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"En cas d’entente irano-américaine, les pays arabes risquent de perdre beaucoup"

mercredi 8 avril 2009 - 12h:03

Mohamad Abdel-Salam - Al-Ahram/hebdo

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Etats-Unis - Iran. Mohamad Abdel-Salam, chercheur au Centre d’Etudes Politiques et Stratégique (CEPS) d’Al-Ahram et spécialiste des affaires iraniennes, estime que la nouvelle stratégie des Etats-Unis consiste à adopter l’idée du dialogue avec l’autre camp et non pas à mener des négociations.

Al-ahram hebdo : Comment expliquez-vous les changements actuels dans la stratégie américaine vis-à-vis de l’Iran ?

Mohamad Abdel-Salam : Ce changement n’est pas soudain, mais constitue en fait un changement radical dans toute la politique générale de Washington. Obama et sa nouvelle Administration ont décidé de changer la politique étrangère envers la plupart des dossiers sensibles. Un changement vis-à-vis de l’Iraq, de l’Afghanistan, de la Syrie, ainsi que l’Iran. Sa politique est bien différente de celle de Bush. A mon avis, il faut croire à la réalité de ce changement. C’est un vrai changement de stratégie par rapport à ce que Bush avait voulu prétendre quelque peu avant son départ. Cette fois-ci, c’est un vrai changement et qui doit en toute façon être investi par les Iraniens.

- Pouvez-vous préciser au juste quelle est la stratégie américaine ?

- La nouvelle stratégie des Etats-Unis consiste à adopter l’idée du dialogue avec l’autre camp. Il ne s’agit pas de faire des négociations dans l’esprit donnant, donnant. L’idée américaine ne consiste pas à parvenir à un accord américano-iranien, mais elle consiste en une tentative de connaître les tendances de chacun à travers un discours direct entre les deux camps.

- Que pensez-vous de la réaction iranienne ?

- La position iranienne est bien précise. Elle ne ferme pas les portes devant les propositions américaines, mais ne les ouvre pas à fond non plus. C’est-à-dire que Téhéran accepte les propositions américaines de plein gré, mais en restant tout de même prudent et méfiant envers les Américains. Il ne peut pas changer radicalement son point de vue envers les Américains et les considérer tout d’un coup comme des amis. C’est une question d’équilibre interne. La direction iranienne ne peut pas choquer l’opinion publique qui n’a jamais un jour fait confiance aux intentions américaines hostiles et venir tout d’un coup leur dire qu’ils sont devenus amis. Il est aussi à noter que les Iraniens sont inquiets de nature. Ils acceptent les propositions mais douteront toujours des résultats de ce nouveau dialogue, surtout que son mécanisme n’est pas encore bien clair. Les Américains n’ont toujours pas précisé comment ils traiteront les différends. Est-ce dossier par dossier ou résoudre le tout de manière générale ? Mais sans aucun doute, l’Iran est bien souple face à cette nouvelle stratégie.

- Pensez-vous que la souplesse de l’Iran peut aller jusqu’à abandonner la question du nucléaire ?

- Il faut savoir que l’Iran n’était pas parvenu dans le dossier du nucléaire au point du non-retour. C’est-à-dire qu’il n’aura pas de problème à faire un recul dans cette affaire.

- Mais contre quoi accepterait-il un tel sacrifice ?

- Sûrement, l’Iran exigera d’importantes assurance en retour. l’Iran exigera par exemple d’avoir, de la part des Américains, des assurances sécuritaires de ne pas être attaqué, des reconnaissances politiques, des bénéfices économiques et des aides humanitaires et stratégiques.

On peut même nous attendre à ce que cet Etat qui s’est toujours vu comme une super-puissance régionale, profiter de cette occasion pour demander le maximum. En effet, il peut jusqu’à aller demander aux Etats-Unis de partager avec eux leur influence dans la région, bien que certain qu’il n’en est pas question pour Washington.

- Comment cette nouvelle atmosphère pourrait-elle influencer les prochaines élections iraniennes ?

- Pas une très grande influence, surtout qu’Obama a décidé de s’adresser directement au chef suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, et non pas au président de l’Etat. Il s’agit de ne pas lui fournir la chance de gagner des voix dans les prochaines élections.

- Et qu’en est-il de la réaction israélienne face à ce rapprochement, surtout avec le nouveau gouvernement d’extrême-droite ?

- Israël refuse complètement cette initiative. Et essaye même d’influencer Obama pour changer de position. L’Etat hébreu est allé même jusqu’à menacer de frapper les constructions et le réacteur iranien. Quant à Obama, il sait bien comment menotter le lobby israélien pour éloigner la grande influence de ce dernier de son administration. Mais dans tous les cas, il ne faut pas rêver que les Etats-Unis aillent tout à fait contre le gré des Israéliens. Ils restent tout de même l’allié le plus important pour les Américains.

- Les Arabes vont-ils profiter de ce rapprochement pour davantage de paix dans la région ?

- Non, ce rapprochement est bien loin d’être dans l’intérêt des pays arabes. Bien au contraire, il sera aux dépens de leurs intérêts. Tels que les avantages économiques, les aides humanitaires ... La plupart des pays arabes sont bien inquiets, et ont même commencé à s’activer à Washington pour s’assurer que ce rapprochement ne les influencera pas. En cas d’entente entre les camps iranien et américain, les pays arabes risquent d’y perdre beaucoup.

Propos recueillis par Chaïmaa Abdel-Hamid

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 8 au 14 avril 2009, numéro 761 (Dossier)


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