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Le Hamas acquiert une légitimité internationale

jeudi 7 mai 2009 - 07h:27

Jerrold Kessel et Pierre Klochendler - IPS/The Palestine Telegraph

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Fait intéressant, la brusque montée pour rompre l’isolement du mouvement islamiste Hamas se produit juste comme Israël commence à ressentir de plus en plus un gel diplomatique à son égard.

Les délégations des organisations rivales Fatah et Hamas réunies au Caire n’ont pas, une fois encore, réussi à surmonter leurs divergences pour permettre l’ouverture à un gouvernement d’union nationale, mais cela n’a en rien ralenti l’avancée du mouvement islamique qu’il a impulsée pour accroître sa légitimité internationale, à la grande préoccupation d’Israël.

Depuis la fin de l’offensive militaire israélienne de 22 jours en janvier, fin qui a coïncidé avec l’investiture du président Barack Obama à Washington, la bande de Gaza sous contrôle du Hamas a reçu de nombreux visiteurs internationaux. Des sources proches de la direction Hamas dans une bande de Gaza autrefois diplomatiquement isolée, confirment que des représentants officiels de plusieurs gouvernements européens sont venus, appelant à l’instar de la Norvège qui le fait depuis longtemps, à briser le boycott israélo-américano-européen.

Jusqu’à récemment, la plus grande partie de la communauté internationale soutenait le point de vue d’Israël selon lequel le Hamas serait un groupe terroriste et refusait de traiter directement avec lui. Cela explique pour une grande part le siège du Hamas depuis la victoire de ce dernier aux élections en janvier 2006, et qu’il ait évincé le Fatah dans d’âpres combats, l’été de l’année suivante. La démarche visait à marginaliser le Hamas tout en renforçant la modération de l’Autorité palestinienne sous l’autorité du président Mahmoud Abbas, dirigeant du Fatah.

Le nouveau gouvernement israélien avec Benjamin Netanyahu avait espéré que la communauté internationale resterait ferme dans son refus de prendre en compte officiellement le Hamas à moins que celui-ci ne s’engage dans la non-violence, reconnaisse Israël et accepte les accords israélo-palestiniens antérieurs. La nouvelle orientation met Israël devant une énigme diplomatique incroyablement complexe.

Car de plus en plus, au niveau international, et spécialement depuis la guerre, on s’aperçoit que la démarche d’isolement du Hamas appliquée jusqu’ici ne fonctionne pas. Cela amène Israël à craindre que la fin des sanctions contre le Hamas pourrait bien ne pas être loin.

Les signes en ce sens sont indéniables. Des parlementaires du Royaume-Uni et de l’Union européenne, séparément, ont fait une large publicité à leur visite à Damas à Khaled Meshal, dirigeant du Hamas en exil, récemment reconduit dans ses responsabilités. Et la semaine dernière, Meshal a prononcé un discours par téléconférence en liaison avec la session parlementaire à Westminster, portant un coup supplémentaire au boycott.

Exprimant une « extrême déception », le président de la Knesset israélienne, Reuven Rivlin, a protesté auprès du président de la Chambre des communes britannique, Michael Martin : « Démocratie et terrorisme ne peuvent cohabiter. Une démocratie qui se permet de profiter du terrorisme s’expose à de sinistres conséquences. Je vous demande de ne plus fournir de tribune qui pourrait faire avancer leur cause. » écrit Rivlin.

