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Ignorer les racines du conflit

mercredi 28 janvier 2009 - 20h:30

Dalila Mahdawi
The Electronic Intifada

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Mon oncle, ma tante et mes cousins à Gaza n’ont pas pris une douche depuis plus de deux semaines maintenant. J’y mets un point d’honneur parce que Samuel Wurzelbacher, autrement connu comme "Joe le Plombier" qui a été propulsé sous les projecteurs pour avoir posé une question au Président américain, élu depuis, Barack Obama, est devenu soi-disant un "correspondant de guerre" à Sderot la ville israélienne du sud.

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Un jeune garçon palestinien se tient derrière le grillage d’une école des Nations Unies où, avec ses parents, il s’est réfugié au moment de l’offensive israélienne - Photo : Hatem Omar/MaanImages

S’exprimant devant le Guardian de son nouveau poste, il a parlé avec sympathie comment la vie doit être difficile pour les résidents de Sderot. "Les gens de Sderot ne peuvent pas faire les choses normales de chaque jour, comme avoir du savon dans leurs yeux sous la douche, par peur qu’une roquette ne leur tombe dessus. Je suis sûr qu’ils prennent des douches rapides. Je sais que je le ferais."

Je me demande ce que Wurzelbacher aurait fait, alors, de la vie de "chaque jour" des gens à Gaza, dont les réservoirs d’eau sont asséchés, qui n’ont pas d’électricité et dont beaucoup se débattent pour payer la farine, dont le prix a sauté vers environ 160 shekels (environ 40$) le sac en raison de l’attaque récente.

Je me demande, aussi, ce que Wurzelbacher aurait pensé de la discussion récente entre mon oncle et sa femme concernant la famille et les dispositions pour dormir. Quand Israël a commencé sa dernière campagne militaire le 27 décembre, ma tante voulait que tout le monde dorme dans la même pièce pour que tous meurent ensemble si la maison est bombardée. Cependant, mon oncle pensait qu’ils devraient se disperser pour augmenter la chance pour que quelqu’un survive.

Wurzelbacher est parmi beaucoup qui ne savent pas ou qui choisissent d’ignorer le fond du conflit israélo-palestinien. Ce que les Israéliens ont lâché sur Gaza n’est pas tout simplement dû à la chute des roquettes sur les maisons des Israéliens, comme notre ami le débutant de journaliste voulait nous faire croire.

Est ce que Wulzerbacher s’est jamais posé la question ce qui pousserait un être humain à lancer une roquette en premier lieu ? Clairement, les Israéliens vivent sous le feu des roquettes parce que leur gouvernement poursuit depuis 41 ans une politique d’occupation et de nettoyage ethnique contre les Palestiniens. C’est irrationnel et hypocrite de penser que les gens de la Cisjordanie ou de Gaza, dont beaucoup sont des réfugiés des villages remplacés aujourd’hui par les villes israéliennes comme Ashkelon et Sderot, n’ont aucun droit de s’opposer à leur extermination.

Pour emprunter cette expression usée si souvent utilisée par les Israéliens, personne ne pourrait tolérer pour longtemps ceux qui l’attaquent. Cependant, c’est précisément ce qui est attendu des Palestiniens.
Il ne faut pas oublier que longtemps avant que Hamas ne soit une figure emblématique du paysage politique palestinien, l’état d’apartheid d’Israël faisait tout ce qu’il pouvait pour rendre la vie insupportable aux Palestiniens dans la Bande de Gaza et de la Cisjordanie, dans le cadre d’un plan concerté de débarrasser la Palestine historique des habitants qui y sont nés.

Selon le groupe de droits de l’homme israélien B’Tselem, Israël a érigé entre 1967 et 2007, 121 colonies dans la Cisjordanie, avec 100 "avant-postes" illégaux supplémentaires, dans lesquels vit la plupart des colons juifs de droite. "Douze autres colonies se situent sur les territoires annexés par Israël en 1967 et la partie faite de Jérusalem," déclare le groupe. Même en prétendant négocier un accord de paix l’année dernière, Israël était occupé à planifier et construire de nouvelles colonies. Aucun Palestinien ne peut entrer dans ces colonies juives exclusives, qui sont lourdement gardées par les soldats, ni ne peut utiliser les routes qui leur mènent, bâties sur la terre palestinienne confisquée.

