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Assassinats déshonorants « au nom de l’honneur »

vendredi 12 septembre 2008 - 08h:15

Joharah Baker - MIFTAH

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D’ inquiétantes nouvelles sont parvenues le 31 août de la bande de Gaza où a été déclaré la mort d’une femme de 24 ans dans un hôpital de Khan Younis. Comme si ce n’était pas assez bouleversant, la cause de la mort s’est avérée être la pire part de cette information. Hala Mustapha Kawara a été tuée par son propre père.

Selon les rapports des médias palestiniens, le père de Hala Mustapha, s’est rendu à la police de la ville Gaza, et a avoué qu’il avait tué sa fille pour "protéger l’honneur de la famille." Plus tard la police a déterré le corps de Hala, dont les mains et les pieds étaient liés, avant de l’amener l’hôpital. Mustapha et ses quatre fils ont été arrêtés pour le crime.

L’histoire de Hala n’est malheureusement pas un incident isolé dans la société palestinienne en particulier ni dans le contexte arabe en général. Ces soi-disant « meurtres d’honneur" ont eu cours pendant des décennies sous prétexte que les membres masculins de la famille doivent protéger le nom de leur famille de n’importe quelle honte, qui est généralement liée à la perception d’un usage abusif de la sexualité de la femme.

L’an dernier, des dizaines de femmes ont été tuées au nom de "l’honneur" à la fois en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, où la vision des conservateurs et les perceptions de ce que le rôle des femmes devrait être sont encore plus strictes que dans d’autres régions. Tout ce qui se trouve en dehors de cette norme, en particulier lorsque les femmes osent sortir de leurs rôles sexuels traditionnels, est considéré comme honteux et une honte pour toute la famille.

Ainsi, ces hommes, habituellement le père, frères, oncles et parfois même des cousins éloignés, prennent sur eux de « purifier » l’honneur de leur famille suite à la dégradation qui lui est porté par les dérives de leurs femmes. Dans un cas l’année dernière, une femme mariée à Qalqilya dans le nord de la Cisjordanie a été assassinée par balles par ses cousins pour avoir prétendument une liaison. À Hébron, qui est aussi essentiellement conservatrice, une jeune femme aurait été tuée parce qu’elle n’était pas autorisée à retourner chez son ex-mari pour voir sa petite fille.

Ce qui intensifie le problème c’est la loi derrière laquelle les auteurs des meutres s’abritent. Selon la loi palestinienne, selon les circonstances atténuantes, un homme qui tue sa femme pour rétablir de l’honneur de la famille peut recevoir une peine d’emprisonnement aussi courte que six mois. Le meilleur parallèle sur ce point en occident serait ce que l’on appelle les « crimes passionnels » qui reçoivent souvent une peine plus légère parce qu’ils ne sont pas prémédités et exécutés sous l’impulsion. Beaucoup disent que cela encourage les hommes à faire leur propre loi étant donné que la peine est si légère.

Le principal problème est la mentalité qui se cache derrière de telles atrocités. Le terme « honneur de la famille" est extrêmement trompeur en soi, étant donné premièrement, qu’ il est relié à la perception de la promiscuité de la femme, et deuxièmement, qu’il est flagrant qu’il y a deux poids deux mesures. Aucun Palestinien n’a jamais été tué au nom de l’ « honneur de la famille." Au contraire, si un homme a des aventures ou expose un comportement sexuel non conventionnel dans une société qui dicte de strictes valeurs dans le domaine de la sexualité, il est souvent couvert d’éloges car assimilé à un « étalon ». Au mieux, il est invité à s’établir [avec la femme] et, s’il est marié, à retourner dans sa famille tandis que sa femme est invitée à faire "preuve de patience." Dans le cas des femmes, ces meurtres sont souvent perpétrés sur le simple soupçon qu’elle n’est pas "chaste."

Cette large et flexible définition de ce qui constitue l’ « honneur de la famille" permet une toute aussi large interprétation et, à partir de là, les justifications de ce crime. Tout d’abord, il est extrêmement dangereux qu’un quelconque citoyen fasse justice lui-même pour quelque raison que ce soit. Dans la plupart des cas, c’est la raison pour laquelle la peine infligée pour ces crimes est si dure, c’est un moyen de dissuasion pour ceux qui voudraient suivre les traces du criminel. Dans les cas cités, cependant, c’est encore plus dangereux, car c’est notre société qui est concernée. Les femmes dans la société palestinienne ont déjà à subir différents niveaux d’oppression en termes de valeurs traditionnelles et de normes. Avoir ce soi-disant honneur de la famille au dessus de leur tête ajoute seulement à l’oppression de ces femmes et à leur soumission aux hommes de leur famille par crainte pour leur vie.

Cela signifie aussi que sur ce qui apporte la "honte" sur une famille peut être interprété de plusieurs façons. S’il s’agissait au départ d’une appellation réservée aux femmes dont on pouvait prouver qu’elles avait une liaison ou des relations sexuelles avant le mariage, elle est maintenant appliquée selon la façon dont les femmes s’habillent ou les lieux qu’elles fréquentent. Si nous, en tant que société civile et en tant que femmes conscientes à quel point cette tendance est dangereuse, ne mettons pas le pied à l’étrier, nous pouvons nous attendre à ce que cette mentalité se renforce. Heureusement, l’écrasante majorité de la société palestinienne ne tolére pas le meurtre de ces femmes, mais cela ne suffit pas. Tant qu’il y aura une fissure dans le mur de la résistance contre ces meurtes, il y aura de la place pour leur permettre de se développer et pour que des femmes soient victimes de cette mentalité arrièrée et tribale qui aurait dû disparaître depuis des années.

Des efforts concertés existent au sein de la société palestinienne afin de faire disparaître ce terrible phénomène. Des centres de femmes ont installé des lignes téléphoniques d’urgence pour les femmes en détresse pour protéger les femmes qui s’y réfugient quand elles n’ont pas d’autre endroit où aller. Sur le plan législatif, il y a des efforts à faire pour appliquer des peines plus sévères envers ceux qui commettent ces crimes afin que d’autres en prennent connaissance et y réfléchissent à deux fois avant de prendre la vie de ceux qu’ils prétendent aimer.

Une mort sera toujours de trop. Les femmes ne devraient pas être condamnées à mort parce qu’elles sont suspectées d’aller à l’encontre de ce que les hommes croient être la préservation de l’honneur familial. Si un crime est commis, une personne devrait être tenue responsable. Une peine devrait alors être prononcée, après un procès équitable, et non pas par le frère d’une femme, son père ou son oncle, mais par un organe judiciaire. Sinon, nous courrons à la ruine de toute une société, les hommes comme les femmes.

Sur le même thème :

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2 septembre 2008 - MIFTAH - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.miftah.org/Display.cfm?D...
Traduction de l’anglais : Brigitte Cope


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