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Ce sont de petites choses qui font une occupation

vendredi 26 janvier 2007 - 07h:57

The Economist

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Ces désagréments apparemment mineurs qui font de la vie un enfer.

Au cours de l’année 2006, d’après B’tselem, une association de défense des droits de l’Homme israélienne, les forces israéliennes ont tué 660 palestiniens, dont près de la moitié étaient des badauds innocents, parmi eux 141 enfants. Dans le même temps, les palestiniens ont tué 17 civils israéliens et 6 soldats. Ce sont de tels chiffres, ainsi que des évènements comme les bombardements, les démolitions de maisons, raids d’arrestations et expropriations, qui font les gros titres dans le conflit israélo-palestinien. Ce qui trouve rarement sa place dans les médias mais qui nourrissent les conversations quotidiennes palestiniennes, ce sont les innombrables petites restrictions qui ralentissent la vie de la plupart des gens, étranglent l’économie et donnent constamment de l’énergie aux extrémistes.

L’arbitraire est l’une des règles les plus écrasantes parmi ces éléments. Personne ne peut prédire comment se passera un voyage. Beaucoup des routes principales de Cisjordanie, pour garantir la sécurité des colons israéliens de Cisjordanie, sont inaccessibles aux véhicules palestiniens - seule une route reliant le nord au sud de la Cisjordanie, par exemple, leur est ouverte - et ces restrictions changent fréquemment. De même que les règles définissant qui a droit de passer les checkpoints divisant la Cisjordanie en plusieurs régions semi-connectées (voir carte).

Un nouveau commandement qui devait prendre effet cette semaine aurait interdit à la plupart des habitants de Cisjordanie de circuler dans des voitures immatriculées en Israël, et donc d’être transportés par des amis ou des parents parmi les 1,6 millions de palestiniens qui sont citoyens d’Israël, aussi bien que par des travailleurs humanitaires, journalistes et autres étrangers. L’armée a décidé de suspendre le commandement suite à des protestations de groupes de défense des droits de l’Homme faisant valoir que cela donnerait aux soldats d’immenses pouvoirs arbitraires - mais elle ne l’a pas révoqué.


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Checkpoint d’Huwara - Photo :
http://www.flickr.com

De grandes portions de la population du nord de la Cisjordanie, et de cités individuelles telles que Naplouse ou Jéricho, ne peuvent tout simplement pas quitter leur lieu de résidence sans permis spéciaux, qui ne sont pas toujours disponibles. Lorsqu’ils peuvent voyager, le temps d’attente aux checkpoints, se comptant en minutes ou en heures, dépend du moment de la journée et de l’humeur des soldats. Un déplacement entre 2 villes peut être ponctué de plusieurs checkpoints, rendant interminable un trajet qui prendrait une heure en situation normale. Ces checkpoints se déplacent et s’interchangent chaque jour, et les jeeps de l’armée ajoutent encore au caractère imprévisible et au tracas en arrêtant les voitures et en créant des checkpoints mobiles dans des endroits divers.

D’après le Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies (Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, OCHA), le nombre de ces obstacles était passé de 376 en août 2005 à 534 mi-décembre 2006 lorsque l’OCHA et l’armée israélienne en firent un décompte commun. Lorsque Ehud Olmert, le premier ministre israélien, a accepté d’alléger ces restrictions à quelques uns des checkpoints comme concession à Mahmoud Abbas, le président palestinien, les associations des droits de l’Homme rapportèrent que non seulement beaucoup de checkpoints continuaient à fonctionner comme avant ; mais également qu’à proximité de ceux qui avaient été allégés, de nouveaux checkpoints mobiles étaient désormais actifs, causant plus encore de perturbations et de douleur.

Il est parfois difficile de comprendre la logique du régime des checkpoints. Un trajet de Ramallah, la capitale administrative palestinienne, à Jérusalem implique une inspection méticuleuse des papiers du conducteur, tandis qu’au cours d’un autre, les soldats - s’ils sont à leur poste - jettent simplement un coup d’oeil aux occupants de la voiture pour voir s’ils ont l’air d’arabes. La loi israélienne interdit formellement aux citoyens israéliens de visiter les principales villes palestiniennes mais ils peuvent se rendre directement à Ramallah ou Hébron sans être questionnés, tandis que d’autres villes comme Jéricho ou Naplouse restent imperméables. En beaucoup d’endroits, le mur qu’Israël construit à travers la Cisjordanie pour des raisons de sécurité (pour annexer leurs terres aux yeux des palestiniens) est surveillé comme une frontière internationale alors qu’autour de Jérusalem l’armée ferme les yeux devant des centaines de personnes qui se glissent dans des lézardes du mur au cours de leur trajet quotidien.

A cause des restrictions portant sur les déplacements intérieurs, les gens qui veulent déménager d’une ville palestinienne à une autre pour le travail ou les études doivent enregistrer leur changement d’adresse pour être sûr de pouvoir y rester. Mais ils ne peuvent pas. Le registre de la population d’Israël, qui délivre les cartes d’identité palestiniennes aussi bien qu’israéliennes n’a émis quasiment aucune nouvelle carte palestinienne depuis le début de la deuxième Intifada en 2000. Et cela signifie pas de changement d’adresse non plus. Ceci rend pratiquement impossible pour des Palestiniens de l’étranger l’obtention d’un droit de résidence dans les territoires occupés, qui sont censés être leur futur état, sans même parler d’Israël.

On ne passe pas !

En plus de tout cela, au cours de l’année dernière, plusieurs milliers de palestiniens ayant fait une demande de résidence en Cisjordanie et y vivant grâce à un permis de 6 mois renouvelable se sont retrouvés résidents illégaux, susceptibles d’être arrêtés et expulsés à n’importe quel checkpoint. En effet Israël s’est arrêté de renouveler ces permis depuis que le Hamas, le mouvement islamiste, a pris contrôle de l’Autorité Palestinienne il y a un an. (Israël dit que c’est parce que l’Autorité Palestinienne ne transmet plus les demandes.)

Comme les israéliens, les palestiniens qui commettent des infractions au volant sur les autoroutes de Cisjordanie doivent payer l’amende à un bureau de poste israélien ou à un poste de police. Mais en Cisjordanie les seuls bureaux de poste et postes de police sont dans des colonies israéliennes dans lesquelles les palestiniens de Cisjordanie ne peuvent se rendre sans un permis rare. Néanmoins, s’ils ne payent pas, ils perdent leur permis de conduire la prochaine fois que la police les arrête. Ils écopent également d’un casier judiciaire, ce qui leur rend l’accès à Israël impossible.

Certaines règles atteignent des sommets d’absurdité. Il y a un an, un ordre militaire, pour une raison inconnue, a étendu la liste des plantes sauvages de Cisjordanie au za’atar (l’hysope), une herbe abondante faisant partie de l’alimentation palestinienne. Pendant un temps, les soldats aux checkpoints ont confisqué des bouquets de cette herbe à des palestiniens perplexes qui voulaient simplement en agrémenter leurs salades. Il ne semble pas y avoir eu récemment de confiscation de za’atar, mais l’ordre est toujours applicable, d’après Michael Sfard, le conseiller juridique de Yesh Din, une autre association de protection des droits de l’Homme. Alors qu’il nous raconte l’histoire il ne peut s’empêcher de rire. Il n’y a pas grand chose d’autre à faire.

Traduit depuis l’anglais par YC - article original :
http://www.economist.com/world/afri...


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