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Bombarder la prison de Gaza pour la rendre plus sûre pour Israël

samedi 10 janvier 2009 - 07h:19

Jonathan Cook

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Les objectifs d’Israël seront atteints, que le Hamas résiste ou soit renversé, du moment qu’il est écrasé politiquement.

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Avec ses bombardements sur Gaza, Israël détruit les maisons palestiniennes et, espère-t-il, politiquement le Hamas.(Photo boston.com)




Deux mythes persistent à propos de l’objectif de l’attaque d’Israël contre Gaza : le premier la présente comme une manoeuvre entièrement défensive, une façon de mettre fin aux tirs de roquettes du Hamas ; et le second la dit conçue pour restaurer la crédibilité de l’armée après son échec pour en imposer au Hezbollah en 2006.

Il est certain que ça démangeait l’armée israélienne de redorer son image et que les attaques de roquettes depuis Gaza ont créé des pressions internes qui n’étaient que trop visibles sur un gouvernement israélien confronté à une élection.

Mais il y aurait un énorme malentendu sur ce qui se déroule dans la bande de Gaza si on croyait que les motifs d’Israël étaient extravagants. Les politiciens et les généraux préparaient cette attaque depuis de nombreux mois, voire des années, et ce fait à lui seul montre qu’ils ont des objectifs plus importants que ceux qu’on leur prête communément.

Israël a saisi ce moment particulier - avec des politiciens occidentaux en somnolence tant pour raison de congés que de renouvellement des administrations à Washington - parce qu’il lui permettait d’exécuter son plan le plus longtemps sans ingérence diplomatique.

La pression sur Israël pour arriver à un règlement politique va cependant grandir car l’inauguration de Barack Obama le 20 janvier approche. C’est pourquoi, alors que l’armée met toujours plus de force dans ses actions contre les centres urbains du Hamas, les grandes lignes du plan israélien commencent à devenir visibles.

En dépit des discussions en Israël selon lesquelles l’occasion de renverser le Hamas est à portée de main, cette voie n’est pas à suivre. Les objectifs d’Israël seront atteints, que le Hamas résiste ou soit renversé, du moment qu’il est écrasé politiquement.

Certes, une réoccupation permanente de l’enclave avec un million et demi d’habitants n’est pas souhaitée par Israël qui a retiré ses colons et ses soldats en 2005, précisément parce que les coûts démographique, économique et militaire du contrôle direct sur les camps de réfugiés de Gaza étaient considérés trop élevés.

Un nouveau cessez-le-feu s’impose donc, semblable à celui qui vient d’expirer le 19 décembre. Les questions sont : qui le « signera » et quelles en seront les conditions ?

Ecrivant dans The Jerusalem Post cette semaine, le dirigeant néoconservateur à Washington, Martin Kramer, suggère que l’objectif d’Israël était de conclure un accord avec Mahmoud Abbas et d’en restaurer l’autorité dans Gaza. « En le qualifiant d’ ?Union nationale’, le Hamas devait avaler la pilule » assure-t-il.

Qu’Abbas et son parti, le Fatah, puissent prendre la bande de Gaza derrière les chars d’assaut israéliens peut passer pour une bonne idée pour les néocons qui nous ont apporté « le changement de régime » en Iraq, mais peu en Israël, dans le gouvernement ou dans l’armée, semblent croire qu’elle soit réalisable.

En tout cas, il semble qu’Israël veuille maintenir la distinction entre l’ « autorité » du Fatah sur les ghettos de Cisjordanie qu’Israël a créés, et le contrôle de la prison du Hamas qu’est devenue la bande de Gaza. La vision israélienne pour la Cisjordanie dont d’importantes parties sont annexées dépend de sa rupture politique avec Gaza.

Israël préfère poursuivre à nouveau sa méthode diplomatique préférée : l’unilatéralisme. Selon des officiels cités dans les journaux locaux, Israël veut un accord qui soit approuvé par les Etats-Unis et les gouvernements occidentaux, mais qui passe au-dessus de la tête du Hamas et des Palestiniens.

