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Interview : Hanan Ashrawi

jeudi 4 décembre 2008 - 06h:37

Al Jazeera.net

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Hanan Ashrawi, une grande figure politique, est d’un optimisme très prudent quant l’impact que Barack Obama, le nouveau président élu aux Etats-Unis, et son administration auront sur le processus de paix Palestinien-Israélien.

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Hanan Ashrawi

Al Jazeera a eu un entretien avec Ashrawi alors qu’elle était en visite à Doha, la capitale du Qatar.

Al Jazeera - Avec le nouveau gouvernement à venir au États-Unis et Hillary Clinton nommée comme secrétaire d’état, à votre avis allons-nous voir cette administration adopter une position semblable envers le processus de paix au Moyen-Orien, qu’à celle qui prévalait sous l’administration de Bill Clinton ?

Hanan Ashrawi - Tout d’abord, nous ne devons pas personnaliser les questions. Je ne pense pas que ce soit une question d’individus. C’est une question, tout d’abord, d’une équipe dans son ensemble et de ses vues politiques. Les positions politiques d’Obama indiquent certainement qu’il veut s’impliquer. Il ne veut pas remettre des choses à plus tard jusqu’à tout à la fin [de son mandat] comme [Bill] Clinton et Bush l’ont fait. Et deuxièmement, il marque la fin de l’administration Bush qui a été désastreuse pour tout le monde.

Ceci dit, je dois prévenir contre n’importe quel type d’optimisme peu réaliste. Il y a des constantes dans la politique américaine - telle que l’alliance stratégique entre les Etats-Unis et Israël - qui ne vont pas être modifiées par des individus.

Les individus changent leurs positions personnelles et leurs positions politiques pour servir leurs intérêts et leurs carrières. Hillary Clinton était claire au sujet des droits des Palestiniens quand elle était la première dame, mais quand elle a concouru pour un siège au sénat pour New York, elle a fait un virage à 180 degrés et est devenue non seulement totalement pro-israélienne, mais proche de l’extrême-droite en Israël et hostile aux Palestiniens.

Plus tard, pendant qu’elle concourait pour la nomination [comme candidate à la présidentielle] au parti démocrate, elle a prononcé un discours à l’Aipac [représentant le lobby israélien aux Etats-Unis] qui aurait pu avoir été écrit par [Benjamin] Netanyahu [chef du Likud]. Puis plus tard elle a fini par dire qu’elle était partisante de la paix et d’une solution à deux états.

La question est de savoir comment l’équipe entière va définir la politique extérieure américaine - quelles sont leurs constantes et quelles sont leurs valeurs ? Et comment définissent-ils ce que sont les intérêts israéliens ?

C’est une équipe qui comprend Jim Jones [nommé par Barack Obama comme conseiller de la sécurité nationale] qui connait les réalités sur le terrain, et Hillary Clinton qui se rend également compte de ce qui se passe, et Barack Obama qui n’a pas besoin d’être instruit et qui a exprimé une volonté de s’impliquer. Nous verrons ce que cela donnera.

Nous devons également - comme Palestiniens et Arabes - engager la nouvelle administration dans un dialogue sérieux ; un discours sérieux au sujet des erreurs du passé ; au sujet de ce qui est exigé et au sujet de la sensation d’urgence qui doit maintenant dominer.

Vous ne pouvez pas laisser mijoter la question palestinienne. Vous ne pouvez pas laisser un vide politique. Vous devez avancer rapidement et vous devez placer des limites et des contraintes sur le comportement israélien.

Al Jazeera - L’initiative arabe de paix a été à mise en avant en 2007 ; que faut-il selon vous pour que cette initiative réussisse ?

Hanan Ashrawi - Je pense qu’il faut une volonté politique de la part des Arabes qui ont adopté cette initiative afin de la traduire en un processus réalisable. Si cette initiative reste simplement verbale et passe d’un document à l’autre et si l’on ne voit pas de réels progrès sur le terrain, alors ce ne sera rien d’autre qu’une initiative et un document de plus.

Cette initiative devrait être prise pour ce qu’elle est : une occasion historique unique pour aboutir à une solution. Si les Etats-Unis ne la voient pas en tant que telle - s’ils la gaspillent - tout le monde va en payer le prix. Les Palestiniens les premiers. Ainsi, l’initiative arabe doit être le modèle à suivre. Elle est simple, et parfois il y a de la vertu dans la simplicité.

Al Jazeera - Que vont signifier pour le processus de paix les élections israéliennes prévues en février ?

