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La fin de la liberté de parole ?

jeudi 21 mai 2009 - 10h:42

Mazin Qumsiyeh

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Une analyse claire de la situation en Israël et en Palestine, des déclarations d’Obama et de ce que nous pouvons et devons faire, par Mazin Qumsiyeh, universitaire et militant palestinien vivant aux Etats-Unis.

Dans le monde surréaliste et pourtant beau où nous vivons, le Premier ministre d’Apartheid-Israël refuse de souscrire même aux exigences minimales d’une feuille de route qu’Israël avait techniquement approuvée (geler la colonisation, évacuer des postes de contrôle afin de préparer le cadre d’une solution à deux Etats).

Au lieu de quoi il mobilise le premier lobby pro-israélien pour pousser à une confrontation des Etat-Unis avec l’Iran, dans l’espoir de renouveler le « succès » de la neutralisation de l’Irak comme un pouvoir régional potentiel. Et, tandis que dans certains pays européens, la seule liberté de parole non autorisée est la remise en question, de quelque sorte que ce soit, du récit dominant sur les atrocités infligées aux Juifs durant la seconde Guerre Mondiale, le deuxième plus grand parti du gouvernement israélien veut bannir toute commémoration ou même toute mention de la Nabka palestinienne (pour nous Palestiniens, notre Holocauste qui a commencé avec la destruction et le nettoyage ethnique de 530 villes et villages, et qui se poursuit aujourd’hui à grands pas quand des maisons sont régulièrement démolies et que seules des colonies juives sont bâties sur notre terre).

Ce que Netanyahu et consorts veulent, c’est que les Palestiniens continuent à ramasser les ordures, à assurer les soins de santé subalternes et autres activités de ce type, tandis qu’Israël maintient sa souveraineté sur la Cisjordanie et Gaza, en poursuivant le pillage des ressources palestiniennes. Il est attendu de la Communauté internationale qu’elle continue à subventionner l’occupation (40% de l’aide financière destinée aux Palestiniens aboutit dans des mains israéliennes). C’est à quoi Netanyahu fait référence sous l’appellation de « paix économique » sans désir de « gouverner les Palestiniens ». C’est une extension du même programme politique du Sionisme qui, durant 61 ans, a poussé à un maximum de géographie (pour les colons sionistes et l’Etat juif) avec un minimum de démographie (des Palestiniens d’origine).

Le Président Obama a fait quelques déclarations utiles lors de la conférence de presse, mais l’élément-clé est de savoir s’il mettra assez de pression pour obtenir sur le terrain des résultats tangibles. Voici une partie des propos d’Obama :

« Israël aussi va maintenant avoir à prendre quelques mesures difficiles, et j’ai fait part au Premier Ministre du fait que, selon la feuille de route et la conférence d’Annapolis, il y a une compréhension claire que nous devons progresser au sujet des colonies. Les implantations doivent cesser afin que nous avancions. Il s’agit d’un sujet difficile. Je le reconnais, mais il est important et doit être abordé. Je pense que la situation humanitaire à Gaza doit être traitée. Certes, j’ai été le long de la frontière à Sderot et j’y ai vu l’évidence d’armes pleuvant sur la tête des innocents dans ces villes israéliennes, ce qui est inacceptable. Il nous faut donc travailler avec les Egyptiens pour contrôler la contrebande d’armes, de manière significative dès lors qu’aucun Premier ministre de quelque pays que ce soit ne peut tolérer un déferlement de missiles sur ses concitoyens.

D’autre part, le fait est que, si la population de Gaza est privée de tout espoir, si les gens ne peuvent même pas avoir d’eau propre, si le verrouillage de la frontière est si serré qu’il rend impossible la reconstruction et les efforts humanitaires, eh bien cela ne va pas être la bonne recette en vue de la sécurité à long terme d’Israël ou d’une voie constructive sur laquelle on pourra progresser vers la paix. De sorte que toutes ces données doivent être corrélées, ce qui sera ardu, mais l’unique engagement que j’ai pris envers le Premier Ministre est que nous allons nous y impliquer, les Etats-Unis vont relever leurs manches. Nous voulons être un partenaire fort dans ce processus. »

L’autre déclaration d’Obama au sujet d’une menace iranienne était décevante (dès lors que l’Iran n’a menacé personne et n’a jamais envahi un pays voisin, contrairement à ce qu’Israël a fait de manière répétée). Les propos de Netaniyahu étaient racistes, comme on pouvait s’y attendre (sur le maintien d’un « Etat juif » et l’anéantissement de toute résistance sur le terrain comme un prérequis au fait que les Palestiniens récupèrent 1/1000ème de leurs droits).

