Ban Ki-Moon a trouvé l’attaque israélienne sur Gaza parfaitement acceptable, et il était uniquement en désaccord avec le tonnage des explosifs qui devaient être lâchés par les avions israéliens, écrit Hasan Abu Nimah.
- Ban Ki Moon donne une conférence de presse devant les locaux bombardés des Nations Unies à Gaza. Pour lui, les Palestiniens n’existent pas réellement... Et si jamais c’est le cas, ils sont dépourvus du moindre droit - Photo : Wissam Nassar/MaanImages
En fin de semaine dernière, selon le site Web de la BBC en langue arabe, un rapport a été soumis à Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations Unies, sur l’ampleur des destructions infligées par Israël à des installations des Nations Unies à Gaza. Il a été également fait mention [de ce rapport] dans un bulletin d’informations de la BBC le 1er mai, mais je n’ai pu nulle part ailleurs trouver trace de cette nouvelle.
La brève information disait que le rapport des Nations Unies contenait une information secrète communiquée par Israël au sujet d’un incident dans lequel plus de 40 civils avaient été massacrés lorsque des obus israéliennes sont tombées « à l’extérieur » d’une école de l’ONU où de nombreux Palestiniens s’étaient mis à l’abri. Le secrétaire général est maintenant censé étudier quelle part d’information il peut livrer sans dévoiler celle fournie par Israël, ajoute la dépêche, disant aussi que le rapport des Nations Unies arrivait à la conclusion que les combattants du Hamas n’étaient pas à l’intérieur des bâtiments del’ONU mais à proximité.
Faisant ses observations sur le rapport, la BBC dit avoir été informée par une source diplomatique que les Etats-Unis avaient demandé au bureau de Ban Ki Moon que le rapport ne soit pas entièrement publié à cause des dommages que cela pourrait causer aux pourparlers pour la paix au Moyen-Orient, en d’autres termes (de fait) à Israël.
La question ici n’est ni d’émettre un jugement prématuré sur un rapport non publié — en dépit des contradictions évidentes dans le fait de bombarder « à l’extérieur » une installation de l’ONU qui a été dans tous les cas sévèrement endommagée — ni de prévoir quelle portion du rapport le secrétaire général décidera finalement de publier.
(Pendant que cet article était préparé pour être publié, des détails au sujet du rapport des enquêteurs de l’ONU ont été livrés. L’enquête, menée par Ian Martin, ancien directeur d’Amnesty International, accuse Israël de ne pas avoir protégé les infrastructures de l’ONU ni les civils, écarte comme « fausses » les affirmations israéliennes selon lesquelles les combattants du Hamas tiraient depuis les bâtiments des Nations Unies, tient Israël responsable des tous les morts et blessés dans six incidents sur neuf, et réclame une nouvelle enquête sur de possibles crimes de guerre. Ban a rejeté les appels à poursuivre l’enquête, mais il a invité Israël à verser 11 millions de dollars en réparation des dommages causés à l’ONU.)
Nous ne pouvons pas plus oublier les jours sombres où Israël massacrait les innocents habitants de Gaza tandis que le monde restait les bras croisés, que nous ne pouvons blâmer le Hamas — lequel avait scrupuleusement observé un cessez-le-feu négocié jusqu’à ce qu’Israël l’ait rompu — d’avoir provoqué l’apocalypse.
Alors que la poussière des bombardements israéliens commençait à s’estomper, Ban a décidé de visiter Gaza. Cela a levé des espoirs que les Nations Unies se soient finalement décidées à agir avec courage et responsabilité. Gaza avait été interdit aux personnalités internationales parce que soit-disant une organisation terroriste politiquement contagieuse avait pris le contrôle des lieux, et que personne n’était censée risquer un contact avec ce mouvement, même si d’ impérieuses considérations humanitaires l’exigeaient.
Bien, le secrétaire général avait donc décidé le 20 janvier de défier la norme et d’aller à Gaza. Mais son courage s’est arrêté là. Son convoi hautement protégé l’a emmené directement au complexe, encore fumant, de l’agence de l’ONU pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) dont les entrepôts de nourriture et de carburant ont été détruits ainsi que leur contenu par les attaques israéliennes. Il a dû remarquer que cette destruction massive ne pouvait être le résultat « d’un bombardement à l’extérieur » des installations. « Je suis simplement consterné, » a-t-il dit, « on sent toujours l’odeur de ce bombardement. Cela brûle encore. C’est une attaque indigne et totalement inacceptable contre les Nations Unies. » Cette bouffée de colère s’est cependant limitée aux installations de l’ONU. Il s’est exprimé comme si le reste de Gaza — où plus de 7000 personnes sont ou mortes ou blessées et où des milliers de maisons, des écoles, des mosquées, des universités, des commissariats de police et des bâtiments du gouvernement ont été détruits — n’avait jamais existé, ou ne faisait pas partie des soucis des Nations Unies.
Ne quittant pas son convoi, il n’a pas pris la peine de s’arrêter et de parler à aucune des victimes d’Israël - ni avec les familles qui avaient juste retiré des décombres les restes de leurs proches, ni avec les personnes horriblement blessées et soignées dans les hôpitaux débordés de Gaza. C’est justement pour les aider, eux les réfugiés Palestiniens, que l’ONU est à Gaza, mais il n’y avait semble-t-il pas de temps pour eux.
