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L’ascension d’Avigdor Lieberman

mercredi 4 mars 2009 - 08h:21

Justin Raimondo
AntiWar

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Et la fin de l’ère sioniste socialiste.

L’ascension d’Avigdor Lieberman comme « faiseur de roi » de la politique israélienne est un désastre pour les supporters états-uniens d’Israël et pour les intérêts américains dans la région, quoiqu’il ne s’agisse pas d’une véritable surprise, au moins pour les visiteurs réguliers de cet espace du monde. Les circonstances dans lesquelles il entrera dans le gouvernement en tant que ministre des Affaires étrangères ou autre poste-clé marqueront la fin de la vieille vision sioniste socialiste et son passage dans l’histoire comme une autre expérience socialiste utopique ayant échoué au même titre que le fouriérisme, l’owenisme et les Icaries. Avec Lieberman et son parti (qui devient la nouvelle force politique israélienne en vogue), le projet sioniste entre dans une nouvelle ère post-démocratique.

Une indication révélatrice et récente d’une telle évolution était le récent appel unanime à la mise hors-la-loi des parties arabes : Lieberman, mais également Livni et la « gauche » ont tous acquiescé à cela avec Israel Beytenou, le groupe de Lieberman, donnant le ton. Gideon Levy, journaliste à Ha’aretz, nous rappelle où nous avons vu ce type d’événements auparavant :

« Si le Rabbin Meir Kahane était vivant et candidat à la 18e Knesset, non seulement sa liste n’aurait pas été interdite, mais en plus il aurait remporté de nombreux suffrages, comme Israel Beytenou. L’interdit est devenu permis, l’ostracisé est maintenant permis, le détestable est devenu le talentueux - c’est la pente glissante sur laquelle la société israélienne a dérapé durant les deux dernières décennies ».

Kahane était le George Lincoln Rockwell de la politique israélienne : il préconisait l’expulsion de tous les Arabes et le lancement immédiat d’une lutte armée pour réaliser un « plus grand Israël ». Il y a vingt ans, son parti était disqualifié de la candidature à des fonctions officielles et banni du fait des restrictions du code électoral qui interdit les partis qui préconisent le racisme et l’incitation à la violence. Aujourd’hui, déclare Levy, « sa doctrine a gagné ». Ce qui était auparavant interdit est devenu légitime dans le discours public. Le résultat de cette élection cruciale est « la transformation du racisme et du nationalisme en valeurs acceptées ».

Non seulement acceptées mais dominantes : comme Daniel Levy titre acerbement son analyse des élections israéliennes, le pays est devenu l’Israël des trois Likoudniks :

« Nous sommes donc dans l’Israël des trois Likoudniks. Permettez-moi d’expliquer : les trois plus grands parties d’Israël (ceux rassemblant environ 75 des 110 mandats octroyés par l’électorat juif) sont maintenant tous dirigés par des Likoudniks aux orientations politiques légèrement différentes. Kadima était bien sûr issu du Likoud, son père fondateur n’étant nul autre qu’Ariel Sharon ; son leader actuel, Tzipi Livni était une ex-loyale Likoudnik ; et son numéro deux a rejoint le Likoud après une carrière dans l’armée (Shaul Mofaz). Appelons ce parti "Likoud allégé". Puis l’autre parti (celui de Netanyahou) a le label "Likoud". Appelons-le "Likoud traditionnel". Enfin, il y a Israel Beytenou (ou Israël notre maison) conduit par un serviteur de longue date du parti (et ancien directeur général), Avigdor Lieberman. Son numéro deux, Uzi Landau était un membre Likoud de la Knesset durant 22 ans et a conduit la fameuse faction rebelle du Likoud au moment du désengagement de Gaza menée par Sharon. Lieberman a relooké le Likoud en lui octroyant une audience russe et lui a offert un affreux côté raciste, assez appuyé. Appelons-le le "Likoud déchaîné" ».

