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L’après-raid américain sur la Syrie

jeudi 6 novembre 2008 - 12h:16

Hassan Abou-Taleb - Al-Ahram/hebdo

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"C’est ainsi que le président américain a voulu rappeler aux électeurs américains que la question de la sécurité nationale et de la guerre contre le terrorisme devait s’imposer sur le combat électoral qui s’est plutôt orienté vers la crise monétaire mondiale et sur la responsabilité qu’assument les Républicains à ce propos."

Deux jours après le raid américain sur la région d’Abou-Kamal en Syrie sur les frontières avec l’Iraq, le département d’Etat américain a annoncé que le raid visait l’un des plus importants membres d’Al-Qaëda. Celui-ci serait responsable d’une grande cellule d’éléments armés et de terroristes qui s’infiltreraient à l’intérieur de l’Iraq. Ceci a été nié par les autorités syriennes qui ont annoncé que toutes les victimes étaient des civils et des enfants qui ne peuvent en aucun cas être en relation avec des organisations terroristes. La négation syrienne avait été précédée par des réclamations appelant les Etats-Unis à s’excuser d’avoir violé les territoires et la souveraineté syriens et à présenter un éclaircissement concernant ce qui s’est passé. Or, les Etats-Unis n’ont accordé aucune importance à ces réclamations.

Ce n’est pas la première fois que la Syrie est attaquée. Il y a trois ans, des avions israéliens avaient survolé le palais présidentiel, puis bombardé un site douteux à proximité des frontières avec la Turquie.

Or, pour nombreux, le raid américain et la réaction syrienne étaient surprenants. En général, de pareilles opérations ne sont pas accomplies sans l’approbation du président Bush. Donc, l’affaire a plus d’un sens politique et pratique. Il est connu qu’il y a une coopération syro-américaine au niveau de la sécurité et des services de renseignements secrets. Cette coopération constitue la cause essentielle du recul du taux d’infiltration des éléments armés à travers les frontières syriennes à environ la moitié, au cours des 6 derniers mois. C’est ce qui a été annoncé il y a 4 mois par des directions militaires américaines siégées en Iraq.

Cependant, la manière dont le raid a été effectué signale que le président Bush n’est pas satisfait du volume de coopération avec la Syrie dans ce domaine et que les Etats-Unis ont voulu adresser un message clair. On remarque aussi que les défenses aériennes syriennes et qui sont répandues dans la région n’ont entrepris aucun acte de défense contre les avions américains. Ce qui suscite aussi de nombreuses questions.

Selon le droit international, cet acte américain est considéré comme une violation de la souveraineté d’un autre Etat et une agression inacceptable selon la Charte des Nations-Unies. En effet, les deux pays ne sont pas en état de guerre et la tension politique entre eux ne peut justifier un acte pareil. Il est fort probable que l’Administration Bush a voulu rappeler au monde entier qu’elle tenait jusqu’à ses derniers jours à la guerre et aux frappes préventives. Ainsi qu’au principe de l’autodéfense selon ses propres estimations, qui ne sont nécessairement acceptées par d’autres parties internationales. L’Administration américaine a également voulu confirmer sa vision envers la Syrie qu’elle considère comme étant un Etat protégeant le terrorisme et responsable de la mort de nombreux soldats américains en Iraq. Ce message est en relation étroite avec les élections américaines où le candidat républicain McCain connaît un recul important par rapport à son concurrent démocrate Barak Obama.

C’est ainsi que le président américain a voulu rappeler aux électeurs américains que la question de la sécurité nationale et de la guerre contre le terrorisme devait s’imposer sur le combat électoral qui s’est plutôt orienté vers la crise monétaire mondiale et sur la responsabilité qu’assument les Républicains à ce propos. Bien que le candidat républicain ait assuré la nécessité du raid, signalant qu’il se serait comporté de la même manière, il semble que le raid n’a pas réalisé les résultats électoraux désirés. Ceci a été exprimé par les différents sondages dernièrement effectués et qui ont assuré le succès du candidat démocrate.

Ici, le facteur temps aide à parvenir à d’autres déductions. Le raid américain a eu lieu alors qu’une polémique se déroule autour d’un accord sécuritaire prévu entre les Etats-Unis et l’Iraq qui vise à organiser l’action des forces américaines après l’achèvement de l’année courante. Ce raid a réanimé les craintes arabes de voir l’Iraq se transformer en base américaine servant à attaquer n’importe lequel des voisins arabes ou régionaux. Il est vrai que le gouvernement iraqien n’était pas au courant du raid et l’a condamné, mais il a lié le raid à la réclamation de la Syrie de déployer plus d’efforts pour contrôler les frontières et empêcher l’infiltration des éléments armés. Cette réclamation justifie partiellement le raid.

Tout ceci n’est pas loin de la polémique qui se déroule actuellement entre l’Iraq et l’Administration américaine autour de l’accord de sécurité. En effet, le gouvernement iraqien et les membres du Parlement ont exprimé des réserves sur certaines clauses de l’accord. Les Iraqiens veulent que le programme de retrait des forces américaines soit clair et qu’il y ait un contrôle sur les exportations et les importations concernant les forces américaines. Ces réclamations sont refusées par l’Administration américaine qui tente de faire passer l’accord conformément à l’avant-projet présenté au gouvernement d’Al-Maliki sans aucune modification.

Si ceci a lieu, l’Iraq pourra se transformer en base militaire d’où s’élanceront des raids en direction de la Syrie ou de l’Iran selon les circonstances. Il est donc prévu que les Etats voisins qui craignent cette situation relâchent relativement les efforts déployés pour empêcher l’infiltration des éléments armés à l’intérieur de l’Iraq ou baisser le niveau de coopération avec le gouvernement iraqien dans le domaine de la sécurité. Ceci est clair dans la décision syrienne de suspendre les contacts avec le gouvernement iraqien et de diminuer les forces présentes sur les frontières entre les deux pays, longues de 630 km. La Syrie a également décidé d’annuler la réunion du comité de coopération sécuritaire qui était prévue pour les 12 et 13 novembre à Bagdad.

Il est évident que toutes ces procédures ont des significations importantes.

Si la Syrie ne peut pas répondre militairement et de façon directe, elle possède d’autres moyens indirects pour faire face à ceux qui se permettent de violer ses frontières. La Syrie veut rappeler au gouvernement iraqien que l’accord de sécurité nécessite une coopération volontaire de la part des deux côtés. Ceci avait été mentionné par Walid Al-Moallem, ministre syrien des Affaires étrangères, qui a déclaré que son pays attendait « un éclaircissement officiel des résultats des investigations » de la part des deux gouvernements américain et iraqien et non des justifications. Et ce, avant que les autorités syriennes n’entreprennent d’autres procédures, faisant ainsi allusion à l’existence « de choix que les Etats-Unis savent être douloureux ».

Du même auteur (politologue) :

- Les messages mystérieux de Damas
- Comment sortir de la crise libanaise ?
- Motifs et obstacles de la réconciliation palestinienne
- Le Liban ... un cas unique

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 5 au 11 novembre 2008, numéro 739 (Opinion)


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