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Le bac ... mais pas de boulot

samedi 25 juillet 2009 - 06h:06

Bettina Marx - Generaldelegation Palaestinas

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Les Palestiniens de la Bande de Gaza sont enfermés depuis juin 2007 déjà, et beaucoup de jeunes n’ont jamais quitté la région : une sorte de prison sans travail, sans chances d’avenir. La seule porte sur le monde, c’est l’Internet. Bettina Marx décrit la vie de ces jeunes gens.

Matinée dans la Bande de Gaza. Beaucoup de trafic dans les rues. L’essence est bon marché car elle arrive en grandes quantités d’Egypte. Elle est livrée par les tunnels sous la frontière. On la pompe dans les camions-citernes comme à partir d’oléoducs.

Ce sont les vacances à Gaza. Les enfants jouent dans la rue ou ils vont dans les camps de vacances. Dans les camps d’été de l’UNWRA et du Hamas, on veille sur eux gratuitement. Mais pour les jeunes plus âgés, il n’y a aucune offre de loisirs, dit Moussa, âgé de 18 ans. « Il n’y a rien, pas de loisirs, pas de tourisme, pas de rivière, rien ».

Lui est ses camarades de classe passent leurs journées à rêvasser ou avec des amis. Ils viennent de passer leurs examens de fin d’études, à présent ils attendent les résultats. Que vont-ils faire après leurs examens, quand ils auront leur bac en poche ?

« J’aimerais étudier la médecine dentaire » dit Yahya, et son ami Mohammad déclare : « J’espère que j’aurai mon bac, ensuite je voudrais étudier le journalisme à l’étranger. Je veux essayer de décrocher une bourse. Mais si ça ne marche pas, alors je veux aller chez mon oncle, en Hongrie ».

Moussa voudrait devenir infirmier et Ashraf aimerait étudier le droit. Et Kamal ? «  Si j’obtiens de bonnes notes, j’aimerais étudier la littérature anglaise. Si je réussis à aller à l’étranger, tant mieux, sinon, ce sera à Gaza ».

Les perspectives d’avenir des jeunes gens sont sombres. Il n’y a pas de travail dans la Bande de Gaza et les nouveaux lycéens se pressent sans discontinuer à l’entrée des universités et sur le marché du travail. Même des diplômés bien formés ne trouvent pas de place. Beaucoup veulent quitter la Bande de Gaza pour continuer à se former ou tenter leur chance à l’étranger, comme Hicham. Il a bouclé sa formation de technicien en radiologie et travaille à présent au ministère de la Santé. Il espère obtenir une bourse pour l’Allemagne afin de pouvoir obtenir un diplôme supérieur. Jusqu’ici il n’a encore rien vu du monde. « Je n’ai jamais été à Jérusalem, je n’ai jamais quitté Gaza - jamais, toujours à Gaza ».

Le plus grand rêve de Hicham est de voyager un jour en Europe.

«  Je m’imagine, partant une semaine pour l’Europe et visitant peut-être la France. J’ai entendu dire qu’en Europe il n’y a pas de frontières. Avec une carte d’identité, on peut aller partout, dans chaque pays. Moi je ne peux même pas aller à Jérusalem ou à Bethléhem ou à Ramallah. C’est mon pays, mais je ne peux pas y aller, à cause des Israéliens et des frontières ».

L’Internet est la porte du monde pour Hicham. C’est ainsi qu’il a rencontré une jeune fille polonaise sur le Net, avec qui il chatte tous les jours. On échange des informations sur sa vie, la famille et la politique.

« Je me sers de l’Internet tous les jours, au moins six heures et plus. J’utilise Skype, Hotmail, Yahoo et je visite les sites d’actualités ».

Karim, le barbu du sud de la Bande de Gaza n’a pas le temps pour l’Internet. L’étudiant travaille jour et nuit. Il gère un tunnel, par lequel il importe des marchandises d’Egypte à Gaza.

« J’ai étudié la comptabilité à l’université. C’est dans ce domaine que je voulais travailler. Mais depuis que le Hamas contrôle Gaza, il n’y a plus de travail. J’aimerais achever l’université et me mettre à travailler pour construire mon avenir. Mais pour le moment, il n’y a pas d’autre boulot que celui-ci ».

A la frontière entre la Bande de Gaza et l’Egypte s’esquisse un paysage lunaire de bosses et de fosses. Partout, des générateurs tournent. Ils actionnent les treuils qui permettent de descendre les paniers dans les puits.

Karim aussi, qui ne veut pas dire son vrai nom, vient de faire descendre un panier en plastique vide. Il lance un ordre dans le puits et peu après le panier rempli de terre remonte. Ensuite Karim descend lui-même. Il descend à 14 m le long du bois qui étaie le puits. Le tunnel fait 300 m de longueur. C’est l’un de ces couloirs souterrains, qu’on évalue à un millier, par lesquels la Bande de Gaza se fournit en marchandises. Pour les exploitants des tunnels, c’est un commerce lucratif mais bien risqué. Beaucoup ont été tués sous la terre, écrasés et étouffés sous des tonnes de sable. Mais Karim n’a pas le choix.

« J’aide ma famille avec mon travail. Je sais que ce n’est pas mon avenir, mais je veux travailler et il n’y a pas d’autre travail ».

Le soir, dans la vaste demeure à la décoration moderne de Sami Abdel Shafi. Il a 40 ans et a étudié et travaillé aux Etats-Unis. En 2003, il a renoncé à une carrière réussie dans la Silicon Valley et est revenu à Gaza pour collaborer à la création d’une société moderne. Des regrets ?

« Sur le plan personnel, je l’ai un peu regretté, pour être sincère. Mais d’un point de vue professionnel et national, je ne le regrette pas. Et je n’ai pas l’intention de quitter la Bande de Gaza. Si je pars, ce sera à mes propres conditions. Je ne voudrais pas être chassé d’ici ».

Abdel Shafi, qui travaille à Gaza pour la Fondation Carter et comme conseiller politique et d’entreprise, voir l’avenir de la Bande de Gaza sous des couleurs sombres.

«  La Bande de Gaza aura une population qui vit totalement dans une petite bulle, une bulle malsaine. Nous avons déjà maintenant les symptômes d’une mentalité de prisonniers, car les gens ici sont complètement enfermés comme dans une prison ».

Plus de la moitié de la population de la Bande de Gaza a moins de 18 ans. Cette jeune génération est totalement coupée du reste du monde. Elle vit dans une pauvreté accablante, sous la domination de plus en pus intolérante et obstinée du Hamas, et sans perspectives de formation, de travail et de liberté. L’avenir pour ces jeunes gens, comme le dit Sami Abdel Shafi, est bien sombre.

Source : Deutsche Welle, 11 juillet 2009 - Vous pouvez consulter cet article ici : http://www.palaestina.org/news/beit... - Traduction de l’allemand : Marie Meert


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