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Avi Mograbi, seul contre tous

dimanche 1er mars 2009 - 07h:34

Mathilde Blottière
Télérama

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Iconoclaste et caustique, le cinéaste activiste Avi Mograbi, réalisateur du documentaire “Z32” actuellement en salles, dénonce les dérives de la société israélienne depuis vingt-cinq ans. Il ne se fait aucune illusion sur la portée de son film, et se montre très pessimiste quant à la droitisation de son pays et à l’avenir des Palestiniens.

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Avi Mograbi au centre sur le tournage de "Z32" - Photo : Les films du losange

Le Nanni Moretti du Moyen-Orient. C’est ainsi que la presse, souvent, le présente. Pour compléter le portrait, elle convoque aussi Michael Moore et son cinéma coup de poing. Avi Mograbi, 52 ans, s’est pourtant forgé un style qui ne ressemble à aucun autre. Une manière à la fois percutante et subtile, iconoclaste et cabotine, de « faire du cinéma poli­tique sans en avoir l’air ».

Apparu en 1997 dans Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon, son personnage de cinéaste-acteur, militant et burlesque, s’est imposé au fil d’une oeuvre au vitriol où se télescopent journal intime, fiction et documentaire. Vigie bouffonne d’une société israélienne en mal d’autocritique, Avi Mograbi filme là où ça fait mal. En 2003, Août (avant l’explosion) montrait comment la violence dirigée contre les Palestiniens revenait en boomerang. En pleine Intifada, Pour un seul de mes deux yeux (2005) osait un parallèle entre le mythe de Samson - héros juif « kamikaze » qui fait s’effondrer le Temple sur lui et des milliers de Philistins - et les bombes humaines du Hamas.

Z32, son ­dernier film, à l’affiche depuis une ­semaine, est une « tragédie musicale documentaire » où le témoignage terrifiant d’un ex-soldat de Tsahal - matricule Z32 - fait écho aux récentes exactions de l’armée israélienne à Gaza : « Mais cela fait tellement de temps que nous fermons les yeux sur les crimes de guerre commis par notre armée, soupire Avi Mograbi. Je pensais que je ne pourrais pas faire ce film : je me sentais inca­pable de collaborer avec un criminel de guerre qui me raconterait, assis dans mon salon, comment il a pris plai­sir à tuer. » Z32 est l’expression de ce malaise : « Le soldat se sert de moi pour trouver le pardon comme je me sers de lui en exploitant son histoire. »

Adolescent, lorsqu’il travaillait dans le cinéma familial, fondé en 1930 par son grand-père, à Tel-Aviv, Avi se rêvait en Coppola. Son père le voyait plutôt dentiste ou comptable. « On ne gagne pas d’argent avec des films, disait-il. Et il avait raison : aujourd’hui encore, je dois enseigner le cinéma pour vivre. » Le jeune Mograbi opte finalement pour la philosophie et les arts plastiques. Mais entre deux cours, il rôde sur les plateaux de ciné­ma, se fait engager comme chauffeur puis assistant... « Un jour, j’ai su que j’étais arrivé chez moi. » C’était en 1993, l’année de son premier documentaire. « J’avais enfin trouvé mon sujet de prédilection : la réalité. »

Chez Mograbi, les combats du citoyen et le travail du cinéaste ne font qu’un. C’est en tant que bénévole de l’association de vétérans Shovrim Shtika (Brisons le silence) que Mograbi entend le témoignage du soldat Z32. De même, certaines scènes de Pour un seul de mes deux yeux ont été filmées alors qu’il participait à une ­action humanitaire dans les Territoires occupés. Programmateur d’un ciné-club consacré aux films palestiniens, Avi Mograbi est sur tous les fronts : en 1983, il paie d’un séjour en prison son refus de combattre au ­Liban ; vingt ans plus tard, le voilà membre actif du forum des parents de réfractaires et défenseur de son propre fils, emprisonné en tant qu’objecteur.

Ces jours-ci, Mograbi l’activiste se dit fatigué. Ec ?uré. Changer la vie via le cinéma ? « Personne n’a réagi au massacre de Gaza, et Z32 lèverait les foules ? A côté d’une telle horreur, on dirait une comédie romantique... »

Programmé sur une chaîne du câble, le film ne sortira pas en salles en ­Israël. « Personne n’en veut. Mais même lorsqu’un film politique a du succès il ne se passe rien. Cent mille personnes ont vu Valse avec Bachir et le seul débat qu’il a suscité concerne les techniques d’animation... »

Un ave­nir meilleur pour les Palestiniens ? « Je n’ai aucun espoir. La majorité de mes concitoyens ont soutenu l’offensive sur Gaza comme s’ils étaient victimes de leur propre propagande. Israël ne cesse de se droitiser. Avec ces élections, ce processus atteint son paroxysme et les extrémistes vont conduire le pays jusqu’au prochain bain de sang. Je ne suis absolument pas surpris, seulement triste. »

24 février 2009 - Télérama - Vous pouvez consulter cet article ici :
http://www.telerama.fr/cinema/seul-...


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