La politique israélienne est aujourd’hui sujette à une course pour savoir quels nationalistes intransigeants tiendront les rênes du pouvoir. Dans un contexte de virage à droite, les ultras ont l’avantage et donnent ainsi le tempo. Comme je l’ai averti auparavant, nous nous dirigeons vers une vision sioniste sécularisée et russifiée, autoritaire, expansionniste et plus qu’hostile aux intérêts états-uniens et aux contraintes imposées par la « relation spéciale ».

Il n’y a pas beaucoup de controverses à propos de ce que Lieberman représente, même dans les rangs des supporters les plus fanatiques de l’Etat d’Israël. Marty Peretz, écrivant dans The New Republic, déclares qu’Israel Beytenou est « néo-fasciste » et dirigé par un gangster certifié qui est « l’équivalent israélien de Jorg Haider (aujourd’hui décédé) et de Jean-Marie Le Pen qui, avec Brigitte Bardot, est un des leaders du Front National en France ».

Bien qu’il y ait quelques similarités superficielles, Lieberman ne ressemble pas à ces politiciens de l’extrême droite européenne pour deux raisons importantes - hors sa totale dissemblance avec Bardot qui s’opposerait, sans aucun doute, à son obsession concernant le porc.

Pour commencer, Lieberman n’est pas un défenseur des normes culturelles traditionnelles et des valeurs religieuses dont Le Pen et Haider se font (ou se faisaient) les avocats. L’ancien videur s’est attiré les foudres des partis religieux qui le considèrent comme un agent de Satan pour avoir lutté contre les interdictions du porc, une viande appréciée par ses électeurs d’origine russe, et pour avoir essayé de casser le monopole orthodoxe sur le mariage en autorisant les cérémonies civiles. Plus important encore, les mouvements lepéniste et haiderien ne sont pas favorables à l’immigration. C’est la base de leur plate-forme politique, alors que Lieberman est lui-même un immigrant russe et le leader d’un parti composé d’immigrants récents. Le Pen, malgré toutes ses ruses, est un poujadiste, pas un vichyste, et le parti d’Haider était et est très similaire : un mouvement de bourgeois de classe moyenne qui s’opposent aux subventions accordées par l’Etat-Providence autrichien aux immigrants récents.

Lieberman et son parti sont d’une race très différente. Comme les nationaux-socialistes allemands, ils sont des ennemis jurés de la religion et de la tradition, plus exactement des révolutionnaires impatients d’en découdre avec les résidus de l’ordre ancien et veulent déloger cette « cinquième colonne » interne qu’ils considèrent comme une menace contre la nation. Comme je l’ai soulevé il y a quelques mois, ce que nous voyons en Lieberman est la preuve ultime que nous vivons, en effet dans « Bizarro World », et que la réalité est en train de nous tourner la tête. Parce que ce que nous voyons en Israël aujourd’hui est l’ascension au pouvoir d’un Hitler juif.

Les responsables états-uniens, traumatisés par l’éventualité qu’un maniaque meurtrier (Saddam Hussein, le Président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, Oussama Ben Laden) puisse avoir accès à des armes nucléaires, devraient se demander ce qui se passera si Lieberman pose ses mains dessus. Après tout, voici un homme qui appelait à bombarder Téhéran - et le haut barrage d’Assouan - et qui est susceptible de devenir ministre israélien des Affaires étrangères. Est-ce que quelqu’un y prête attention ?

A l’heure nucléaire, le « Likoud déchaîné » comme Daniel Levy l’avait appelé, est véritablement une force politique effrayante. Voici un autre exemple d’effet boomerang : le pays que nous subsidions et protégeons à coup de milliards de dollars (soutenant ses leaders et politiques jusqu’à la garde) est sur le point de devenir un Etat nucléaire voyou. Dans un tel cas, je ne me joindrai pas à ceux qui appellent à une invasion préemptive étatsunienne pour éliminer une menace imminente - mais ne pensez pas que je ne suis pas tenté.

23 février 2009 - AntiWar - Traduction : Ronny


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