une usine ou d’un atelier.

Les Palestiniens étaient tenus de se fournir auprès des opérateurs israéliens. Les territoires sont vite devenus des débouchés importants pour ces derniers et les colons des alentours. Le secteur du tourisme palestinien a lui aussi été très fortement touché par l’absence d’autorisation : pas une licence de guide n’a été octroyée à un agent palestinien, pas une agence n’a pu être créée ni un hôtel construit pendant plus de 35 ans. Dès que la population palestinienne proteste sous une forme ou sous une autre, l’autorité d’occupation n’hésite pas à couper l’eau ou l’électricité des villages récalcitrants des semaines durant.

Les Palestiniens ont donc cherché à s’employer chez leurs voisins arabes mais aussi en Israël où l’activité économique était florissante. Pour nourrir sa famille, un agriculteur palestinien ainsi désoeuvré se verra souvent obligé d’aller construire les maisons des colons voisins, qui vont au fil des années user et abuser de cette main d’oeuvre peu chère et asservie. Certains entrepreneurs palestiniens n’hésiteront pas longtemps à trouver des compromis avec l’occupant en développant des industries de sous-traitance pour les firmes israéliennes.

Ainsi en 30 ans, Israël aura rendu l’économie palestinienne tout à fait captive en la centrant exclusivement sur ses besoins et ceux des colonies.

Malgré les apparences, "Oslo" n’a rien changé à la mainmise israélienne sur la population palestinienne. Le découpage territorial, les accords économiques négociés à Paris et la politique de "sécurité israélienne" ne font qu’entretenir une dépendance économique quasi irréversible. Les modalités de l’activité économique en Palestine et de ses "échanges avec Israël" privent les producteurs de terres fertiles, d’eau, de possibilités d’investir dans le packaging et la réfrigération, enfin du contrôle de leurs marchés intérieurs et extérieurs.


Les conséquences économiques d’Oslo

Suite aux différents redéploiements qui ont permis un meilleur "quadrillage" des régions occupées et après la signature des accords, les Israéliens, sous prétexte de garantir la sécurité d’Israël, ont pu boucler les territoires palestiniens pendant de nombreux jours, de façon totalement imprévisible. Ceci s’est avéré désastreux pour les activités palestiniennes, tant sociales, éducatives qu’économiques. Entre 1993 et 1996, on estime que ces bouclages ont fait perdre à l’économie palestinienne plus de 6 milliards de $, soit l’équivalent d’une année d’activité économique. Ces dernières années, ces bouclages ont été moins nombreux mais ont continué de perturber fortement les activités palestiniennes. Le niveau de vie réel palestinien a diminué façon drastique passant d’environ 1800 $ par habitant à 1400 en 1996. Aujourd’hui, c’est près du tiers de la population de Cisjordanie et la moitié de celle de Gaza qui vit en dessous du seuil de pauvreté.

L’eau reste aux mains des Israéliens

Alors que la contribution des ressources palestiniennes au système aquifère de la Palestine historique (Israël et les territoires occupés) est de l’ordre de 47 %, la population palestinienne n’a accès qu’à 14% de l’eau disponible. Les nappes souterraines de Cisjordanie et de Gaza fournissent 724 millions de m³ (mm³) par an, mais les Palestiniens n’ont accès qu’à 257 mm³. En surface, les deux tiers des eaux provenant de la vallée du Jourdain (1300-1500 millions de m³ par an) sont utilisées par Israël et ce qui arrive dans les territoires palestiniens est impropre à la consommation (on y mesure un taux de chlore supérieur à 8000mg/l).

La distribution de cette eau dans les territoires est assurée par Mokerot, une compagnie israélienne. Cette compagnie privilégie les colons dans les territoires tant par les volumes d’eau distribués que par les prix pratiqués. On estime qu’en 1996, la consommation annuelle d’un colon s’élevait à 380 m³ en Cisjordanie contre 84 m³ pour un Palestinien de la même région et 357 m³ pour un Israélien. Cette même année, le prix facturé aux colons pour usage domestique était de 0,7$ le m³, de 0,16$ pour l’irrigation. Les Palestiniens doivent payer un prix unique de 1,3$ le m³.

Le problème de pénurie d’eau se double en effet d’une pollution aggravée. De nombreuses rivières palestiniennes et leurs eaux souterraines ont été polluées en amont par des décharges, des pesticides et engrais ou des activités industrielles israéliennes trop polluantes pour les standards israéliens et qui de ce fait se sont implantées en territoire palestinien. Gaza est selon la Banque mondiale un des cas les plus graves au monde : les productions agricoles y sont arrosées à l’eau de mer depuis quelques années déjà sans qu’aucun règlement israélo-palestinien n’ait été trouvé. Malgré toutes les conventions internationales (4ième convention de Genève notamment et l’accord d’Oslo II), les concessions d’Israël aujourd’hui se limitent à des rencontres multilatérales avec "échanges" d’information et de statistiques et l’encouragement fait aux Occidentaux de construire des usines de désalinisation ou de "dépollution" israélo-palestiniennes.

Conclusion

Les accords d’Oslo signés en 1993 ont fait croire au monde entier que la situation des Palestiniens allait s’arranger bientôt et que ce peuple serait de l’occupation israélienne dans des délais très courts. En fait, la situation n’a fait que se dégrader depuis. Les déclarations politiques internationales cependant se sont multipliées et l’UE s’apprête à reconnaître l’Etat palestinien dès qu’il sera proclamé. Mais de quel Etat s’agira-t-il ?

Il faut réaffirmer notre attachement aux différentes résolutions de l’ONU et défendre le droit inaliénable du peuple palestinien à un Etat viable. Il faut agir pour soutenir son développement économique, en consommant palestinien mais aussi en refusant que puissent être importés sur nos marchés des produits des colonies de peuplement, sous les conditions préférentielles accordées à Israël.

L’existence des colonies représente non seulement une violation grave du droit international. C’est aussi une menace économique pour l’avenir de l’ Etat Palestinien à naître. Les mesures prises par l’occupant pour les encourager et les protéger, ainsi que le réseau qu’elles dessinent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, empêchent toute vie et toute activité économique "normales" pour les Palestiniens. Ces entités implantées illégalement dans les territoires palestiniens profitent en effet de larges subsides, des terres et de l’eau confisquées à la population palestinienne pour produire et exporter des denrées qui font directement concurrence aux productions palestiniennes.

Il faut soutenir les Palestiniens face aux problèmes économiques qu’ils rencontrent du fait de la présence de colons sur leur territoire et de la politique d’Israël en matière de commerce extérieur, notamment avec l’Union Européenne. Pour soutenir leur développement économique concrètement, nous pouvons repérer et dénoncer l’importation illégale des produits issus des colonies et protester auprès de nos autorités quand elles bénéficient d’avantages commerciaux au titre de l’accord UE-Israël.

20 avril 2002 - A contresens - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.acontresens.com/contrepo...


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