Hanan Ashrawi - C’est l’extrême-droite qui est en phase ascendante. Ce sont les vues politiques les plus extrémistes qui émergent maintenant. Très clairement Tzipi Livni [chef du parti Kadima] enlève toute valeur à ses propres déclarations publiques précédentes au sujet de la paix. Mettant en place de nouvelles lignes rouges. Les réfugiés... Elle a naturellement toujours été "à mort" contre le droit au retour. Parlant de la paix « dans l’avenir », parlant de Jérusalem en termes plus extrémistes. Elle concoure sur une base extrémiste.

Et elle critique Ehud Olmert [le premier ministre israélien, qui a démissionné comme chef du parti Kadima] pour avoir fait des déclarations trop conciliantes. Alors qu’il est dans une situation affaibli, et alors qu’il part, il essaye de briser quelques tabous et de parler de partager Jérusalem et de restituer les terres en disant que « s’il avait le temps » et « s’il était resté » qu’il aurait alors fait toutes ces choses.

Mais en ce moment le public israélien évolue vers la droite.

Il y a toutes les sortes de questions - pas uniquement la question palestinienne. La faiblesse du parti Kadima, la corruption. Il y a les questions internes, l’économie et ainsi de suite. Aussi le public israélien ferait une nouvelle erreur en élisant [Benjamin] Netanyahu, [chef du Likud]. Naturellement, vous ne pouvez jamais être sûrs de rien au sujet de la politique israélienne, la seule chose qui est sûre c’est qu’elle est imprévisible.

Al Jazeera - Le Hamas a déclaré qu’il ne reconnaîtra plus la légitimité de Mahmoud Abbas en tant que président palestinien après le 9 janvier. Quels genres de scénarios voyez-vous pour l’année qui vient ?

Hanan Ashrawi -

Je pense qu’il y a un bon nombre de discussions. S’ils ne reconnaissent plus la légitimité de la présidence - de la même manière qu’ils ne reconnaissent pas la légitimité de l’OLP [Organisation de Libération de Palestine] - ceci approfondira encore la division.

Je pense que nous devrions avoir une attitude positive et plus constructive. Nous devrions travailler ensemble et mener un dialogue sérieux, un dialogue sur l’essentiel, sur les causes de cette fissure avec du sérieux dans nos intentions, de la bonne volonté et un esprit de coopération pour résoudre non seulement une question de présentation [vis à vis de l’extérieur] mais aussi pour savoir comment réparer les dommages qui ont été faits.

Al Jazeera - Mais comment ce clivage entre les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie peut-il être dépassé ?

Hanan Ashrawi - Je pense qu’il y a un problème parce qu’il y a une lutte de pouvoir. Le partage de miettes de pouvoir.

Nous devons rétablir la démocratie palestinienne et nous devons créer un système où les divergences peuvent être résolues dans un cadre démocratique, pluraliste, non exclusif. Pas par des divisions et pas en parlant de pouvoir, mais en comprenant que la démocratie palestinienne signifie que nous avons à notre disposition des moyens pacifiques pour résoudre nos différences.

Nous devons avoir un dialogue critique. J’apprécie l’initiative égyptienne [pour réconcilier le Hamas et le Fatah], et avant cela l’initiative yéménite. Il est important que les Arabes jouent un rôle constructif, soutiennent vraiment les Palestiniens et nous aident à résoudre nos différences.

Nous avons toujours dit que nous devions unir la Cisjordanie et Gaza - pas géographiquement, excepté par un couloir - mais institutionnellement... les unir administrativement, légalement et politiquement par un système politique commun.

Naturellement nous sommes un seul peuple, mais si les division persistent nous serons dans un risque sérieux de créer deux systèmes séparés qui à l’avenir deviendront irréconciliables. En ce moment ils sont réconciliables et nous devons agir en conséquence.

Al jazeera - Pouvons-nous compter sur vous comme candidate dans une prochaine élection ?

Hanan Ashrawi - Non. J’ai décidé que je ne serais pas candidate. Vous pouvez compter sur moi pour soutenir de jeunes femmes, de jeunes responsables, la nouvelle génération pour qu’elle avance ses candidats.

Nous avons besoin des jeunes. Les gens de mon âge devraient savoir faire un pas de côté, soutenir et être solidaires avec les nouveaux dirigeants.

Nous vivons la situation désastreuse d’une direction qui ne sait pas laisser la place avec élégance, mais je place beaucoup d’espoir dans la génération plus jeune.

3 décembre 2008 - Al Jazeera.net - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.aljazeera.net/news/m...
[Traduction de l’anglais : Nazim]


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