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L’opinion publique, la classe politique israélienne et le discours de Binyamin Netanyahou

mardi 23 juin 2009 - 10h:38

Jean-Yves Camus - IRIS

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Sans surprise aucune, le discours prononcé par le Premier ministre israélien le 14 Juin, et par lequel il acceptait l’idée de la création d’un Etat palestinien démilitarisé, a été bien accueilli à gauche comme au centre-droit et largement critiqué à l’ultra-droite.

Selon les différents sondages, entre 61% et 71% des citoyens en ont approuvé la teneur, et les réactions dans la classe politique ont suivi les lignes de fracture énoncées précédemment. La principale difficulté, pour Binyamin Netanyahou, consistait à convaincre son propre camp. Pour preuve, le lieu symboliquement choisi pour prononcer cette allocution : le Centre Begin-Sadate de l’université de Bar-Ilan, haut-lieu de l’intelligentsia sioniste-religieuse, un segment de la société très opposé à toute concession territoriale aux palestiniens.

Le premier à s’être félicité du contenu de ce discours a été le président Shimon Pérès, homme de gauche depuis longtemps rallié au centre-droit et qui a estimé que les propositions de Netanyahou étaient une porte ouverte « à des pourparlers directs menant à une paix régionale et à une paix bilatérale avec les palestiniens ». Du côté de Kadima, la réaction a été un peu moins enthousiaste, le parti de Tsipi Livni mettant en doute, non pas le plan du Premier ministre, mais la sincérité de sa résolution à le mettre en pratique. Chez les travaillistes, le ministre de la Défense, Ehud Barak, a eu une réaction conforme à sa situation personnelle d’allié un peu contre nature du présent gouvernement : considérant le discours comme étant susceptible d’ouvrir « une vraie porte à des négociations sérieuses menées sur la base de deux Etats pour deux peuples », il a toutefois ajouté qu’il aurait pour sa part « tenu des propos plus explicites encore », sans préciser si il pensait à la question du tracé des frontières, du statut de Jérusalem ou d’un autre sujet.

Ne désirant pas faire déjà exploser une coalition qui les a avantageusement servis, les deux partenaires du Likoud les plus hostiles aux concessions ont toutefois exprimé leur appui au Premier ministre. Ainsi, Avigdor Lieberman réussit à tourner dans son sens les propositions de Netanyahou en déclarant que celles-ci expriment «  à la fois le droit du peuple juif à un Etat juif et l’aspiration d’Israël à la paix ». Autrement dit, il évite soigneusement de prononcer le terme d’Etat palestinien dont il ne veut pas, tout en laissant une porte ouverte vers une politique massive d’échanges de territoires qui aboutirait à un transfert tout aussi massif des populations arabes hors de l’Etat hébreu, donc à une séparation totale et forcée des Juifs et des Arabes, ces derniers regroupés dans un Etat-croupion. Le ministre de l’Intérieur et leader du parti religieux Shass a lui employé des termes plus ouverts que ses déclarations de campagne électorale, en espérant que « le peuple palestinien renonce à la voie de la guerre et du terrorisme pour s’engager sur la voie de la paix », ce qui constitue une reconnaissance du fait national palestinien.

Bien davantage que de ses alliés minoritaires, Netanyahou doit faire face à une fronde des plus intransigeants de ses partisans. Le ministre sans portefeuille Benny Begin a expliqué que le discours contenait « certains éléments qui ne [lui] procurent aucun plaisir » et une partie des députés de base du Likoud, surtout ceux récemment élus comme Danny Danon et Tsipi Hotobelli, accusent le chef du gouvernement d’avoir cédé à la pression américaine en entamant une politique de concessions unilatérales dangereuse pour Israël. Au point que Danon parle « d’agir au sein du Likoud pour faire échouer le projet du Premier ministre de créer un Etat palestinien ». Une position pas très différente de celle des formations ultra-nationalistes comme Ha Bayit ha Yehoudi et Union Nationale, ce dernier, qui est en dehors de la coalition, affirmant même que Netanyahou avait « perdu la direction du camp national », mais aussi «  trahi ses promesses électorales et ses propres convictions ». Comme le Conseil des Implantations de Judée-Samarie, la droite du «  camp national » campe sur une position claire : pour des raisons religieuses pour les uns, purement sécuritaires ou nationalistes pour les autres, et un mélange des trois pour certains, il faudrait refuser l’idée même d’un peuple et d’un Etat palestinien, même démilitarisé.

Benyamin Netanyahou n’a pourtant pas trouvé grâce pour autant auprès des milieux de la gauche pacifiste, puisque Meretz voit en lui le «  champion du refus de la paix », un avis plus tranché encore que celui du député Ahmed Tibi ( du parti Raam-Taal), qui a fustigé la «  rigidité intellectuelle » ayant conduit à la proposition d’un «  Etat palestinien sans souveraineté ».

Au total, dans la classe politique comme dans l’opinion israélienne, plane l’ombre d’un grand absent : Ariel Sharon. Car, faute d’un véritable parti de gauche à vocation majoritaire, c’est aujourd’hui à droite et au centre-droit qu’il faudrait trouver l’homme ou la femme politique ayant la stature nécessaire pour opérer des compromis décisifs, allant dans le sens des souhaits de la nouvelle administration américaine. Or cette personnalité ne peut être Netanyahou. En effet celui-ci, par son passé familial lié à l’histoire du sionisme révisionniste, par sa conviction que le maître-mot est de gagner du temps sur la longue période, en feignant de céder pour mieux continuer le processus d’extension des implantations, est en fait revenu en arrière par rapport à l’époque Sharon, puisqu’un Etat démilitarisé, donc privé d’un attribut essentiel de souveraineté, n’est pas un Etat. Pas plus qu’un Etat sans frontières définies ni capitale n’est un Etat. L’élément le plus préoccupant est qu’une grande majorité des citoyens israéliens ne comprenne pas l’impasse que constitue le plan Netanyahou.


Jean-Yves Camus est chercheur associé à l’IRIS

23 juin 2009 - IRIS


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