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Le substitut à la souveraineté selon Netanyahou

mercredi 29 juillet 2009 - 06h:07

Jonathan Cook - The National

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« Si Netanyahou pense que nous nous satisferons de quelques clients israéliens en plus, il se trompe »... « Nos droits en tant que nation sont plus importants pour moi que vendre quelques melons supplémentaires. ».

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Naguère connue comme la Ville des Martyrs, Jénine fut le siège
d’une violente bataille en 2002.




Jénine - La réalité des promesses de « paix économique » pour les Palestiniens faites par le Premier ministre Benjamin Netanyahou fait l’objet d’un examen très attentif à Jénine, ville du nord de la Cisjordanie agressivement poussée au rang de modèle potentiel de coopération avec Israël.

Naguère connue comme la Ville des Martyrs en raison du grand nombre de kamikazes envoyés en Israël, Jénine fut le siège d’une violente bataille en 2002 quand l’armée israélienne réoccupa la majeure partie de la Cisjordanie.

Les Israéliens ont du mal à oublier que c’est là qu’ils perdirent le plus de vies humaines dans un seul combat - 23 soldats tués en reprenant la ville. Les Palestiniens ont du mal à pardonner les bulldozers qui ont arasé le principal camp de réfugiés à Jénine, et le meurtre de 56 de ses habitants en quelques jours.

Mais aujourd’hui Jénine, première ville palestinienne à être enfermée derrière le mur de séparation, est célébrée - du moins par Israël - comme une expérience réussie dans le processus de paix.

Les combattants palestiniens qui naguère écumaient les rues sont partis, remplacés, le jour, par les forces de sécurité palestiniennes, armées légèrement et entraînées en Jordanie par le général étatsunien Keith Dayton.

Entre-temps les soldats israéliens ont libre accès à la ville entre minuit et l’aube bien qu’actuellement, disent les gens du cru, l’armée ne fait plus que rarement des incursions.

Pour M. Netanyahou, Jénine représente son meilleur espoir de persuader Washington qu’une « paix économique et diplomatique », comme il l’a évoqué lors du conseil de ministres de dimanche dernier, satisfera les Palestiniens davantage qu’un Etat souverain.

Le processus d’allègement des restrictions avait commencé avant l’entrée en fonctions de M. Netanyahou en mars dernier. L’année dernière Ehoud Barak, déjà ministre de la Défense, qualifiait Jénine de « grand succès », dans ce qui fut largement interprété comme un test de la disponibilité palestinienne à une souveraineté restreinte aux conditions israéliennes.

Les forces de sécurité palestiniennes ont été autorisées dans la ville depuis mai de l’an dernier. Depuis lors, Israël a ôté plusieurs des postes de contrôle qui coupaient Jénine du reste de la Cisjordanie, afin de stimuler le commerce.

La semaine dernière, Israël a élargi cette politique en annonçant que le Pont du Roi Hussein, seule connection des Palestiniens vers la Jordanie et le monde arabe, serait ouvert 24 heures sur 24.

En outre, le gouvernement israélien a approuvé la création d’un parc industriel financé par l’Allemagne près de Jénine, qui pourrait un jour fournir des milliers d’emplois. Quatre autres de ces parcs, tous financés par l’étranger, sont prévus dans d’autres villes de Cisjordanie, qui sont supposées suivre l’exemple de Jénine.

Et quelques centaines d’hommes de Jénine ont obtenu des permis de travailler en Israël, la plupart d’entre eux comme travailleurs manuels, tandis qu’une poignée d’entrepreneurs ont l’autorisation de faire des affaires avec Israël.

Mais l’effet le plus immédiat sur l’économie de Jénine - même s’il est relativement mineur - a été ressenti après la décision d’autoriser les citoyens palestiniens vivant en Israël de passer en Cisjordanie pour des séjours d’une journée.

Les estimations israéliennes suggèrent que le vendredi et le samedi, lorsque les villes juives sont fermées au commerce, des centaines de citoyens palestiniens d’Israël - ou Arabes israéliens comme le gouvernement les appelle - font le voyage via le point de passage de Jalame pour Jénine.

Néanmoins, les affaires ne sont pas à proprement parler florissantes, concède Khaled Rabaya, directeur des ventes de Herbawi, un grand magasin sur cinq niveaux ouvert en mai dans l’espoir d’une amélioration économique.

