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Le 61e anniversaire de la Nakba

mercredi 3 juin 2009 - 06h:35

Khaled Amayreh

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Les fondateurs d’Israël pensaient que l’on oublierait la violence et le racisme dans lesquelles il avait été engendré, mais ce ne fut pas le cas et ce ne le sera jamais, écrit Khaled Amayreh depuis Jérusalem occupée.

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Commémoration de la Nakba dans les Territoires Palestiniens sous Occupation

Comme ils le font chaque année, les Palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem, de part et d’autre de la ligne verte qui les sépare d’Israël, ont commémoré les 61 années qui se sont écoulées depuis que des juifs sionistes, en provenance principalement de l’Europe de l’Est, ont créé l’État juif sur 78 % de la patrie palestinienne.

Lors de la commémoration de cette année, ils ont réaffirmé leur volonté de défendre le droit au retour des quelque cinq millions de Palestiniens réfugiés dont les parents ont été expulsés de leurs terres ancestrales et souvent massacrés lors de leur fuite.

Al-Ahram Weekly a parlé avec quelques vieux Palestiniens qui ont survécu à la Nakba, la « catastrophe », appelée à présent de plus en plus souvent « l’holocauste palestinien ».

Mohamed Abou Sharar, qui avait combattu avec l’armée égyptienne près du village de Falluja sous le commandement de Gamal Abdel Nasser, se souvient très bien du massacre de ses voisins d’Al-Dawayema, à quelques kilomètres au sud-ouest de Falluja.

« Les juifs tuaient tous ceux qu’ils voyaient ; ils ont fracassé le crâne des enfants, ouvert le ventre des femmes à la baïonnette. Ils ont même violé des femmes avant de les tuer » dit Abou Sharar, à présent âgé de 100 ans.

Il raconte en pleurant comment les soldats israéliens ont massacré sans pitié des douzaines de personnes en fuite qui s’étaient réfugiées dans une grotte près d’Al-Dawayema.

« Les juifs ont dit aux gens de sortir de la grotte et de commencer à marcher. Comme ceux-ci se mettaient en marche, ils les ont mitraillés des deux côtés et ils les ont tous tués. Une femme a survécu en faisant la morte ».

Le même sort a été réservé à quelque 75 Soufis âgés qui étaient venus à la mosquée locale, connue sous le nom de Masjid Al-Darawish. Un contingent de soldats israéliens était arrivé à la mosquée peu avant la prière du vendredi et les soldats ont ouvert un feu nourri sur les 75 fidèles. « Pas un n’en réchappa ».

Quand le Weekly a demandé au centenaire quel était son souhait après toutes ces années, il a répondu : « Mon souhait est toujours resté le même : je voudrais rentrer au village, y mourir et y être enterré ».

Quand on lui a demandé s’il accepterait un dédommagement pour les biens qu’il avait perdus dans le village d’Al-Dawayema, Abou Sharar a répondu : « ce n’est pas une affaire de biens et de dédommagement. C’est mon pays, mon histoire, ma maison, mes souvenirs d’enfance. Mon père est enterré là-bas de même que son père et son grand-père. Est-ce que vous échangeriez la tombe de votre père contre tout l’argent du monde ? ».

Cette dernière phrase irrite les Israéliens plus que tout. Bien sûr, en 1948, les Arabes et les juifs ont fait un mauvais calcul. Les Arabes n’ont jamais pu imaginer dans leurs pires cauchemars que les événements prendraient le tour qu’ils ont pris ; à savoir qu’Israël confisquerait le reste de la Palestine et que l’exil des réfugiés durerait aussi longtemps. De même, les dirigeants sionistes, aveuglés par leur arrogance et leur égocentrisme,n’ont jamais pensé que le sort des réfugiés en serait au même point 61 ans plus tard. Certains dirigeants israéliens pensaient : « les vieux mourront et les jeunes oublieront ».

