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Elias Sanbar et Mardam-Bey :
« Il n’y aura pas de guerre civile en Palestine »

jeudi 18 janvier 2007 - 09h:15

Mokrane Ait Ouarabi

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Participant à la nouvelle édition des Débats d’El Watan, jeudi à Alger, consacrée à la question palestinienne, M. Sanbar a présenté une communication sur les fondements de l’identité palestinienne.

Elias Sanbar et Mardam-Bey aux débats d’El Watan, le 24 juin 2006.

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Les affrontements se limitent à des groupes d’individus. Le peuple palestinien observe de loin ces scènes non sans regret. » Avec cette déclaration, Elias Sanbar, historien palestinien, écarte le spectre d’une guerre civile qui plane sur le ciel agité de la Palestine.

M. Sanbar a présenté une communication sur les fondements de l’identité palestinienne. Il a rassuré qu’« il n’y aura pas de guerre civile en Palestine », en soulignant l’existence d’« une cohabitation sous occupation » entre les deux forces politiques palestiniennes, élues légitimement et de manière transparente par le peuple, à savoir le mouvement Hamas d’un côté et le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas du Fath, de l’autre côté. Pour étayer ses propos, le conférencier met en exergue les capacités de l’Organisation pour la libération de la Palestine (OLP) dans la fédération des forces multiconfessionnelles qui forment la société palestinienne.

Pour lui, si Hamas accepte d’entrer en négociations avec Israël, c’est parce qu’il sait bien que le peuple refuse que ses représentants agissent en rangs dispersés. Continuant sur sa lancée, Elias Sanbar dira avec beaucoup d’insistance que le peuple palestinien n’a pu résister pendant 117 ans à l’occupant que grâce à son unicité et sa solidarité. « Il n’a pas besoin de recevoir de leçons en solidarité des pays arabes », a-t-il martelé avant d’ajouter que « les contradictions internes sont un signe de diversité et de vivacité ».

Selon lui, les critiques soulevées à la suite de l’accession au pouvoir du Hamas ne sont qu’un « alibi de la partie israélienne ». Il explique ainsi qu’Israël a pris en otage le peuple palestinien en utilisant Hamas comme un alibi pour, en finalité, frapper de plein fouet le mouvement libérateur palestinien. L’objectif n’est donc pas de « briser » le mouvement islamiste Hamas, mais de « casser » définitivement l’élan libérateur de la Palestine.

Avec sa pertinence habituelle, M.Sanbar s’emploie ainsi à décortiquer cette nouvelle stratégie du Premier ministre israélien actuel, Ehud Olmert. Ainsi, il indique que M.Olmert « tend à disqualifier les représentants du mouvement national palestinien pour faire croire qu’il veut la paix, mais qu’il ne trouve pas d’interlocuteur ». Cette autre vision stratégique du gouvernement israélien est dictée par la nouvelle donne internationale qui fait que Israël ne peut pas aujourd’hui s’opposer à toute initiative de paix même si, au fond elle, elle ne veut nullement de « cette paix ». De ce fait, note M.Sanbar, Israël tente de profiter des contradictions entre les dirigeants palestiniens pour opérer sa « propre paix », celle de l’extermination et de l’effacement identitaire.

Oslo et la fin du sionisme

Revenant sur les Accords d’Oslo de 1993, M.Sanbar, qui avait pris part aux négociations avec Israël parrainées par les Américains, considère que c’était un événement « déterminant » de l’avenir identitaire palestinien. « Ces accords ont marqué un tournant capital dans la lutte du peuple pour le recouvrement de ses droits et signent le début de la fin de la mythologie du sionisme », a-t-il soutenu. Selon lui, ces accords ont porté un coup fatal à l’édifice de l’idéologie sioniste, qui est basée sur l’occultation d’une histoire, l’effacement de l’identité palestinienne et la création du vide dans les territoires palestiniens en procédant au remplacement systématique des autochtones par des colons.

Pour appuyer sa thèse, M.Sanbar a tenu à préciser que « jusqu’à Oslo, tout ce qui bougeait du côté palestinien était en direction de l’extérieur des territoires. Mais après la signature de ces accords, les Palestiniens commençaient à rentrer dans leur pays, contrebalançant ainsi le phénomène programmé par le mouvement sioniste ». En effet, la stratégie d’occupation version sioniste se reposait plutôt sur « la création du vide » à travers les expulsions massives des habitants, les assassinats collectifs, mais surtout les changements de nom des lieux et l’effacement de la mémoire.

M. Sanbar, qui se réclame du courant libéral et laïc et qui milite pour une Palestine fédérale, multiconfessionnelle et plurielle, a précisé qu’après le renversement des Palestiniens de cette « tendance du nettoyage par le vide », les idéologues sionistes ont revu leur stratégie, car ils ont compris que l’ère de l’effacement identitaire est terminé. Pour preuve, le conférencier évoque le grand débat au sein de la société israélienne qui a eu lieu juste après l’ouverture des négociations israélo-palestiniennes.