« Jénine ne suffoque plus comme avant, dit-il ; les choses s’améliorent lentement et nous espérons qu’elles iront de mieux en mieux ».

Mais même M. Rabaya doit admettre que le nombre de clients arpentant les rayons pleins de marchandises d’importation européennes, depuis les divans jusqu’aux assiettes, est moins important que celui des vendeurs.

A Jénine la plupart des habitants ne peuvent se permettre des achats de luxe, tandis que les citoyens palestiniens d’Israël, même s’ils sont attirés par des prix plus avantageux, sont soumis à des restrictions qui ne les autorisent à entrer qu’à pied.

Ali Kmaid, un chauffeur de taxi qui fait la navette des deux kilomètres de Jalame à Jénine avec des passagers arabes israéliens, dit que la ville espérait désespérément que le passage serait ouvert aux voitures à partir d’octobre, comme cela avait été promis.

Le changement le plus marquant à Jénine est le camp de réfugiés, qui n’est plus cet espace dévasté d’il y a quelques années. Il a été reconstruit avec des fonds du Golfe, même si l’armée israélienne a imposé des contraintes d’aménagement : les rues sont suffisamment larges pour permettre à un tank d’y circuler.

Si peu d’habitants de Jénine mettent en question les avantages financiers de la politique plus libérale d’Israël, ils croient généralement que la « paix économique » a été taillée sur mesure au profit d’Israël, à peu près de la même manière que la reconstruction du camp.

« Si Netanyahou pense que nous nous satisferons de quelques clients israéliens en plus, il se trompe » dit Mohammed Larool, vendeur de melons. « Nos droits en tant que nation sont plus importants pour moi que vendre quelques melons supplémentaires. ».

Khaled Hamour, 26 ans, qui gère le restaurant Mankal à Jénine, dit que la prospérité des affaires est ressentie comme très relative. «  Les choses ont été tellement désespérées ici qu’une toute petite amélioration est ressentie comme un grand changement ».

Mais « aussi longtemps que les colonies sont là, on tire sur nos fermiers et nous n’avons aucun contrôle sur nos frontières, la paix économique, c’est du vent ».

Shir Hever, un économiste israélien basé à Jérusalem dit qu’il est sceptique quant à l’ouverture annoncée d’un parc industriel à Jénine, doutant que les fruits de la paix économique soient autres que temporaires. « Netanyahou n’a pas de plan de paix à long terme, dit-il ; c’est une tactique dilatoire et une tentative d’améliorer l’image internationale d’Israël sans faire de concessions significatives ».

Il y a une décennie, le week-end, Jénine était pleine d’Arabes israéliens et de juifs. Mais les longues attentes, les contrôles de sécurité intrusifs et la nécessité de passer par d’interminables tourniquets métalliques - qui rappelaient un peu trop le traitement des travailleurs palestiniens les jours où ils pouvaient quitter Gaza - a pu décourager de nombreux citoyens palestiniens.

«  Israël escompte que les Palestiniens à l’intérieur d’Israël sont disposés à aider les Palestiniens des Territoires occupés » dit Tareq Shehadeh, un responsable du tourisme à Nazareth qui a été invité à Naplouse cette semaine pour donner une conférence sur la coopération à travers la Ligne Verte.

«  Mais ils n’iront pas en Cisjordanie s’ils sont traités comme des terroristes chaque fois qu’ils y vont ».

Samia Ziadat, du village arabe de Mqeibleh, attendait son tour de passer par les contrôles de sécurité avec ses cinq jeunes enfants, après une courte visite pour aller voir son mari malade à Jénine.

« Je n’ai pas d’autre choix que d’aller à Jénine, mais je serais surprise que quelqu’un soit disposé à subir cette humiliation à moins d’y être obligé ».



Jonathan Cook est écrivain et journaliste basé à Nazareth, Israël. Ses derniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books).

Son site : http://www.jkcook.net/

Du même auteur :

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- Des médecins israéliens accusés de violer l’éthique
- Torture : les Nations unies exigent d’accéder à la prison secrète d’Israël
- Israël "tabasse des enfants"
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15 juillet 2009 - Vous pouvez consulter cet article ici : http://www.jkcook.net/Articles2/040...
Traduction de l’anglais : Marie Meert


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