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Un énième rendez-vous manqué

mercredi 12 novembre 2008 - 10h:21

Samar Al-Gamal - Al-Ahram/hebdo

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Le dialogue de réconciliation interpalestinienne, qui était prévu cette semaine au Caire, a finalement été ajourné. Des divisons persistent entre les deux principales factions, le Fatah et le Hamas. La situation risque d’exploser avec la prochaine expiration du mandat du président Abbass.

On l’attendait depuis longtemps, mais finalement il n’a pas eu lieu. Le dialogue de réconciliation interpalestinienne a été reporté sine die, ou pour les plus optimistes à une date « indéterminée ». Les factions palestiniennes devaient se réunir sous la houlette des renseignements égyptiens, dans l’espoir de combler le différend acrimonieux que la victoire surprenante du Hamas aux législatives a creusé entre les deux principales composantes du mouvement palestinien. Une victoire dont la conséquence, non immédiate, a été une lutte sanglante entre les Hamasis et Fathistes, avec des morts dans les deux camps. Aujourd’hui, les hostilités entre les deux factions rivales se sont davantage ancrées et les chances de regrouper les différents protagonistes autour d’une même table semblent minimes. L’échec du dialogue à ce stade assez précoce est très révélateur. L’un ou l’autre mouvement a imputé à l’autre la responsabilité de cet échec. D’après le chef du bureau politique adjoint du Hamas, Moussa Abou-Marzouq, « le Fatah n’a pas rempli ses engagements de mener un geste de bonnes intentions en libérant nos détenus politiques comme l’exigeait le médiateur dans ce processus de réconciliation, le chef des renseignements égyptiens, Omar Soliman ». Le Fatah a, de son côté, blâmé le Hamas, affirmant qu’il a « raté l’occasion de restaurer l’unité palestinienne », selon les termes de Nabil Abou-Roudeina, porte-parole du président palestinien. La suspicion gagne du terrain, et chaque partie parle de pression extérieure. Ainsi, le Fatah accuse le Hamas d’avoir subi des pressions de ses alliés iranien ou syrien et le Hamas accuse le Fatah d’avoir succombé au chantage des Israéliens, qui ne veulent certainement pas voir Abou-Mazen serrer la main de Khaled Méchaal.

Des radicaux de toutes parts

Pour certains observateurs, ce blocage résulte effectivement de graves divisions au sein même de chaque faction, que Nabil Chaath, négociateur palestinien en chef, n’a pas cachées. Il parle de « radicaux chez les deux mouvements ». Parce que dans l’un ou l’autre camp, il existe des divergences d’opinion entre ceux qui recommandent au Fatah de traiter avec le Hamas et ceux qui s’y opposent, et au sein du Hamas, il existe ceux qui s’opposent à toute concession en faveur du Fatah et ceux qui estiment que la séparation entre la bande de Gaza et la Cisjordanie a porté atteinte à la cause palestinienne. C’est le Hamas qui boycotte ou l’Egypte qui reporte ? Les informations étaient peu claires au début, mais ce qui est sûr, c’est qu’une atmosphère malsaine règne entre les deux mouvements et aurait très probablement conduit à l’échec des pourparlers du Caire. L’éventuelle participation cérémonielle du président Mahmoud Abbass aurait en effet favorisé ce blocage. Le Hamas aussi bien que le Djihad exigeaient une participation à part entière du chef de l’OLP, car, disent-ils, il est le seul capable d’apporter des amendements au plan proposé par les Egyptiens. Le texte demande surtout la formation d’un gouvernement d’union nationale en attendant la tenue de nouveaux scrutins, présidentiel et législatif. Un cabinet politiquement indépendant devrait ainsi mettre fin à la partition territoriale de facto, provoquée par la prise de contrôle de Gaza par le Hamas en juin de l’an dernier.

Mais les élections n’étaient-elles pas porteuses de mal ? Le Fatah, qui a monopolisé le pouvoir pendant une dizaine d’années, n’a pas beaucoup apprécié d’être gouverné par le Hamas ? Le dilemme est bien évident. Même les Egyptiens, qui tiennent à cette conférence de réconciliation, se demandent comment surmonter cette impasse par de nouvelles élections, alors qu’on continue à contester les résultats d’un scrutin, qui était suffisamment surveillé par la communauté internationale. Une communauté qui n’a pas hésité, cependant, à punir les Palestiniens pour leur choix démocratique mais qui, en plus, a échoué à épauler le premier gouvernement d’union ou à faire avancer le processus de paix israélo-palestinien via le Quartette. Et la conséquence de cet échec est la situation actuelle, qui risque de s’envenimer avec une sorte de vide au pouvoir, en attendant des élections anticipées en Israël en février 2009 et la passation de pouvoir aux Etats-Unis un mois avant.

Du côté palestinien, le mandat d’Abou-Mazen, vient théoriquement à échéance le 9 janvier et donc sa légitimité pourrait facilement être contestée à partir de cette date, la situation risque même d’exploser si la réconciliation interpalestinienne ne cesse d’être ajournée.

