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Des intellectuels palestiniens prévoient une très mauvaise issue à la confrontation Hamas-Fatah

mercredi 10 janvier 2007 - 19h:13

Khalid Amayreh

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La société palestinienne s’en va-t-elle progressivement vers une guerre civile ? Avons-nous atteint le point de non retour ? Et que peut-il être fait pour arrêter la chute effrayante vers l’autodestruction ?

Ces questions, et d’autres, ont été posées à trois intellectuels palestiniens qui, tous, ont exprimé de vives inquiétudes ce qui se passe actuellement dans les secteurs palestiniens.

« Ils sont devenus fous »

Ali Jerbawi est professeur de sciences politiques et ancien dirigeant de la Commission centrale électorale palestinienne. Il pense que la société palestinienne est déjà en train de flotter entre guerre factionnelle et guerre civile.

Pour Jerbawi : « Nous sommes déjà en pleine guerre factionnelle et, oui, nous sommes au seuil d’une guerre civile. Je dis cela parce que la guerre entre factions est susceptible d’évoluer vers une guerre civile d’une plus grande ampleur si elle n’est pas contenue et stoppée pour de bon. ».

Jerbawi voudrait bien se montrer optimiste et croire que la société palestinienne serait immunisée contre la guerre civile. Cependant, après tous les efforts réalisés pour parvenir à un accord entre Hamas et Fatah, face à une fin assurée, le scientifique politique palestinien pense qu’une guerre civile, ou « une certaine forme de guerre civile » parait inévitable.

« Je pense que les deux côtés sont devenus fous, ils ont perdu et sont en train de perdre leur sérénité mentale » déclare Jerbawi. Et il fait remarquer que le Président, Mahmoud Abbas, comme le Premier ministre, Ismaël Haniya, devraient être conscients de la gravité extrême de la situation actuelle, spécialement dans la Bande de Gaza.

« Le fait qu’ils laissent les évènements sortir de la légalité, sous leurs yeux, sans déployer absolument tous les efforts pour enrayer ce glissement vers les conflits entre civils est vraiment inimaginable » indique-t-il.

« Je crains qu’il y ait certains milieux influents qui poussent vers la guerre civile pour faire avancer et mettre en oeuvre un certain programme » ajoute-t-il.

Pour lui, la confrontation sanglante entre le Hamas et le Fatah découle de trois facteurs principaux : le « fractionnement » des forces de sécurité palestiniennes (les forces de sécurité dirigée par le Fatah opposées à la ?force exécutive’ contrôlée par le Hamas) ; une interférence extérieure agissante ; et une culture politique subjective basée sur l’organisation en factions et le tribalisme politique.

A la question sur ce que pourrait être la fin de ces luttes, Jerbawi dit qu’une nette aggravation des combats entre Palestiniens pourraient par la suite conduire à un retour des Jordaniens en Cisjordanie et des Egyptiens dans la Bande de Gaza.

« Et Israël serait le premier bénéficiaire dans ce cas » dit Jerbawi, faisant allusion à une liquidation possible de la question palestinienne ou, pour le moins, à certains de ses aspects importants tels que la question de Jérusalem et du droit au retour des réfugiés palestiniens.

« Une guerre de riches »

Adel Samara est un intellectuel palestinien de gauche, et un éminent critique de l’Autorité palestinienne et des Accords d’Oslo entre Israël et l’OLP.

Il déclare à Palestine Times que les Palestiniens n’en étaient pas encore à une guerre civile dans le sens classique du terme, car les différends « restent confinés à deux factions politiques ».

« Cependant, étant donné la méfiance générale et la crainte que chaque côté ne cherche à anéantir l’autre, le problème pourrait bien s’aggraver dans des proportions inimaginables. » dit Samara.

Il fait remarquer que Hamas et Fatah, à eux deux, ne représentent qu’une minorité comparée à l’ensemble de la population palestinienne. « Mais le problème avec cette majorité, c’est qu’elle est silencieuse et non organisée, et donc, on ne peut pas compter sur elle pour faire obstacle physiquement à une guerre civile ».

Samara soutient qu’il y a « des groupes palestiniens, bien connus, » qui poussent la société vers la guerre civile.

Il accuse également les Etats-Unis de jouer « un rôle déterminant » en attisant le feu de la guerre entre le Fatah et le Hamas ; « l’Amérique qui ne se soucie aucunement de la vie de ses propres soldats en Iraq ne fait guère de cas des vies palestiniennes ». « Pensez-vous vraiment qu’elle donne tout cet argent et toutes ces armes pour des raisons altruistes ? » demande Samara.

« Le Hamas est responsable »

Abdullah Abdullah, ancien directeur général du ministère des Affaires étrangères palestinien et actuellement député Fatah accuse tacitement le Hamas d’ « entraîner les Palestiniens au bord de la guerre civile ».

« Je ne pense pas que nous ayons franchi le point de non retour mais cela ne signifie pas que nous ayons atteint l’autre rivage, celui de la sécurité » exprime Abdullah à Palestine Times.

Pour lui, Hamas et Fatah devraient, l’un et l’autre, se conformer à la séparation constitutionnelle de la justice et des pouvoirs qu’il appelle l’ultime arbitre de toute société civilisée.

Sollicité pour préciser ce qu’il pense sur la perception largement répandue parmi les Palestiniens des incitations par les Etats-Unis à la guerre civile en Palestine, Abdullah fait remarquer que les USA ont leur politique et leurs appréciations et que les Palestiniens ont les leurs.
« L’existence de l’Amérique ne peut être niée ou ignorée. Cependant, il serait vain de vouloir se servir de la politique de l’Amérique pour justifier ou excuser nos propres erreurs. »

Les dirigeants du Hamas comme ceux du Fatah avaient déclaré qu’ils ne permettraient qu’une guerre civile éclate parmi les Palestiniens. Pourtant, les meurtres récents de plus d’une vingtaine de Palestiniens, par d’autres Palestiniens, à Gaza, ajoutés aux récriminations au vitriol, sans aucune retenue, de chacune des parties à l’encontre de l’autre, ont choqué, terrifié de nombreux Palestiniens ordinaires, les convaincant de ne plus se bercer d’illusions avec les incantations, encore récentes, sur l’unité nationale.


Cet article est publié le 8 janvier en langue anglaise dans le premier quotidien privé anglophone, le Palestine Times, qui a été lancé le lundi 18 décembre en Cisjordanie et en Gaza. Ses éditeurs visent à publier les informations sur la région aux lecteurs de langue anglaise.

Lire notamment l’article à son lancement sur Info-Palestine.net : « Le quotidien ’Palestine Times’ est lancé en Cisjordanie »

8 janvier 2007 - http://www.times.ps/etemplate.php?id=549
Traduction : JPP


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