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Liban : Le dilemme d’une armée

mercredi 24 septembre 2008 - 10h:20

Aliaa Al-Korachi - Al-Ahram/hebdo

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Prise entre un devoir de neutralité pour éviter de s’immiscer dans les conflits internes et une faiblesse l’empêchant d’affronter Israël, l’armée libanaise incarne les contradictions du pays du Cèdre.

« Définir la relation entre le Hezbollah et l’armée libanaise » tel est le but de la stratégie nationale de défense, le sujet principal du dialogue national libanais qui vient d’être ouvert. Cette nouvelle stratégie devrait reposer essentiellement sur l’armée. Une équation qui sera certainement difficile à résoudre, notamment pour cette armée qui est restée durant longtemps hors service et dépourvue de la notion qui constitue traditionnellement l’esprit d’une armée.

En fait, elle compte 60 000 hommes sous-équipés et mal entraînés. Elle ressemble plus à une force de maintien de la paix qu’à un instrument offensif.

Cette armée est restée toujours inactive, au moment où la résistance, représentée par le Hezbollah, a donné toujours un exemple de stratégie de défense efficace capable de protéger le Liban et de lui garantir la victoire. Et ceci en contribuant au retrait unilatéral de l’armée israélienne du Sud-Liban en mai 2000 et lors de sa victoire contre Israël au cours de la guerre de 33 jours, de juillet 2006. L’armée libanaise a été critiquée durant cette guerre pour son incapacité de combattre « même un cerf-volant » comme on l’a dit avec ironie. Elle est critiquée aussi pour ses équipements très modestes et dépassés. L’armée libanaise est entrée dans la guerre avec des blindés, 1 173 M113 dépassés, quelque 300 chars qui datent des années 1950. Cette faiblesse trouve ses racines, comme le commente Moustapha Magdi, politologue, dans le passé. Selon lui, c’est ce proverbe purement libanais qui a été répété pendant des décennies qui dit : « La force du Liban se trouve dans sa faiblesse ». C’est-à-dire que si le Liban est attaqué, la communauté internationale intervient pour le sauver. C’est pourquoi, selon Hussein Zakariya, un expert militaire, « l’Etat libanais n’avait pas déployé des efforts et consacré d’argent suffisant pour équiper cette armée ».

Un simple manque de moyens ?

C’est ce qu’a même avoué Michel Sleimane, le président libanais, quand il a été le chef de l’armée : « Notre armée manque cruellement de moyens, de matériels et de budget pour démontrer son vrai professionnalisme. Pourquoi ? Parce qu’auparavant, le gouvernement pensait que le Liban n’avait pas besoin d’une armée forte capable de faire face aux menaces extérieures. L’idée qu’il fallait simplement une force pour contrôler la sécurité intérieure et non pour défendre le territoire a longtemps empêché l’armée d’évoluer ».

Ce fait a contribué, selon Sleimane, à ce que des noyaux de résistance qui voulaient combattre ou aider tel ou tel parti se sont développés et se sont parfois substitués à l’armée sous prétexte qu’elle ne remplissait pas ses missions par manque de moyens. Cette situation a favorisé le déclenchement de la guerre civile en 1975.

Toutefois, cette armée avait commencé par un début honorable. En fait, la constitution de l’armée libanaise a débuté avec la formation de « l’unité d’Orient » par le gouvernement français le 15 novembre 1916, des centaines de Libanais s’y étant enrôlés, formant en son sein un groupe libanais distinctif. Ce fut la première pierre dans l’édifice de l’armée libanaise. De l’unité d’Orient a émané la première unité militaire libanaise, à savoir le premier « bataillon libanais » qui fut le noyau de l’armée libanaise et ce, le 26 janvier 1926. Durant la phase du mandat français, les officiers se sont rassemblés à Zouk Mikaël, le 26 juillet 1941, et ont proclamé leur allégeance à la patrie, refusant d’être un instrument pour réaliser les intérêts de l’étranger ou prendre partie dans la guerre ayant opposé, alors, les partisans du gouvernement de Vichy, d’une part, aux Français se réclamant à la France libre (les Gaullistes), d’autre part. Ainsi, a été élaboré le « Document historique » signé par quarante officiers libanais.

Et le premier août 1945 à 00:00, l’armée libanaise devient sous la pleine autorité du gouvernement national libanais.

Une neutralité inévitable

L’armée a été parfois critiquée pour sa neutralité. L’Histoire enregistre plusieurs exemples. L’armée libanaise est connue sous l’appellation de l’armée neutre dont l’attitude contrastait si fortement avec celle des armées de la majorité des pays du Moyen-Orient à la même période. Elle s’abstint par exemple de toute intervention dans la première guerre civile de 1958. Auparavant, Elle alla jusqu’à refuser son assistance au chef de l’Etat dans une grave crise intérieure, comme le fit le général Shihab au président Bishara Al-Khouri en 1952.

Cela dit elle fut accusée de l’excès contraire : le franchissement de la limite de la neutralité, comme en 1969 et 1973 lors de la confrontation avec les forces palestiniennes au Liban. Plus grave, l’armée ne fut pas paralysée seulement dans la conduite d’opérations de sécurité intérieure, mais aussi dans la défense du pays. A l’exception de l’épisode de la guerre de 1948-1949, c’est sa fragilité interne beaucoup plus que sa taille et la modestie de son équipement, qui commanda son abstention lors des guerres israélo-arabes.

Mais cette neutralité a un autre visage positif qui s’est avéré durant la derrière crise politique. C’est après l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, en février 2005, qu’elle a su coopérer avec tous les partis et préserver une difficile position d’équilibriste. Sa priorité reste d’éviter toute confrontation avec les factions sur le terrain. Elle ne s’est pas interposée dans les affrontements armés ni devenue partie prenante du conflit. Ce afin de préserver son unité et d’empêcher que le pays ne bascule dans une guerre civile totale. Cette faiblesse de l’armée libanaise est vue d’un mauvais ?il de la part de la communauté internationale, notamment de la part des Etats-Unis qui rêvent de voir un jour le Hezbollah désarmé.

C’est pourquoi Washington avait consacré un large programme, comme il dit, pour moderniser les équipements de l’armée. On entend de temps à autre des nouvelles selon lesquelles l’Administration américaine a fourni à l’armée libanaise des équipements militaires à des prix symboliques : 750 M113, 3 000 véhicules, 16 hélicoptères, 27 petites vedettes rapides. Et plus de 500 soldats de l’armée libanaise ont suivi le programme IMET, recevant « un entraînement américain dans le cadre de leurs spécialisations, dont les forces spéciales, l’infanterie, les blindés, l’artillerie, les renforts et les communications ». Les Etats-Unis ont fait don de 410 millions de dollars à l’armée depuis 2006. Selon Magdi, les efforts américains pour la modernisation des équipements de l’armée libanaise et l’entraînement de ses officiers n’ont qu’un seul but, celui de servir à alimenter les dissensions intérieures.

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Des blindés libanais à Tripoli (juillet 2008).

Une crise qui dure

2005

14 février : L’ancien premier ministre Rafic Hariri est tué dans un attentat à Beyrouth ainsi que 22 personnes, dont le député Bassel Fleyhane. L’opposition accuse les pouvoirs libanais et syrien et exige le retrait des troupes syriennes.

17 février : Début d’un sit-in quotidien de milliers de personnes scandant des slogans anti-syriens.

28 février : Démission du gouvernement de Omar Karamé.

8 mars : A l’appel des partis Hezbollah et Amal, plus de 400 000 personnes manifestent en faveur de la Syrie.

2 juin : Assassinat du journaliste anti-syrien Samir Kassir.

21 juin : Assassinat de Georges Haoui, ancien secrétaire général du Parti communiste libanais.

26 avril : Les derniers soldats syriens quittent le Liban.

29 mai/19 juin : Législatives : l’opposition anti-syrienne remporte la majorité.

19 juillet : Fouad Siniora forme un gouvernement incluant des ministres du Hezbollah pour la première fois de son histoire.

20 octobre : La commission d’enquête de l’Onu sur l’assassinat de Hariri met en cause la Syrie et le Liban.

11 novembre : Echec des consultations sur la formation d’un gouvernement d’union nationale, démission des cinq ministres.

12 décembre : Assassinat du député anti-syrien Gebrane Tuéni. Le cabinet Siniora réclame un tribunal international pour juger les assassins de Hariri.

2006

12 juillet/14 août : Guerre israélienne contre le Liban.

1er octobre : Israël retire ses troupes du Sud-Liban, excepté Ghajar.

21 novembre : Le ministre de l’Industrie, Pierre Gemayel, est tué.

1er décembre : Début d’un rassemblement de l’opposition à Beyrouth.

2007

23-25 janvier : Heurts entre pro et anti-gouvernementaux qui ont fait sept morts.

20 mai : L’armée lance son attaque contre Fatah Al-Islam dans le camp de Nahr Al-Bared.

10 juin : Création du tribunal international.

13 juin : 10 morts dans un attentat, dont le député anti-syrien Walid Eido.

19 septembre : Le député anti-syrien Antoine Ghanem tué dans un attentat.

23 novembre : Expiration à minuit du mandat du président Emile Lahoud. Majorité et opposition échouent à élire son successeur.

2008

12 février : Emad Moughneyah, homme-clé du Hezbollah est tué à Damas dans l’explosion d’une voiture piégée. Israël est pointé du doigt.

4 février : Marée humaine dans le centre de Beyrouth à l’occasion des trois ans de la mort de Hariri.

22 avril : 18e report de la séance parlementaire supposée élire un président.

7 mai : des heurts opposent des partisans de la majorité à ceux de l’opposition dans plusieurs quartiers de Beyrouth, à l’occasion d’une grève générale sur des revendications salariales.

8 mai : Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qualifie les récentes décisions du gouvernement de mettre hors la loi le réseau de télécommunications du mouvement et de limoger le responsable de la sécurité de l’aéroport international de Beyrouth de « déclaration de guerre ». De violents heurts éclatent à Beyrouth faisant au moins sept morts.

14 mai : Le gouvernement de Fouad Siniora abroge les deux mesures prises à l’encontre du Hezbollah, à la demande du chef de l’armée le général Michel Sleimane.

21 mai : Un accord est signé à Doha entre majorité et opposition. Le général Michel Sleimane sera élu président « dans les 24h ». Le Hezbollah obtient un droit de veto au sein du gouvernement d’union nationale. L’opposition commence à lever son campement de protestation dans le centre de Beyrouth.

25 mai : Le Parlement vote l’élection de Sleimane à la tête du pays après 6 mois de vacance présidentielle.

11 juillet : Formation d’un gouvernement d’union nationale.

16 juillet : Par l’intermédiaire d’un médiateur allemand désigné par l’Onu, échanges de prisonniers et de dépouilles mortelles entre Israël et le Hezbollah.

Juillet-août : Nouveaux affrontements meurtriers intercommunautaires à Tripoli (nord).

12 août : Le Parlement adopte la déclaration de politique générale du gouvernement

13-14 août : Etablissement de relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie. Les deux pays décident notamment d’ouvrir, pour la première fois depuis leur indépendance dans les années 1940, des ambassades dans leurs capitales respectives, de réévaluer les accords bilatéraux conclus pendant les 29 ans de présence militaire syrienne au Liban jusqu’en 2005 et de lutter contre les activités illégales et la contrebande à leurs frontières.

11 septembre : Le leader druze de l’opposition, Saleh Aridi, membre du Parti démocratique, est tué dans l’explosion d’une voiture piégée dans la région d’Aley au Sud-est de Beyrouth.

16 septembre : Les principaux dirigeants politiques ont entamé à Beyrouth un dialogue national pour débattre de la question de l’armement du Hezbollah, dans un climat de crainte de violences après un nouvel attentat.

Du même auteur :

- Palestine : Des médiateurs découragés
- Iraq : La logique du chaos (avec Ahmed Loutfi)
- Une nation de réfugiés

Al-Ahram/hebdo - Semaine du 24 au 30 Septembre 2008, numéro 733 (Dossier)


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