Officiellement, l’Egypte tient à sa médiation. « L’Egypte a déployé des efforts. Elle a fait des propositions et les a présentées aux factions pour qu’elles en discutent. Il était clair ces derniers jours qu’il n’y avait pas encore de volonté politique », a déclaré le chef de la diplomatie égyptienne Ahmad Aboul-Gheit, et selon un communiqué de son ministère, la conférence se tiendra quand « les conditions nécessaires et appropriées seront remplies pour assurer son succès ». Cela pourrait prendra « deux semaines au minimum », croit Chaath, car dit-il « nous ne sommes pas intéressés par un dialogue qui soit l’occasion de prendre des photos mais par un dialogue débouchant sur une véritable réconciliation ». Il mise sur les sages dans les deux parties qui finiront par être convaincus de s’asseoir autour de la table de négociations.

Chronologie de la crise interpalestinienne

2006

25 janvier : Le Hamas, qui participe pour la première fois aux législatives, remporte le scrutin, après dix ans d’hégémonie du Fatah.

28 mars : Investiture du gouvernement d’Ismaïl Haniyeh, dont les postes-clés sont confiés à des dirigeants de son mouvement.

5 avril : Gel des nominations de fonctionnaires réalisées par l’ancien gouvernement. Décret de Mahmoud Abbass plaçant les frontières sous la responsabilité de la présidence de l’Autorité palestinienne.

3 mai : Le Fatah crée sa propre force de sécurité.

8-9 mai : Affrontements Hamas/Fatah : trois morts. Accord entre les deux parties qui décrètent le recours aux armes « hors la loi ».

17 mai : Déploiement de la force du Hamas dans la bande de Gaza, qui provoque des accrochages meurtriers.

12 juin : La violence gagne Ramallah, les bureaux du gouvernement et du Parlement incendiés.

27 juin : Signature d’un accord d’entente nationale interpalestinien.

11 septembre : Accord Abbass-Haniyeh sur le programme politique du gouvernement.

1er octobre : Regain de violence Hamas/Fatah, sur fond d’impasse dans la formation du gouvernement d’union.

16-19 décembre : Onze morts dans des violences après l’annonce par Abbass d’élections anticipées, suivies d’une trêve.

2007

6 janvier : Abbass déclare illégale la force contrôlée par le Hamas. Nouveaux heurts.

8 février : Le Hamas et le Fatah signent à La Mecque un accord sur la formation d’un gouvernement d’union nationale dirigé par Ismaïl Haniyeh.

17 mars : Haniyeh forme un gouvernement d’union nationale, qui est investi par le Parlement palestinien.

14 avril : Le gouvernement palestinien vote un plan de sécurité censé unifier les services de sécurité.

11 mai : Affrontements entre le Hamas et le Fatah dans la bande de Gaza, après le déploiement d’une « Force de sécurité nationale », fidèle au président Abbass.

16 mai : Assaut du Hamas contre la maison du chef de la sécurité intérieure.

19 mai : 5e accord de cessez-le-feu entre le Hamas et le Fatah depuis le déclenchement des affrontements.

7 juin : Nouvelle flambée de violence.

12 juin : Le Fatah menace de se retirer du gouvernement d’union.

14 juin : Prise de contrôle par le Hamas de la bande de Gaza.

17 juin : Mahmoud Abbass signe un décret entérinant la composition d’un gouvernement d’urgence.

23 juin : Ismaïl Haniyeh, propose la relance de négociations avec le Fatah pour un nouveau gouvernement d’union nationale. Mahmoud Abbass la rejette.

2008

23 mars : Reprise du dialogue entre le Hamas et le Fatah sous l’égide du président yéménite.

25 juillet : Près d’une plage de Gaza, 5 membres des Brigades Ezzedine Al-Qassam, branche militaire du Hamas, et une fillette sont tués par l’explosion d’une bombe. Le Hamas impute l’attentat au Fatah et en représailles en arrête plus de 200 membres. Ce dernier riposte par l’arrestation de dizaines de militants du Hamas en Cisjordanie.

2 août : Le Hamas attaque le bastion surarmé du puissant clan familial Helles (pro-Fatah), accusé d’abriter les auteurs de l’attentat du 25 juillet. Onze Palestiniens périssent, plus de 90 sont blessés.

15 octobre : Le Fatah refuse une offre du Hamas pour une rencontre bilatérale précédant le dialogue interpalestinien au Caire.

20 octobre : L’Egypte invite les factions palestiniennes au dialogue le 9 novembre au Caire.

30 octobre : Le Hamas libère 17 membres du Fatah, en signe de bonne volonté avant la réunion du Caire.

9 novembre : Le dialogue interpalestinien du Caire est reporté à une date indéterminée suite à la décision du Hamas et du Djihad de le boycotter.

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Al-Ahram/hebdo - Semaine du 12 au 18 novembre 2008, numéro 740 (Evènement)


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