Aujourd’hui, comme l’espoir d’une paix juste en Palestine s’évanouit, les Palestiniens sont plus décidés que jamais à s’accrocher à leur droit au retour qui se trouve au coeur même de leur cause. En outre, beaucoup de Palestiniens considèrent le droit au retour comme une valeur morale d’une importance immense et sacrée.

Il y a quelques années, spécialement pendant l’illusoire euphorie qui a baigné le « processus de paix » d’Oslo, certains membres de l’Organisation de libération de la Palestine se sont montrés disposés à accepter des compromis au sujet du droit au retour. En fait, certains responsables de l’autorité palestinienne (AP) sont allés jusqu’à signer des « arrangements » avec des représentants israéliens par lesquels ils reconnaissaient que les réfugiés ne seraient pas à même de retourner dans leur maison située dans l’actuel Israël, dans le contexte d’un règlement du statut final passé entre Israël et l’AP.

À présent, à cause de l’échec du processus de paix et de la forte position occupée par le Hamas sur la scène nationale palestinienne, aucun dirigeant ou officiel palestinien n’oserait suggérer qu’il est disposé à compromettre le droit au retour sous peine de commettre un suicide politique, tant pour lui-même que pour sa faction politique. Comme le droit au retour devient un élément saillant du discours national palestinien, certains dirigeants israéliens s’escriment à l’éliminer par la force.

La semaine dernière, Ysrael Beiteinu, parti extrémiste du ministre des affaires étrangères Avigdor Liebermann, a proposé d’interdire au 1,5 million de Palestiniens ayant la nationalité israélienne de commémorer la Nakba. Cette proposition a suscité la colère des dirigeants palestiniens à l’intérieur d’Israël, et le membre arabe de la Knesset, Ahmed Teibi, a parlé d’« une tentative pathétique de nier l’histoire ».

« Plutôt que de confronter les faits historiques, les fascistes en Israël essaient de les oblitérer à coups de législation. Qu’est-ce que ces gens ont comme mentalité ? Quel genre d’éducation ont-ils eue ? » a-t-il dit.

Un autre intellectuel palestinien, Jafar Farah, directeur de l’ONG Mosawa (qui signifie « égalité » en arabe) a dit qu’il ne serait pas surpris si le projet de loi était adopté vu le climat raciste régnant en Israël aujourd’hui. « Les efforts déployés actuellement par les extrémistes au gouvernement pour compliquer le conflit au Moyen-Orient par des confrontations au sein de notre communauté sont alarmants. Bientôt, il sera interdit en Israël de penser ou de sentir. Cela me rappelle le maccarthysme aux États-Unis. Il est temps de montrer aux dirigeants de l’extrême droite comment traiter les civils avec humanité ».

Ces dernières années, les gouvernements israéliens ont tenté, face à l’insistance palestinienne sur le droit au retour, d’exiger que les Palestiniens reconnaissent Israël comme un « État juif » et plus récemment comme « l’État des juifs ». Beaucoup d’intellectuels palestiniens considèrent ces troublantes exigences comme un simple euphémisme masquant les plans israéliens de procéder au nettoyage ethnique de l’importante minorité palestinienne en Israël.

Les officiels israéliens nient l’existence de tels projets en répétant la formule Israël est un État à la fois juif et démocratique. Toutefois, quand on insiste, tous les dirigeants israéliens, aussi bien de droite que de gauche, reconnaissent facilement que s’il devait y avoir un conflit sérieux entre les éléments « juifs » et « démocratiques » en Israël, l’élément « juif » aurait toujours la préséance.

Du même auteur :

- Une visite qui tourne à l’aigre - 28 avril 2008
- Sur le long terme... - 16 avril 2009
- Une feuille de vigne pour Netanyahou nienne - 4 avril 2009
- Creuser sa propre tombe - 23 mars 2009
- Construire sur d’impudents mensonges - 18 mars 2009
- Réhabiliter Hitler... en Israël - 8 mars 2008

21 mai 2009 - Al Ahram Weekly - Cet article peut être consulté ici :
http://weekly.ahram.org.eg/2009/948...
Traduction de l’anglais : Anne-Marie Goossens


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