La réalité est qu’Israël constitue LA menace régionale avec son arsenal nucléaire, et que cet état voyou doit être contraint à se soumettre au droit international (alors qu’il a déjà violé des douzaines de résolutions du Conseil de Sécurité). De sorte que, même si ce qu’a dit Obama est sympathique, il ne va pas assez loin et ces paroles n’auront aucune signification si les Etats-Unis continuent à financier les pratiques d’occupation. L’élément décisif apparaîtra si nous voyons Israël continuer les démolitions de maisons et la construction d’implantations : on saura alors qu’Obama n’apportera aucun changement, et que le changement continuera à venir d’autres secteurs tandis que le statut des Etats-Unis dans le monde continue à décliner.

Mais je me trouve moi aussi rappelé à mes responsabilités propres. Il est vrai que nous, Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza, sommes captifs et n’avons aucune « autorité » réelle (l’Autorité Nationale Palestinienne est un monstrueux abus de dénomination). Des prisonniers ont été autorisés à tenir des élections. La première fois, ce sont les prisonniers modérés qui ont gagné, la seconde fois, les prisonniers de la ligne dure l’ont emporté, et désormais les deux prisons sectorielles sont gérées par des leaders de deux factions adverses.

Mais, dans l’un et l’autre cas, les captifs ont affaire au geôlier, qui détermine tout. Et un responsable de prison est fort heureux des divisions générées. Les prisonniers doivent donc pousser leurs « leaders » à se détacher de ces positions de pouvoir fictives pour revenir à une action collective. Mon opinion est qu’il ne devrait pas être question de « président » ou de « ministres » lorsqu’il s’agit de territoires occupés. Le Hamas et le Fatah se sont déjà par deux fois mis d’accord sur la reconstitution de l’OLP, mais ils ne peuvent s’entendre sur les modalités de gestion des cellules de prison. Je préconise de laisser tomber ce dernier point et de travailler sur le premier.

Revendiquer la liberté et lutter pour elle sous une OLP représentative, rajeunie et reconstituée, et ne se soucier d’élections parmi les prisonniers et d’administration des cellules qu’APRES que la liberté sera obtenue : je pense que cela devrait arriver, j’ai la conviction qu’il faut que cela arrive.

Entre-temps, nous ne pouvons pas attendre, nous devons intensifier notre action pour une paix juste. Ce qui signifie le renforcement de nos campagnes d’éducation, nos opérations de boycott et de désinvestissements, nos campagnes de sanctions, et bien entendu la résistance sur le terrain. J’ai personnellement foi en la résistance civile sous les modalités pratiquées à Bil’in, Ni’ilion, Al-Ma’sara, etc, même si le droit international autorise toutes les autres formes de résistance à un peuple sous occupation coloniale.

Car « Il est essentiel, si l’on ne veut pas que l’homme soit contraint à recourir en dernier ressort, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression, que les Droits de l’Homme soient protégés par le Droit » (Préambule à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, dont Israël est signataire) ;

« Si nous rendons impossible une révolution pacifique, nous rendons inévitable une révolution violente » (John Fitzgerald Kennedy).

Je demeure optimiste. Le monde est en train de changer. Voilà 20 ans, je devais supplier les gens de m’écouter faire le récit de notre histoire de dépossession, et l’équilibre des pouvoirs était tel que ceux qui découvraient la vérité avaient peur de s’exprimer. La situation est maintenant tout autre.

Nombre d’équipes et de personnes viennent vers nous en Palestine et nous demandent de leur montrer ce qui se passe ; beaucoup invitent des Palestiniens à donner des conférences dans d’autres pays (des centaines chaque semaine), et beaucoup nous demandent conseil quant à ce qui peut être fait pour nous aider (mes réponses les plus courantes sont exposées dans ce lien : http://www.bdsmovement.net/ ?q=node/52.

Pour finir, un aperçu des actions menées en Palestine, qui ne sont pas habituellement mentionnées par le courant dominant des medias occidentaux mais qu’il est de plus en plus difficiles de dissimuler.

Après que la grippe porcine a commencé a se répandre, des protestataires palestiniens, israéliens et internationaux ont défilé dans les rues de Bil’in en portant des masques chirurgicaux pour se protéger de « la grippe d’occupation qui a d’abord infecté les Palestiniens il y a soixante et un ans et qui a causé la mort de milliers d’entre eux, qui en a blessé des centaines de milliers et en a mis des millions en prison, y compris dans les geôles israéliennes mais aussi dans les prisons créées par le mur en Cisjordanie et par le siège de Gaza ».

« Les manifestants de Bil’in font appel aux Institutions Sanitaires Internationales pour « mettre fin à la grippe d’occupation » : huit blessés et des douzaines de manifestants ayant inhalé des gaz lacrymogènes. 8 mai 2009.

Mazin Qumsiyeh, PhD

ttp://qumsiyeh.org

Cet article peut etre consulte ici :

http://www.europalestine.com/spip.p...

Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour CAPJPO-EuroPalestine


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