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Pour récolter de meilleurs fruits

mardi 9 janvier 2007 - 20h:19

Ghassan Khatib

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Le conflit israélo-palestinien est placé face à une crise sans précédent et il se pourrait bien que Palestiniens et Israéliens, comme d’autres parties au conflit, soient sur le point de recueillir les fruits de leur mauvais traitement passé de ce conflit.

Les Palestiniens commencent la nouvelle année, spécialement à Gaza, engagés dans une sorte de guerre civile dont le début peut probablement être situé au meurtre des trois enfants du responsable de la sécurité, membre du Fatah, le 11 décembre dans Gaza ville. Ce fait a accru les tensions entre Fatah et Hamas pour arriver à des affrontements frontaux permanents, sanglants et de mauvais augure. C’est le résultat inévitable d’une série d’erreurs dans la gestion du conflit Palestine/Israël et de la situation intérieure, par les principaux partis.

Il n’est pas rare de voir un Etat échouer au bénéfice d’éléments non étatiques, des milices, des tribus ou des seigneurs de la guerre, quand l’Etat n’est plus capable, même au minimum, de remplir ses devoirs et d’assumer ses fonctions. Et l’ « Etat » dans Gaza a arrivé à un point où il ne peut plus traiter ni les difficultés économiques croissantes - avec une pauvreté profonde et un chômage élevé -, ni la situation sécuritaire explosive. Cette situation a surgi comme une conséquence directe de l’accentuation de la pression israélienne dans tous les domaines de la vie des Gazans, et sur le plan socio-économique, elle est la conséquence des bouclages de la Bande de Gaza et des opérations, assassinats et incursions de l’armée israélienne.

Mais les perspectives ne sont pas sombres qu’à Gaza. La faiblesse des dirigeants tant du côté israélien que du côté palestinien réduit de manière significative la possibilité de sortir de cette impasse politique. Du côté israélien, la faiblesse des dirigeants a mis le gouvernement en position d’otage de l’opposition.

L’exemple le plus récent est la pauvre démonstration d’Israël au premier sommet entre le Président Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, en décembre. Les deux côtés ont été incapables d’avoir un échange politique et même les facilités insignifiantes qui devaient en découler n’ont pas été concrétisées. Là-dessus, juste quelques jours après la rencontre, Israël approuve officiellement l’implantation d’une nouvelle colonie illégale dans la Vallée du Jourdain.

Ce prolongement désastreux a ruiné les minces espoirs que certains Palestiniens et Israéliens avaient mis par la suite dans ce sommet. Certains Israéliens - avec un peu de chance pas la majorité -, semblent heureux de l’évolution côté palestinien. C’est vrai qu’Israël a contribué de façon significative à la modification du rapport des forces contre le Président palestinien et les vestiges du camp de la paix, conséquence d’une politique à courte vue conduite par une direction arrogante.

La dégradation en Palestine et Israël se produit au moment d’un grand désarroi dans le monde arabe. Dans l’histoire récente, les Etats arabes n’ont jamais été aussi inefficaces et démunis qu’ils le sont maintenant. Mais même les Etats-Unis, principale super-puissance impliquée dans la région, sont confrontés à une crise majeure de leur politique au Moyen-Orient. Non seulement à cause de l’Iraq mais aussi de la contradiction évidente entre d’une part leur promotion prétendue pour la démocratisation et des élections et, d’autre part, leur attitude hostile aux mouvements politiques islamiques, lesquels, semble-t-il, sont les premiers bénéficiaires d’un tel processus.

Il n’est pas difficile de voir comment la politique internationale concernant les questions politiques, économiques et sociales du Moyen-Orient, a contribué de façon importante à la crise actuelle. Depuis des décennies, les Etats-Unis et l’Europe ont encouragé la « stabilité » aux dépens du progrès social et économique, dont de la démocratie. Ceci a conduit à la combinaison de deux choses : de l’échec de ces régimes « stables » à réaliser le progrès social et économique et de l’accentuation de la frustration et de la colère de leurs peuples, avec au bout la prise de pouvoir par l’opposition islamique.

Pour aggraver les problèmes, les efforts américains et européens pour ne pas imputer à Israël la responsabilité d’une occupation illégale et de la politique qui en découle en violation flagrante du droit international ont éloigné davantage les masses arabes de la communauté internationale, encouragé leur mise à l’écart et leur repli sur elles-mêmes.

Ce serait une erreur fatidique que d’essayer de traiter cette maladie avec une politique qui ne ferait que grossir les problèmes. Cette année - une année qui est partie pour être l’une des pires pour le conflit, la région et la politique américaine au Moyen-Orient -, cette année pourrait aussi être l’occasion pour réfléchir sur ce qui a provoqué cette lamentable situation. Et pour la modifier, il faut une pensée forte et courageuse. Mais on ne peut raisonnablement l’attendre des mêmes acteurs usés. Au niveau international, d’autres puissances influentes sont appelées à jouer un rôle plus important.

En dépit de ses antécédents, l’Europe pourrait être la partie qui a les meilleures potentialités, pas seulement à cause des ses relations privilégiées avec le Moyen-Orient mais aussi par son influence pertinente sur les USA. D’autres pays, comme la Chine, le Japon et la Russie peuvent aussi être utiles. On devrait pouvoir en attendre autant des acteurs régionaux. De nouvelles initiatives s’imposent, sans qu’elles ne viennent nécessairement de l’opposition islamique ou d’Etats qui ont tant perdu de leur crédibilité.

Les trois caractéristiques principales de tout effort pour arriver à sortir de la situation détériorée actuelle sont :

  • un, réintroduire une approche juridique pour traiter à la fois des conflits régionaux et des affrontements intérieurs, surtout pour le contexte israélo-palestinien ;
  • deux, s’entendre sur les mises en relations nécessaires entre les différents conflits régionaux ;
  • et trois, admettre les origines sociales et économiques de la radicalisation.

Ghassan Khatib est co-rédacteur de Bitterlemons pour les publications internet. Il fut ministre de l’Autorité palestinienne de la Planification et analyste politique et chargé des relations avec les médias pendant de nombreuses années.

8 janvier 2007 - http://www.bitterlemons.org/issue/p...
Traduction : JPP


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