Lors d’une récente réunion de cabinet, Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, l’exprimait en ces termes : « Nous n’avons nullement l’intention de conclure un accord diplomatique avec le Hamas. Ce dont nous avons besoin, c’est d’accords diplomatiques contre le Hamas ».

D’après les derniers articles, le cessez-le-feu exigerait comme précédemment que le Hamas empêche tout tir de roquettes depuis la Bande, mais il introduirait aussi ce que les officiels appellent en terme vague un « mécanisme » sur la seule frontière avec Gaza qui ne soit pas sous le contrôle d’Israël.

Durant son long blocus, Israël a pu empêcher les marchandises, y compris les produits alimentaires, les médicaments et les carburants, d’entrer dans la bande de Gaza par les passages frontaliers de ses deux frontières terrestres avec la Bande, pendant que ses bateaux sillonnaient la côte. Mais, au sud, près de Rafah, la bande de Gaza a une courte frontière terrestre commune avec l’Egypte.

Avant le désengagement de 2005, Israël a cherché également à contrôler cette quatrième frontière et pour ce faire, il a rasé aux bulldozers toute une bande de terre, y démolissant toutes les maisons palestiniennes, pour créer un no man’s land entre Rafah et l’Egypte. On a appelé cette zone tenue sous la surveillance des miradors de l’armée, le couloir de Philadelphie.

Après le retrait, Israël espérait que le mur d’acier longeant la frontière à Rafah et la surveillance du point de passage avec l’Egypte feraient en sorte que rien ne pourrait entrer ou sortir sans son approbation.

Toutefois, une petite industrie privée de creusements de tunnels sous le mur a rapidement prospéré, devenant une bouée de sauvetage pour le Gazaoui ordinaire et un point de passage pour la contrebande d’armes pour le Hamas.

L’Egypte n’a pas eu d’autre choix que de fermer les yeux malgré sa position très inconfortable avec un parti islamique au pouvoir à sa porte. Elle doit faire face elle-même à des pressions nationales à propos de la catastrophe humanitaire visiblement créée dans la bande de Gaza.

Pour Israël, l’invasion en cours aura échoué à moins que cette fois il reprenne le contrôle absolu sur la frontière de Rafah, réduisant à néant les prétentions du Hamas de diriger la Bande. Le « mécanisme » exige par conséquent que la responsabilité technique ne repose plus sur les épaules égyptiennes.

Selon le plan israélien, elle passerait aux Américains, dont les compétences viseraient à faire cesser l’industrie des tunnels et à empêcher le Hamas de reconstituer son arsenal une fois l’invasion terminée.

Israël pourrait en outre rechercher la participation de forces internationales pour diluer les critiques que, par suite, les opinions arabes pourraient diriger contre l’Egypte.

Une fois que le Hamas n’aura plus l’espoir de se réarmer ni de s’attribuer le mérite de l’aide sociale aux Gazaouis, Israël permettra probablement des approvisionnements en aides humanitaires suffisants pour apaiser les gouvernements occidentaux après les images d’enfants de Gaza frigorifiés et affamés.

Ghassan Khatib, analyste palestinien, estime que dans ce scénario, Israël insistera sans doute pour que de tels ravitaillements n’entrent que par le passage avec l’Egypte, « répondant ainsi à un autre objectif stratégique : mettre Gaza sous la responsabilité de l’Egypte ».

Et une fois que le problème gazaoui ne relèvera plus d’Israël, Abbas et son régime en Cisjordanie se retrouveront plus isolés que jamais. Sans nul doute, l’espoir en Israël est que, avec une bande de Gaza expédiée, la pression se fasse plus forte sur l’Autorité palestinienne pour qu’elle concède, dans le cadre d’un accord de « paix », encore plus de terre palestinienne dans Jérusalem-Est et en Cisjordanie.

Jonathan Cook est écrivain, il vit à Nazareth, en Israël. Ses derniers livres sont : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran ant the Plan to Remake the Middle East
(Pluto Press), et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books).

Son site : http://www.jkcook.net.

Du même auteur :

- Le véritable objectif du massacre dans Gaza
- L’objectif d’Israël : mettre Gaza à genoux

7 janvier 2009 - The Electronic Intifada - traduction : JPP


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