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La libération de 250 prisonniers : un cadeau empoisonné

mercredi 3 décembre 2008 - 09h:56

Vincent Fortin - Al-Ahram/hebdo

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Palestine. 250 prisonniers palestiniens seront libérés par Israël à l’occasion du grand Baïram. Un acte qui rapproche encore un peu Mahmoud Abbass du gouvernement d’Olmert, au détriment du Hamas.

Il l’avait promis, c’est chose faite. Le Conseil des ministres israéliens a ratifié ce dimanche, à treize voix contre cinq, la libération de 250 prisonniers palestiniens pour le 8 décembre. Mark Regev, porte-parole d’Olmert, parle d’un « geste de confiance » apparemment habituel, à l’occasion annuelle du grand Baïram. Il signifie cependant plus qu’une « bonne vieille coutume » cette année, quoi qu’en dise le premier ministre israélien.

Cette libération se tient à l’écart de toute négociation avec le Hamas pour la libération du soldat Gilad Shalit, prisonnier à Gaza depuis deux ans. Les 250 libérables ne seront donc choisis que hors des rangs du parti gazaoui, par une commission spéciale. « Israël doit systématiquement prendre pour cible le Hamas et les organisations terroristes, parallèlement au geste envers Abou-Mazen (le président Abbass) que représentent ces libérations de prisonniers », a affirmé Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères.

On ne s’étonnera donc pas que l’Autorité palestinienne se soit « félicitée de la décision israélienne » en attendant des libérations numériquement plus significatives. 11 000 Palestiniens sont encore détenus en Israël. Cette « largesse », accordée de façon magnanime par Israël, fait suite à la rencontre Olmert/Abbass à Jérusalem le 17 novembre dernier.

Un cadeau qui est loin d’être du goût de tous les ministres juifs. Eli Yishaï, leader du parti Shass (ultra-orthodoxe) et ministre de l’Industrie et du Commerce, a déclaré voter contre ce projet qui amenuiserait la marge de négociation pour libérer le soldat Shalit. Le Hamas demande pour son échange 1 400 activistes de ses rangs. D’autres ministres, même issus de Kadima (parti majoritaire), ont désavoué cette libération « compromettant la sécurité d’Israël ». Yaakoy Edery estime que ce genre de faveur n’a pas à être accordée, alors que l’Etat sioniste « avait fait suffisamment de gestes en faveur des Palestiniens et n’avait rien obtenu en retour » ... Sauf des roquettes. Huit soldats israéliens sont actuellement hospitalisés après avoir essuyé des tirs de mortier dans leur base au sud d’Israël, vendredi dernier. La presse israélienne elle-même s’insurge contre ces libérations gratuites de « terroristes » taxant le gouvernement d’irresponsabilité.

Cette décision, laissant donc de côté une certaine frange de l’opinion israélienne, ainsi que le Hamas, resserre les liens entre l’Autorité palestinienne et le tandem Olmert/Livni. Un rapprochement qui ne laisse pas de surprendre. La concurrence du parti islamiste a toujours incité le Fatah à se conduire en bon élève des négociations, jetant ainsi l’opprobre sur le Hamas. On se rappelle que c’est à la demande expresse de M. Abbass qu’Israël a cessé de fournir l’électricité à la bande de Gaza, il y a plus d’un an.

La menace plane sur le Hamas

A l’heure où la réunification palestinienne est plus sensible que jamais, une libération aussi arbitraire et partiale n’entraînera pas l’accalmie. Ce qui fait bien l’affaire de Mahmoud Abbas, qui parle actuellement de réélections législatives et présidentielles dès janvier prochain. On devine, au vu des conditions géopolitiques et humaines de la bande de Gaza, que de telles élections n’auraient réellement lieu qu’en Cisjordanie, consacrant définitivement le pouvoir du Fatah. La menace qui pèse sur le Hamas s’alourdit, notamment depuis le refus de ce dernier de participer aux négociations du Caire, organisées au début du mois par le gouvernement égyptien. Sans compter les récentes rumeurs de la défense israélienne sur la possibilité d’une man ?uvre de grande envergure dans la bande de Gaza. Matan Vilnai, vice-ministre de la Défense, a annoncé que les « provocations (du Hamas) ne laissaient pas beaucoup de choix à Israël », prévoyant de passer outre le cessez-le-feu négocié par l’Egypte entre son Etat et le mouvement de résistance islamique. Le jeu conjoint d’Israël et de Abbass pourrait signer l’arrêt de mort du Hamas, d’autant plus que ce dernier fait preuve d’une inflexibilité à toute épreuve. Les 250 libérations d’Olmert sont loin d’être un signal de paix ou un message de fête pour tous les Palestiniens.

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 3 au 9 décembre 2008, numéro 743 (Monde arabe)


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