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La Shoah, Israël et les Palestiniens

jeudi 9 avril 2009 - 09h:42

Jacques Fournier - BabelMed

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C’est ce à quoi je me suis efforcé de contribuer, au cours de mes missions successives, dans les domaines qui relevaient de ma compétence : l’élaboration de la règle de droit ; l’organisation gouvernementale ; la justice administrative.

J’ai passé la semaine dernière à Jérusalem . C’était le sixième voyage accompli par moi dans cette région du monde depuis le début des années 2000. Les cinq premiers se sont inscrits dans le cadre de la coopération administrative entre la France et l’Autorité palestinienne. Celui dont je rends compte maintenant était organisé par l’association “Pour Jérusalem”, que préside, avec beaucoup de générosité et d’efficacité, l’ancienne sénatrice Danielle Bidard.

En 2000, année de mon premier contact avec ce pays, je croyais encore à la viabilité du processus d’Oslo. Certes les pourparlers de Camp David n’avaient pas abouti à un accord. Mais on n’en était pas loin. Un Etat palestinien se profilait à l’horizon. Il fallait aider à en poser les fondations.

C’est ce à quoi je me suis efforcé de contribuer, au cours de mes missions successives, dans les domaines qui relevaient de ma compétence : l’élaboration de la règle de droit ; l’organisation gouvernementale ; la justice administrative.
Huit ans plus tard, force est de constater un échec quasi total. La négociation entre les deux parties n’a pas avancé. Israël a renforcé sa mainmise sur les territoires occupés. Le camp palestinien s’est coupé en deux. Les conditions de création d’un Etat s’avèrent de plus en plus difficiles à réunir.

Je me propose de revenir, dans de prochaines chroniques, sur les principaux aspects de cette évolution. Je serai conduit ce faisant à critiquer, parfois durement, le comportement des parties en présence, et en particulier celui de l’Etat d’Israël. Je voudrais que cette critique, même si elle n’est pas partagée, puisse être écoutée objectivement et que l’on puisse en discuter sereinement.

Ce n’est malheureusement pas toujours le cas. La critique d’Israël est, par certains, vite assimilée à un acte d’antisémitisme. Une sorte d’équation est posée : de la condamnation de la Shoah à la légitimation de tout ce que peut faire l’Etat juif. C’est ce qu’exprime Régis Debray, lorsqu’il écrit dans son livre Un candide en terre sainte ( Gallimard, 2008, p 328), à propos de l’attitude jugée par lui trop prudente des pays européens lorsqu’ils portent un jugement sur la situation : “Nos faux fuyants ont une explication toute simple : la Shoah. Elle ne rentre pas hélas dans le champ de conscience oriental parce que l’on a la conscience de son histoire et que le nazisme est d’Occident. Le remords de l’extermination est un sentiment noble. La trouille du chantage à l’antisémitisme l’est moins. L’Europe des institutions... croit réparer un crime contre l’humanité en fermant les yeux, cinquante après, sur un grave déni de justice. Pour expier son aveuglement, voire sa collaboration avec Hitler, nous avons trouvé le bon truc : la terre arabe comme moyen de paiement, avec, pour l’Etat hébreu, l’autorisation d’un fort découvert sur la légalité internationale.

Je n’emploierais pas exactement les mêmes mots que Régis Debray. Mais la constatation qu’il fait est fondamentalement juste. L’assimilation qu’il dénonce fait obstacle à la diffusion , dans les pays européens et aux Etats Unis, d’informations objectives sur les données du conflit en cours et la part qu’y prennent les uns et les autres.

Il y a certes en Israël et dans les territoires palestiniens beaucoup de journalistes qui connaissent leur métier. Un certain nombre d’organisations et de militants israéliens n’hésitent pas, de leur côté, à intervenir dans le débat pour dénoncer la politique de leur gouvernement. Nous en avons rencontrés. Une information circule donc. Mais elle est très insuffisamment relayée par les médias et les pouvoirs publics du Monde occidental n’en tirent que de bien faibles conséquences dans leurs prises de position.

Un exemple parmi bien d’autres : les consuls des pays de l’union européenne en poste à Jérusalem établissent début 2006 un rapport très critique de la politique suivie par le gouvernement israélien à Jérusalem est. Ce document, fortement argumenté, pourrait avoir une autorité toute particulière en raison de la qualité de ses auteurs et de la convergence de leur vues. Le Conseil des ministres de l’Union européenne décide de ne pas le rendre public.

Il y a donc aujourd’hui, pour tous ceux qui ont pu appréhender sur place la réalité de ces pays, un devoir de communication particulièrement impératif. Il y va de l’intérêt du peuple palestinien, dont les souffrances n’ont jamais été aussi grandes. Mais il y va aussi de l’intérêt d’Israël que ses amis dans le Monde ne pourront utilement conseiller qu’à partir d’une connaissance exacte de la situation.

C’est dans cet esprit que je m’efforcerai de présenter les observations que j’ai pu faire au cours de ce séjour à Jérusalem et dans les territoires palestiniens.

* Jacques Fournier est conseiller d’Etat honoraire, ancien secrétaire général du gouvernement. Il a accompli de nombreuses missions à Jérusalem et Ramallah, au titre de la coopération administrative entre la France et l’Autorité palestinienne. Il est l’auteur du livre Itinéraire d’un fonctionnaire engagé, publié en 2008 aux éditions Dalloz.

Voir la série d’articles de Jacques Fournier, Retour de Jérusalem, sur BabelMed.

7 avril 2009 - BabelMed


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