Cependant, Elias Sanbar reconnaît que les négociateurs palestiniens des Accords d’Oslo, dont il faisait partie, ont été « doublés » par leur direction. « Au moment où nous menions les négociations, les Américains entraient en négociations directes avec l’Autorité palestinienne qui a fini par accepter de signer les accords », a-t-il dit. Pour lui, cela n’est nullement « étonnant ». « Je ne pense pas qu’il y ait une direction d’un pays au monde qui va donner la primauté de négociations à ses représentants subalternes », a-t-il justifié. Aussi, M.Sanbar admet que les questions essentielles, comme les colonies, ont été écartées dès le début de ce tête-à-tête.

Selon lui, il y avait un choix à faire entre « jouer cette partie ou la suivre des gradins ». Pour cela, les dirigeants palestiniens ont préféré ne pas rester hors jeu, car les rapports de force sont totalement en faveur d’Israël. Mais ce qui a encore joué en faveur des intérêts israéliens, c’était l’absence du parrain russe de ces négociations. « Les négociations, qui devaient se dérouler sous le parrainage des Etats-Unis et de la Russie, n’ont vu finalement que la présence américaine.

Ayant constaté l’absence du représentant russe, notre délégation a refusé d’ouvrir la séance, exigeant la présence du parrain russe. Le représentant américain nous a promis que le Russe est dans le bâtiment et qu’il nous rejoindra d’un moment à l’autre rien que pour entamer les négociations. Par la suite, il s’est avéré que ce dernier n’était pas venu et qu’il s’agissait d’un pur mensonge pour mener seul les négociations », a-t-il souligné.

Il estime que ce grand problème dans les négociations est le tête-à-tête. Il trouve ainsi qu’il est « capital » à l’avenir de briser « le tête-à-tête » et arriver à mener des négociations multilatérales. Il est aussi « vital », pour lui, de gagner la présence européenne dans ces négociations. « Sinon, nous sommes très petits en matière de force », a-t-il observé.

Isolement

Par ailleurs, Farouk Mardam-Bey, historien et écrivain, qui dirige la Revue d’Etudes palestiniennes, est revenu dans sa communication sur le rôle des Etats arabes dans le traitement de la question palestinienne. Livrant à l’assistance une percutante analyse, l’orateur considère que les Arabes ont « failli » à leur devoir et souvent ils ont agi à l’aveuglette sans prendre connaissance réellement du « poids » de leur adversaire. Cela a été démontré par la défaite militaire que leurs armées combinées ont essayé en 1967.

Il explique aussi qu’au moment où les Israéliens mettaient à leur profit l’élan de solidarité internationale qui leur a été affiché suite à la découverte des horreurs nazies, les Arabes versaient dans des luttes fratricides. M.Mardam-Bey, co-auteur d’un ouvrage intitulé Etre arabe, a tenu aussi à relever le fait que les Arabes agissaient tout le temps en rangs dispersés. « A chaque fois, on se retrouvait avec deux camps arabes opposés qui s’affrontaient », a-t-il précisé.

Selon lui, cela a beaucoup desservi la cause palestinienne. Avec le temps, les Palestiniens ont compris qu’il fallait prendre le destin en main et en finir avec le parrainage arabe qui le menait à chaque fois droit dans le mur. Mais entre-temps, les Israéliens, aidés par les Américains, tentaient d’isoler les Palestiniens. Il explique cela par l’offensive diplomatique menée auprès de certains pays arabes avec lesquels ils (les Israéliens) ont réussi à tisser des relations diplomatiques. Il s’agit par exemple du Qatar et du Maroc qui ont actuellement des relations diplomatiques avec Israël.

Mais, d’après le conférencier, l’offensive ne s’est pas arrêtée à ce niveau. Elle s’est poursuivie à l’endroit des pays musulmans comme l’Indonésie et certains pays de l’ex-République soviétique. A cette offensive israélienne s’ajoute l’intervention américaine en Irak, dont l’objectif, toujours selon M.Mardam-Bey, est d’isoler davantage le peuple palestinien. Face à cet « encerclement », l’orateur estime que les autorités palestiniennes doivent reprendre l’offensive diplomatique et relancer clairement l’initiative palestinienne pour la paix sur des bases solides. M.Sanbar partage le même avis.

Les deux conférenciers pensent qu’il faut avant tout que les Palestiniens évitent les dissensions internes et ?uvrent de telle sorte à ce qu’ils diversifient leurs interlocuteurs pour sortir du giron américain, qui travaille les seuls intérêts israéliens. Pour eux, l’implication de l’Union européenne, de la Chine ou de la Russie pourrait rééquilibrer un tant soi peu les rapports de force, surtout que les Américains sont en train de se préparer pour une « guerre féroce » contre la Chine à travers notamment la « balkanisation » de l’Irak, a précisé en définitive M.Mardam-Bey.

Edition du 24 juin 2006 > Actualité
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