Selon des sources Hamas, l’afflux des contacts se produit grâce à un feu vert tacite des Etats-Unis. « Ils montrent plus de courage que l’administration Bush  » indiquent ces sources. Parallèlement, l’envoyé de la communauté internationale au Moyen-Orient, Tony Blair, a souvent mis en garde contre « la mise à l’écart de la bande de Gaza » de toute évolution putative vers la paix. Il a récemment déclaré au London Times, « Je crois qu’il est important que nous trouvions un moyen d’amener le Hamas à ce processus. »

Et, Martin Indyk, ancien ambassadeur US en Israël, proche de l’administration Obama, a écrit franchement dans son livre récent, Innocent à l’étranger : récit intimiste de la diplomatie de paix américaine au Moyen-Orient, qu’ «  un processus de paix qui exclue le Hamas est voué à l’échec. »

Plus récemment, et dans le cadre des dépenses urgentes de 83,4 milliards de dollars pour financer les guerres en Iraq et en Afghanistan, l’administration Obama a exploré les possibilités de modifier la loi états-unienne de façon à permettre des aides à tout gouvernement d’union palestinien futur même comprenant le Hamas. Le projet de loi relatif aux aides en urgence octroie 840 millions de dollars pour l’Autorité palestinienne et pour la reconstruction de la bande de Gaza après la guerre.

Le refus du Hamas de s’engager à reconnaître Israël ou à accepter les accords passés entre les Palestiniens et Israël est toujours considéré comme le principal obstacle à la formation d’un gouvernement national palestinien. Les spécialistes israéliens pour le Moyen-Orient soutiennent cependant que le Hamas se sent encouragé à la fermeté du fait de l’affaiblissement du boycott diplomatique.

A côté de déclarations enflammées du Hamas, comme celle de vendredi dernier à la mosquée de Gaza par l’homme fort du Hamas, Mahmoud Al-Zahar, où il promet que « jamais » l’organisation ne reconnaîtra Israël, on perçoit des signes très nets de pragmatisme de la part du Hamas. Il y a eu une accalmie presque totale dans les tirs de roquettes depuis Gaza sur les villages israéliens ces dernières semaines. Le Hamas, qui n’a jamais revendiqué sa responsabilité dans les tirs qui ont suivi la guerre, exerce actuellement apparemment des pressions sur les groupes militants marginaux pour cesser complètement les tirs. Ismail Al-Ashkar, haut responsable du Hamas, a déclaré à des journalistes que « les tirs de roquettes allaient à l’encontre des intérêts palestiniens. »

Ce pragmatisme marque une évolution qui provient moins de la crainte des représailles israéliennes que de la volonté de renforcer les gains timides en crédibilité internationale. Associé à une position idéologique intransigeante à l’encontre d’Israël, ce pragmatisme semble aussi servir au renforcement du Hamas vis-à-vis d’une Autorité palestinienne déclinante.

Fait intéressant, bien qu’Israël semble être moins la cible immédiate de cette stratégie de l’après guerre du Hamas que l’Autorité palestinienne, la brusque montée pour rompre l’isolement du mouvement islamiste se produit juste comme Israël commence à ressentir de plus en plus un gel diplomatique à son égard.

De plus en plus d’officiels européens ont appelé à geler tout renforcement des relations avec le gouvernement Netanyahu face à sa réticence à s’engager pour une solution à deux Etats. Le critique le plus déclaré est la commissaire aux Affaires extérieures de l’Union européenne, Benita Ferrero-Waldner qui est la cible d’une contre-offensive diplomatique israélienne. Le ministère des Affaires étrangères israélien menace même d’exclure l’Union européenne de la participation à tout processus diplomatique avec les Palestiniens. Rafi Barak, sous-directeur du bureau Europe au ministère israélien des Affaires étrangères a déclaré à plusieurs ambassadeurs européens qu’à moins que l’Union européenne ne cesse ce genre de déclarations, «  l’Europe ne pourra pas se joindre au processus diplomatique et les deux côtés y perdront. »

Il se pourrait cependant qu’Israël trouve qu’une approche véhémente ne serait guère productive lors de la visite que va rendre Netanyahu au président Obama à la Maison-Blanche dans trois semaines, et qu’il découvre à quel point l’administration US s’est départie de l’approche radicalement anti-Hamas de l’administration précédente et accroît sa pression pour qu’Israël s’aligne sur une solution à deux Etats.

3 mai 2009 - The Palestine Telegraph
(IPS) - traduction : JPP


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