« Les Israéliens nous attaquent tous les jours »
mardi 11 novembre 2008 - 07h:20
PCHR Gaza - Témoignage N°23
« Tous les jours nous sommes confrontés à des problèmes provenant des patrouilleurs israéliens : ils nous suivent en permanence puis, comme ils veulent que nous cessions de travailler, ils commencent à tirer sur nous. »
- Saber Al-Hissie est pêcheur depuis 15 ans. Son bateau de 20 mètres est percé de trous faits pas les balles de l’armée israélienne qui harcèle quotidiennement les pêcheurs de la bande de Gaza - Photo : PCHR
« Cela fait 15 ans que je suis pêcheur, j’ai commencé à l’âge de 15 ans. Mon père était pêcheur, mon grand-père aussi. J’ai passé la moitié de ma vie sur la mer. Mais tous les jours nous sommes confrontés à des problèmes provenant des patrouilleurs israéliens : ils nous suivent en permanence puis, comme ils veulent que nous cessions de travailler, ils commencent à tirer sur nous ».
Saber Al-Hissie vient d’une famille de pêcheurs de Gaza. Son bateau de 20 mètres de long appartient à son père qui, après beaucoup d’années de pêche, a finalement transféré son affaire familiale à Saber. Il y a plus de 3.500 pêcheurs professionnels dans la Bande de Gaza et la majorité d’entre eux vivent dans ou aux alentours de la ville de Gaza, lieu où se trouve le port principal. La famille Al-Hissie, comme la plupart des autres pêcheurs de la ville de Gaza, vit dans le camp de réfugiés tentaculaire connu sous le nom de Beach Camp, situé près du port de Gaza.
Le port de Gaza s’éveille à l’aube. Les pêcheurs accostent avec leur prise de la nuit et les poissonniers se rassemblent pour acheter le poisson tandis que les pêcheurs qui ont passé la nuit chez eux dans le « luxe » de leurs propres lits arrivent et commencent à se préparer pour la pêche du matin. On répare les filets, on renouvelle les stocks de carburant et d’eau et les bateaux retournent à la mer avant 7 heures du matin. Aujourd’hui, l’équipage de Saber Al-Hissie se compose de 7 hommes dont Mahmoud (13 ans) et Ali (18 ans) qui travaillent tous deux régulièrement en tant que pêcheurs. Mahmoud va encore à l’école mais Ali dit qu’il n’y est jamais allé. « J’ai toujours voulu être pêcheur » dit-il avec un large sourire.
Alors que nous nous éloignons du port en nous dirigeant vers l’ouest, Saber Al-Hissie décrit les restrictions imposées par Israël sur lui et tous les autres pêcheurs qui essayent de gagner leur vie dans la Bande de Gaza. « Si nous parcourons 6 milles nautiques, nous serons peut-être en sureté » dit-il. « Mais si nous allons plus loin, les Israéliens nous harcèlent en permanence. Ils tournoient autour des bateaux, nous tirent dessus et dernièrement ils ont commencé à utiliser des canons à eau pour nous attaquer ».
Il explique que certains pêcheurs prennent encore le risque de naviguer au-delà de la limite des 6 milles, car, dans des eaux plus profondes, ils peuvent alors attraper à la traîne des stocks plus abondants de poissons. « Mais je ne veux pas que mon bateau soit endommagé alors je reste dans les limites israéliennes » ajoute-t-il. Son bateau porte déjà les cicatrices laissées par les balles tirées par les Forces de l’Ordre Israéliennes (IOF).
Les pêcheurs sortent souvent du port de Gaza en flottilles. Certains bateaux pour se protéger, restent assez près les uns des autres en bordure de la limite des 6 milles mais une minorité de pêcheurs naviguent au-delà de la limite fixée en bravant les IOF. Mais tous les pêcheurs risquent d’être attaqués (coups de feu, canons à eau), et d’être arrêtés et détenus qu’ils aient dépassé ou non la limite des 6 milles et que leurs bateaux soient endommagés, détruits ou confisqués. L’année dernière l’IOF a arrêté plus de 70 pêcheurs de Gaza.
La pêche commerciale est par nature une profession risquée et, à Gaza, elle est devenue de plus en plus dangereuse à cause du harcèlement et de l’intimidation implacables des IOF. Même avant d’atteindre la limite des 6 milles, nous voyons les patrouilleurs israéliens foncer sur nous. Nous sommes au milieu d’une flotte d’environ 10 bateaux de pêche de Gaza qui se déploient graduellement entre 6 à 8 milles de la côte pour descendre leurs filets.
L’équipage sur le bateau de Saber devient tendu tandis que les patrouilleurs israéliens commencent à tournoyer à grande vitesse autour de chaque bateau provoquant d’énormes vagues qui font tanguer les bateaux. Nous voyons rapidement un des patrouilleurs israéliens faire usage de son canon à eau sur l’un des bateaux de pêche. « Les Israéliens nous attaquent tous les jours » dit Abu Mahmoud, un des membres d’équipage de Saber. « Tant que vous ne le voyez pas de vos propres yeux, vous ne pouvez pas vous rendre compte de la situation à laquelle nous sommes confrontées ».
Les pêcheurs de Gaza disent que les Israéliens utilisent de l’eau sale, voire même polluée dans leurs canons à eau à tir ultra-rapides afin de les obliger à reculer vers le rivage et ce, malgré le fait que les pêcheurs ont absolument le droit de pêcher le long de leur côte.
Les ?Arrangements Provisoires’ signés entre l’OLP et Israël en 1994/95 stipulent que les pêcheurs de Gaza ont légalement le droit de pêcher jusqu’à 20 milles nautiques du littoral de Gaza. Mais Israël n’a jamais respecté ces ?arrangements provisoires’ et elle continue d’harceler et d’intimider les pêcheurs dans toute la Bande de Gaza, détruisant par là l’industrie locale de la pêche.
Il y a 10 ans, les pêcheurs de Gaza prenaient dans leurs filets environ 3.000 tonnes de poissons par an. Mais la productivité s’est effondrée depuis la deuxième Intifada suite à l’escalade des attaques des IOF et aujourd’hui, les pêcheurs prennent moins de 500 tonnes de poissons par an et sont obligés de sur-pêcher dans les eaux peu profondes à proximité des rivages de Gaza.
Les pêcheurs disent que la présence d’un petit groupe d’observateurs internationaux des droits humains originaires du ?Free Gaza Movement’ a amélioré la situation des bateaux que les internationaux accompagnent. Mais ces pêcheurs veulent avoir le droit de travailler sans être confrontés chaque jour au harcèlement et à la violence des IOF.
Cette crise provoquée de l’industrie de la pêche à Gaza est une autre composante du siège et de la fermeture de Gaza par Israël et de ses violations en masse des droits sociaux et économiques de toute la population civile dans la Bande de Gaza.
Un des patrouilleurs israéliens s’approche rapidement de nous et nous ordonne par mégaphone de retourner vers la côte. Nous nous trouvons maintenant en bordure de la limite des 6 milles et Saber refuse d’être intimidé. Son équipage continue calmement à travailler tandis que le patrouilleur tourne à toute vitesse autour de nous provoquant un violent tangage du bateau. Quand les IOF commencent à tirer dans l’eau à la mitraillette, Saber vire son bateau en direction de Gaza. « Nous ne voulons que pêcher et faire vivre nos familles » dit-il. « Nous ne commettons aucun crime. Mais eux, oui ».
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6 novembre 2008 - PCHR Gaza - Vous pouvez consulter cet article à :
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Traduction de l’anglais : Ana Cléja