Israël a essayé de saper la possibilité d’un état palestinien contigu et viable toujours émergeant en érigeant un Mur d’Apartheid qui serpente à travers la Cisjordanie et ronge plus de terre palestinienne. Ce symbole puissant d’apartheid, qui est considéré illégal par la Cour internationale de justice, a divisé des familles, séparé des fermiers de leur terre, des étudiants de leurs écoles et universités, des ouvriers de leurs travaux et des malades de leurs traitements médicaux. Pour aller n’importe où en Cisjordanie, les Palestiniens doivent traverser une myriade de blocs routiers et de postes de contrôle, transformant ainsi un simple trajet en une expérience humiliante frustrante et consommatrice de temps. Les Palestiniens sont soumis à une détention arbitraire, des fouilles de bagages, des fouilles corporelles et des interrogatoires par les soldats israéliens à leur guise. Ils ont besoin d’un permis spécial pour entrer dans Jérusalem, en le rendre pratiquement limite impossible aux Palestiniens vivant dans la Cisjordanie et Gaza.

Les Palestiniens sont soumis aux couvre-feu, certains durant jusqu’à 40 jours, pendant lesquels on leur interdit de quitter leurs maisons. On leur accorde quelques permis pour construire ou réparer leurs maisons et Israël punit ceux qui construisent sans approbation en démolissant leurs maisons. Dans un acte de punition collective, Israël démolit aussi au bulldozer les maisons de familles de ceux soupçonnés être des combattants de résistance, souvent sans prévenir qui sont à l’intérieur à l’avance. Le Comité israélien contre les Démolitions de Maison estime que plus de 19 850 maisons palestiniennes dans la Cisjordanie ont été démolies depuis 1967.

Une "loi de retour" signifie que n’importe qui dans le monde qui prétend être de descendance juive peut avoir la citoyenneté israélienne. En même temps, les Palestiniens comme mon propre père n’ont aucun droit de revenir à l’endroit où ils sont nés, sans parler de transmettre leur nationalité à leurs enfants. Le mouvement des Palestiniens est surveillé et contrôlé de près par les Israéliens. Mon cousin, qui s’est déplacé de Gaza pour vivre dans son village natal en Cisjordanie est porté disparu depuis deux semaines maintenant.

Il est probable qu’il a été arrêté pour cette soi-disant violation (comme il avait seulement un permis de visite), mais les Israéliens ne se sont même pas gênés pour informer quelqu’un où il se trouve.

Ces listes ennuyeuses de griefs, qui pourraient s’étendre sur des pages, illustrent qu’aucun Palestinien, qu’il choisisse de résister ou pas à l’oppression israélienne, ne peut échapper à l’humiliation et la dégradation rituelles de l’occupation. Maintenant ça devrait être plus clair à Wurzelbacher que c’est ce régime quotidien de confiscation, de désespoir, d’humiliation et de discrimination qui contraint des Palestiniens à s’opposer aux politiques d’exclusion d’Israël, comme étaient contraints les Américains Natals et les Sud-africains noirs à s’opposer à leur oppression.

Même Ehud Barak, le ministre de la Défense israélien, qui a joué un rôle crucial dans la conception de l’attaque sur Gaza, admet ce fait. En 1998 il a dit au quotidien israélien Haaretz que "si j’étais un Palestinien avec le bon âge, je rejoindrais en fin de compte une des organisations terroristes".

Aucune famille à Gaza n’est sortie physiquement ou psychologiquement indemne de la dernière attaque en masse israélienne pour écraser les Palestiniens. A travers leur utilisation impudique d’une extraordinaire force militaire, les Israéliens ont semé les graines de la future génération de combattants de résistance palestiniens. Les enfants qui étaient témoins de leurs parents, frères et s ?urs brûlés par le phosphore blanc, écrasés par une bombe, ou criblé de balles n’oublieront jamais de telles horreurs.

Cela sans rien dire du blocus total qu’Israël continue à imposer sur Gaza. Cependant, les Palestiniens ne seront pas réduits par le fait qu’ils soient battus, pilonnés ou affamés. La résistance palestinienne violente et non-violente continuera jusqu’à ce qu’Israël desserre son poing de fer et accepte une paix juste et équitable. Finalement, la justice pour les Palestiniens est le seul moyen pour Israël d’être "un État" plutôt qu’un État d’apartheid et comme ça elle garantit vraiment la sécurité de ses propres citoyens.

22 janvier 2009 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Cha’am


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