Ban a aussi indiqué qu’il avait « condamné dès le début de ce conflit l’usage d’une force excessive par les forces israéliennes dans Gaza, » et il avait ajouté : « je considère les attaques de fusées en direction d’Israël comme complètement inacceptables. » Il a également dit qu’il expédierait une équipe, conduite par le coordonnateur spécial des Nations Unies, pour évaluer les besoins humanitaires.
Ce qu’il disait en réalité est qu’il avait trouvé l’attaque israélienne sur Gaza parfaitement acceptable, mais qu’ il était uniquement en désaccord avec le tonnage des explosifs qui devraient être lâchés par les avions israéliens. Il devrait donc spécifier exactement combien d’enfants morts, combien de maisons démolies, combien de victimes de brûlures, combien de mosquées détruites il tolérerait comme non « excessif ». La moitié du nombre de tués et la moitié des dommages infligés seraient-elle raisonnablement non-excessives, ou peut-être un tiers ? Il serait utile que les deux côtés le sachent de sorte que les Israéliens limitent leur massacre à la quote-part spécifiée par les Nations-Unies, et les Gazans sauraient combien des leurs il leur faudra sacrifier pour atteindre le seuil sacré des massacres sanctionnés par l’ONU.
Pour Ban, donc, le bombardement israélien a du bon — bien qu’il voudrait peut-être le voir un peu moins lourd. Mais, en accord avec ses patrons politiques, il considère que les Palestiniens ne disposent d’aucun droit à n’importe quelle forme d’autodéfense, avec quelque moyen qu’ils aient à leur disposition, contre l’occupation israélienne, les constantes agressions et le mortel blocus israélien internationalement approuvé.
Afin de maintenir cette fiction d’un équilibre entre l’agresseur et la victime, il aurait dû être interdit de visiter la colonie israélienne de Sderot. Quand il a patiemment inspecté les traces laissées par les fusées du Hamas, lesquelles ont tué en tout et pour tout trois Israéliens [dont un arabe israélien - N.d.T], il a énoncé, « les fusées sont des armes aveugles, et les attaques du Hamas sont des violations de la plus élémentaire loi humanitaire. » C’est le même Ban qui n’a pas une seule fois par le passé invoqué cette loi face aux violations massives et permanentes de la part d’Israël.
Il est également connu que les fusées tirées par les organisations de la résistance palestinienne ne sont pas tant « aveugles » que non-guidées. Il n’y a aucune raison de croire que si les Palestiniens avaient accès aux systèmes de guidage fournis à Israël par les Etats-Unis, ils ne viseraient pas les bases militaires israéliennes (ils l’ont en effet tenté bien que la censure militaire israélienne n’ait pas autorisé de reportages sur les frappes sur ses installations militaires). Les bombardements israéliens quant à eux, et cela Ban ne l’a pas noté, sont parfaitement ciblés : ils prennent délibérément pour cibles des maisons et installations civiles.
Dans Sderot, Ban a aussi recommandé à Israël de cesser son blocus qui paralyse Gaza, non parce que le blocus est inhumain et injuste, une violation flagrante du droit international et des conventions de Genève. Il s’est inquiété seulement que le blocus ne renforce le Hamas ; autrement dit, ce serait sinon parfait, comme le serait une dose un peu moindre de bombardements.
Ban aurait dû inspecté les destructions dans Gaza, et rendu visite et passé du temps avec les victimes palestiniennes d’Israël avant de mettre les pieds dans n’importe quelle installation des Nations Unies. Mais il semble qu’il ait vraiment voulu évité cela dans le but d’envoyer un signal selon lequel il ne montrait aucune sympathie pour les « terroristes » ou aux personnes accusées de les aider, afin de ne pas risquer d’être critiqué par Israël et à son choeur d’inconditionnels. Il a certainement médité l’exemple du rapporteur spécial des Nations Unies pour les droits de l’homme, le professeur émérite et expert en droit international, Richard Falk de Princeton, qui a été expulsé et diffamé par Israël et le gouvernement des États-Unis pour avoir avec loyauté et sincérité rempli son mandat.
Mais ce n’est jamais qu’un des nombreux et tristes exemples de la façon dont les principaux responsables des Nations Unies ont trahi et failli dans leur mission. L’ONU n’existe pas pour protéger seulement son personnel et ses installations. Le drapeau des Nations Unies devrait à lui seul accorder ce genre de protection — une immunité qu’aucun état n’oserait violer sans crainte des conséquences.
Mais Israël a attaqué à plusieurs reprises des installations, des écoles, des forces de maintien de la paix et le personnel de l’ONU en Palestine et au Liban. Ceci en pleine connaissance de cause, sachant que c’est lui et non pas l’ONU qui bénéficie de l’immunité pour ses actes. La prochaine fois qu’Israël attaquera un service des Nations Unies, une partie de la responsabilité en incombera à ceux qui n’ont pas su agir correctement aujourd’hui.
6 mai 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach