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Municipales de Jérusalem : se présenter pour gagner ? Probablement pas

jeudi 25 septembre 2008 - 23h:37

Nadia W. Awad - MIFTAH

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Les élections présidentielles américaines ne sont pas les seules à se présenter à l’horizon de novembre.

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Aujourd’hui, les Palestiniens représentent plus d’un tiers de la population de Jérusalem.




A la surprise de beaucoup, un chef de village palestinien, un ancien, du village de Sur Baher à Jérusalem-Est, a rejoint la campagne pour devenir le prochain maire de Jérusalem. L’élection n’a lieu que dans 6 semaines mais la candidature de Zuheir Hamdan fait de l’élection un évènement et surtout met en lumière les conditions de vie des résidents palestiniens de Jérusalem-Est. Hamdan affirme que la municipalité actuelle n’apporte que peu de services aux résidents palestiniens de Jérusalem-Est et que la plupart de ceux-ci seront d’accord avec lui. Alors que la municipalité de Jérusalem est censée fournir ses services à tous les résidents de la cité, elle répond essentiellement aux besoins du secteur ouest de Jérusalem.

Aujourd’hui, les Palestiniens représentent plus d’un tiers de la population de Jérusalem, et cette proportion est susceptible de grossir avec un taux moyen de natalité plus élevé chez les Palestiniens que chez les Israéliens. Environ 240 000 Palestiniens ont le droit de voter à cette élection, mais la plupart ne votent pas, pour des raisons précises : 1) pour certains, voter peut laisser penser qu’ils reconnaissent Jérusalem comme la capitale d’Israël ; 2) il n’y a jamais de candidats qui ont un lien avec les Palestiniens ; et 3) la plupart des Palestiniens pensent que voter n’est qu’une perte de temps. Cette dernière raison est la plus importante des trois, et c’est la situation sur le terrain qui la rend si forte.

En tant que résidente palestinienne de Jérusalem-Est et détentrice d’une carte d’identité bleue, je n’ai jamais rien vu qui ferait penser que le conseil municipal de Jérusalem se soucie le moins du monde des résidents palestiniens, malgré que nous soyons des milliers à verser des shekels pour l’Arnona (taxe d’habitation israélienne). L’Arnona en elle-même suscite des sentiments prégnants d’injustice, étant imposée à la population palestinienne de Jérusalem-Est depuis son occupation et l’annexion qui a suivi en 1967, et frappant de façon disproportionnée et dure les résidents palestiniens. En réalité, les Palestiniens de Jérusalem-Est sont plus sensibles à l’Arnona du fait que le conseil cherche à nous faire sentir à quel point il nous considère comme des citoyens de seconde zone. Mon quartier en témoigne. Il se trouve que la rue où je vis est la principale voie de communication entre Jérusalem et Ramallah, elle est quotidiennement empruntée par des centaines de voitures, de taxis et de cars. Malgré cela, la rue est restée dans un état catastrophique pendant des années, pleine de nids de poule et de détritus, jusqu’à un projet de l’USAID (Agence étasunienne pour le développement international) qui en a financé le re-bitumage. Cependant, comme elle n’a pas été entretenue depuis, elle commence à s’ébouler. Il n’y a également aucun ramassage ni élimination des ordures, aucune voirie et aucun trottoir pour les piétons pendant que les eaux usées courent librement dans bien des endroits. L’éclairage public (également financé et installé par l’USAID) devient de plus en plus inutile, du fait de l’absence d’entretien.

Cette description concerne ma rue et mon quartier, mais la négligence s’étend bien au-delà. Il y a peu de complexes sportifs, d’aires de jeux, de jardins publics ou de bibliothèques à Jérusalem-Est. On est obligé d’aller à une poste centrale à Jérusalem (pour Palestiniens seulement) où, le plus souvent, nos courriers sont endommagés ou disparaissent carrément. En plus, les bureaux du ministère de l’Intérieur qui s’occupe des cartes d’identité, des visas entrée et sortie, de l’enregistrement des naissances et des décès etc., ressemble à une forteresse, bondée de Palestiniens qui attendent des heures dans des salles surchauffées sous la haute surveillance de la sécurité. Ces bureaux sont eux aussi pour les seuls Palestiniens. Un jour, j’ai essayé d’aller au bureau de Jérusalem-Ouest. Il est vaste, propre, avec l’air conditionné mais, il est réservé aux Israéliens. On m’a dit qu’il fallait retourner à la succursale de Jérusalem-Est pour régler mes affaires. En revenant, je suis passé par deux check-points puis un troisième, un volant, et au lieu de 20 minutes, le trajet m’a demandé deux heures.

Malheureusement, les problèmes que je viens d’évoquer ci-dessus ne sont rien à côté d’autres, bien plus graves, que nous rencontrons, comme les démolitions des maisons et la confiscation de nos terres qui vont en se multipliant. Plus de 300 maisons ont été démolies rien qu’à Jérusalem-Est ces trois dernières années, et des centaines d’autres sont sur la liste d’attente. S’agissant de l’enseignement, les écoles sont régulièrement surpeuplées et n’ont pas d’accès aux installations indispensables, pendant que les enseignants et les élèves sont handicapés par les check-points et les fermetures.

Excusez-moi pour ce qui semble être une longue liste de doléances, mais les questions que j’ai abordées jusqu’à présent ne font qu’à peine commencer à gratter la surface des problèmes auxquels sont confrontés tous les Palestiniens. Vous pouvez vous demander pourquoi nous, les Jérusalémites palestiniens, ne protestons pas et ne refusons pas de payer l’Arnona. Pour utiliser une expression courante, je dirais que les Israéliens nous tiennent à leur merci. Si nous ne réglons pas l’Arnona, Israël nous retire notre droit de séjour avant même que vous n’ayez eu le temps d’évoquer les droits de l’homme. Et sans notre droit de séjour, nous sommes obligés de quitter nos maisons comme des milliers d’autres l’ont fait.

La ségrégation n’est pas qu’un simple mot évoquant l’Afrique du sud et le sort des Sud-africains noirs vivant sous l’apartheid. Non, l’apartheid et la ségrégation sont bel et bien vivants en Palestine, aujourd’hui, à Jérusalem et au-delà. C’est ce constat qui rend les Palestiniens hostiles à l’idée de participer à ce qui n’est, à leurs yeux, qu’un simulacre d’élection. Toutefois, il y a un Palestinien qui pourrait bien tenir tout le mandat. Il n’est pas le premier Palestinien à se présenter (Hana Seniora l’a fait en 1989 et Mousa Alian en 1998), mais s’il est élu, il sera certainement le premier à triompher. Si Hamdan continue à parler des insuffisances des services et des discriminations à l’égard des résidents palestiniens, il pourrait même amener d’autres Palestiniens à se lancer dans le processus électoral, mais au risque de perdre les voix des non Palestiniens.

Se présentant comme indépendant, Hamdan dit représenter les musulmans, les chrétiens et les juifs dans cette campagne. Président du Forum de la coexistence à Jérusalem, il prétend aussi avoir beaucoup d’amis juifs et avoir même pris ses distances avec l’Autorité palestinienne et le conflit israélo-palestinien. Il est confronté à un ensemble de candidats hauts en couleur. Par exemple, Aryeh Deri, soutenu par le parti Shas, est député et ancien détenu, condamné pour avoir accepté de l’argent en sous-main. Meir Porush, député, représentant le parti unifié judaïque de la Torah, est un juif ultra orthodoxe conservateur, un haredi qui considère que sa foi descend directement et naturellement de l’époque de Moïse. De ce fait, il voit les confessions non harediques comme des déviations du judaïsme « pur ». Nir Barkmat, du Kadima, est un homme d’affaires et est probablement le plus laïc de tous.

En réalité, on peut considérer que les chances d’Hamdan d’être élu sont faibles, quelle que soit sa campagne. La principale raison pour laquelle il ne gagnera probablement pas est purement mathématique. Plus de 60% de la population de Jérusalem sont des Israéliens qui, pour la plus grande partie, ne voteront pas pour un Palestinien, quoi que Hamdan fasse pour essayer d’y échapper. Fait intéressant, quand j’ai lu dans les journaux israéliens et juifs qu’il se présentait comme candidat, j’ai noté qu’ils ne parlaient pas de lui comme d’un candidat « palestinien » mais comme d’un candidat « arabe ». C’est comme s’ils avaient peur du mot et de tout ce qu’il suggère. Dieu m’en garde, il y a encore des Palestiniens à vivre à Jérusalem !

Du même auteur :

- Sur la question Palin/Israël

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Le mur de ségrégation israélien annexant les terres palestiniennes autour de Jérusalem-Est.

22 septembre 2008 - MIFTAH - traduction : JPP


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