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Gaza : Après le Déluge

dimanche 18 janvier 2009 - 16h:42

Tariq Ramadan

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Gagné-Perdu...Perdu-Gagné ?

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Tariq Ramadan

Le premier ministre Ehut Olmert a annoncé que le gouvernement israélien avait obtenu ce qu’il voulait et qu’il pouvait envisager unilatéralement un cessez-le-feu. Après une « guerre », une offensive, et au fond un carnage de trois semaines, l’administration israélienne « entend » les voix de l’indignation à travers le monde. Un retour au calme serait donc possible, et la paix envisageable.

De nombreux analystes et commentateurs, dont le rédacteur en chef de la BBC pour le Moyen-Orient, Jeremy Bowen, mettent en évidence les calculs politiciens et stratégiques qui ont conduit à cette décision. Si l’humanitaire et le respect de la vie des civils avaient vraiment joué un rôle, ce cessez-le-feu aurait été décidé bien avant.

Après avoir décimé la bande de Gaza, et en stoppant unilatéralement son offensive, Israël, d’une part, se donne les moyens d’accueillir le nouveau président Barack Obama (qui prend ses fonctions le 20 janvier) en position de force (mais plus dans un rôle d’agresseur effectif) et il place, d’autre part, les Palestiniens dans une situation difficile : obligés de se plier aux conditions d’Israël, toutes manifestations de résistance les mettraient du côté des agresseurs et Israël aurait toute latitude pour recommencer l’offensive par « légitime défense ».

Lavé l’affront de l’été 2006 en face du Hezbollah libanais ; rétablie la confiance des Israéliens vis-à-vis de leurs dirigeants politiques juste avant les élections israéliennes de février 2009 (à l’instar du ministre de la défense Ehud Barak dont la côté de popularité a grimpé ces derniers jours) et, enfin, symboliquement brisée la force de résistance de Hamas à Gaza (un accord contre le « trafic d’armes » en direction de Gaza a de plus été signé avec les Etats-Unis) : une victoire stratégique apparemment totale. Israël est en position de force, l’ « autorité palestinienne » en déroute et « la communauté internationale » ne peut que prendre acte du « fait accompli ». Sombres calculs, sombre tableau : nul ne pourra contester aux responsables israéliens le génie du calcul politique et de la maîtrise de la communication (politique autant que médiatique).

Il faudra pourtant faire les comptes et rendre des comptes. Car enfin des limites ont été dépassées dans les dernières actions militaires menées par Israël. Une population enfermée dans 360 km2, coupée du monde, sans ressources (ni alimentaires, ni médicales, ni militaires), et livrée à une offensive acharnée et à des bombardements aveugles. Les organisations internationales et les premiers médecins à entrer dans Gaza témoignent des horreurs et de l’ampleur du carnage.

Chris Gunness, le porte-parole de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), répète que des enquêtes devront être impérativement menées pour déterminer si des « crimes de guerre » ont été commis par l’armée israélienne, notamment (entre autres), lors du bombardement de l’école (où étaient réfugiés des civils) et de l’hôpital de Gaza (dont l’exacte localisation avait pourtant préalablement été indiquée aux autorités israéliennes par les responsables Nations Unies). Il faudra « établir des enquêtes indépendantes » et « rendre des comptes », répète-t-il avec force. Il faudra, oui, certainement.

La dernière offensive israélienne, bien que stratégiquement intelligente sur le court terme, pourrait bien avoir été la plus contreproductive de son histoire sur le long terme.

Au-delà des tergiversations des gouvernements d’Occident ou d’Orient ( à l’exception du Venezuela, de la Bolivie et des syndicats norvégiens), le sentiment des populations à travers le monde a bien évolué : on n’ « achète » plus aussi facilement les thèses israéliennes. Le rejet et la condamnation s’étendent. Stéphane Hessel, ancien déporté, rescapé de l’extermination, ex-ambassadeur français a affirmé, faisant écho au sentiment général, que, sur le long terme, Israël, qu’ « [il] aime tant », était en train de creuser sa propre tombe en agissant de la sorte.

Il faut cesser l’arrogance, affirme-t-il, respecter le droit international et les résolutions de l’ONU et entrer dans un vrai dialogue avec toutes les composantes palestiniennes (Hamas compris car si ceux-ci ne reconnaissent pas formellement Israël, ils ont prouvé qu’ils savaient être pragmatiques en acceptant il y a plusieurs années déjà les frontières de 1967). Israël ne pourra pas longtemps encore se cacher derrière « des prétextes » pour ne pas faire la paix : que ce soit avec le Fatah, Yasser Arafat, Mahmoud Abbas, le Hamas ou autres...aucun des interlocuteurs n’a rien obtenu au final (avant et après les accords d’Oslo).

Rien n’est fini au Moyen-Orient, rien n’est acquis. Au-delà des émotions et de la désolation, il faut poursuivre la lutte pour une paix digne, juste et durable. J’ai lancé avec d’autres intellectuels à travers le monde, le Mouvement Global de Résistance Non Violente (www.tariqramadan.com), pour faire respecter le droit des Palestiniens à la vie, à la dignité, à l’égalité et à un Etat. L’existence d’Israël est un fait, il ne s’agit pas de le nier.

Il est impératif néanmoins de reconnaître le droit des Palestiniens à leur Etat : on peut diverger sur les solutions (deux ou un Etat binational - qui est à mon sens la seule solution viable-) mais on se doit de rester ferme sur le principe de ce droit.

La politique israélienne du fait accompli sur le terrain rend de plus en plus impossible l’émergence d’un Etat palestinien. Tout le monde le sait. Il faut pourtant le dire et le répéter, rompre le silence, s’opposer à l’occupation, refuser le blocus à Gaza, s’opposer à la lente expansion des colonies de peuplement en Cisjordanie.

C’est le silence international qui, somme toute, produit la violence locale : c’est à nous, aujourd’hui, citoyens à travers le monde, de continuer la lutte de l’information et de la résistance. Sans violence, avec l’arme de l’intelligence et de la critique, au nom du droit et de la dignité. Quand la guerre a fini d’ébranler nos émotions dans l’instant, il importe que notre sens de la justice réveille nos intelligences dans le temps. Ce n’est malheureusement pas gagné... nous oublions si vite !

Du même auteur :

- Au nom des Palestiniens - 4 janvier 2009
- Droits Humains niés pour les Palestiniens - 31 octobre 2008
- Israël, le sens d’un boycott : il s’agit de ne pas nous taire ! - 1° mars 2008
- Israël invité d’honneur à Turin et Paris : appel au boycott - 6 février 2008

18 janvier 2009 - Tariq Ramadan - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.tariqramadan.com/spip.ph...


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