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EGYPTE : Manque de préparation des pouvoirs publics aux catastrophes urbaines

mercredi 10 septembre 2008 - 06h:38

IRIN

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LE CAIRE, 8 septembre 2008 (IRIN)

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Ces éboulements tragiques ont une nouvelle fois provoqué les foudres des populations face à la lenteur de l’intervention des secours publics

Quelques jours à peine après l’incendie qui a ravagé la chambre haute du Parlement égyptien, au c ?ur du Caire, la capitale égyptienne a été le théâtre d’une autre catastrophe, le 6 septembre, lorsque des éboulements ont balayé 50 habitations dans un bidonville de l’est de la ville.

Ces crises ont souligné les lacunes en matière de mesures publiques de planification urbaine et le manque de respect des mesures de sécurité, selon les observateurs.

D’après les responsables des services de sécurité, environ huit blocs de pierre de quelque 60 tonnes chacun se sont effondrés sur le bidonville du quartier de Deweka, dans l’est du Caire, le long de la colline du Moqattam, à la périphérie de la ville.

À ce jour, plus de 30 personnes ont trouvé la mort et des dizaines de personnes ont été blessées ; des dizaines d’autres sont encore ensevelies sous les décombres de leurs habitations, selon les habitants du quartier. La zone touchée serait d’environ 60 mètres de large et 15 mètres de long, selon les estimations.

« La famille de ma femme habite à Deweka », a expliqué Talaat Kamal, un jeune habitant de Manchiyet Nasser, à l’ouest de la colline du Moqattam. « Notre famille va bien, heureusement, mais les gens sont traumatisés, ils pleurent, ils crient. La crise est survenue tôt dans la matinée et pendant le Ramadan [mois de jeûne musulman] ; les gens ne quittent leur domicile que tard dans la journée. Cela a augmenté le nombre des victimes ».

La police a bouclé le périmètre, mais aucun engin lourd de secours aux victimes n’a été aperçu par les personnes présentes avant une heure avancée de la journée.

À l’arrivée des engins sur le site, ceux-ci n’ont pas été utilisés de crainte qu’ils ne provoquent davantage de dégâts. Selon M. Kamal, les habitants du quartier ont tenté, en vain, de déblayer ensemble le site.

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Sans matériel adéquat, les sauveteurs ont dû se contenter de leurs mains nues pour tenter de dégager les victimes coincées sous les décombres

L’Association pour la protection de l’environnement (APE) ainsi qu’un groupe d’organisations non-gouvernementales (ONG) locales se trouvaient sur place, avec leurs bénévoles.

« Treize de nos jeunes ont distribué de l’eau toute la journée [le 6 septembre]. [Le 7 septembre], nous y [sommes retournés] de nouveau avec d’autres bénévoles pour distribuer de la nourriture », a indiqué Ezzat Naim, directeur de l’APE.

Les centres de santé de Deweka et de Manchiyet Nasser ne disposant pas des structures d’urgence nécessaires pour faire face au grand nombre de blessés, les patients ont été évacués vers les hôpitaux d’el Hussein et d’el Zahraa, à 10 minutes de là, en voiture.

« Un grand nombre d’ambulances ne sont pas prêtes à accueillir des blessés. Et il n’y a pas de médecins ni d’infirmières dans les ambulances pour aider les personnes touchées », selon Sabah Mohammed, un des bénévoles qui participent aux opérations de secours menées dans la zone.

Les zones situées en contrebas de la colline du Moqattam abritent des milliers de migrants extrêmement pauvres venus de la campagne, à l’origine d’une expansion urbaine tentaculaire, en particulier dans les quartiers de Manchiyet Nasser et de Deweka. Le premier est traditionnellement le quartier des éboueurs de la ville, et le second, celui des domestiques.

Un grand ensemble controversé

À Deweka, un grand ensemble, financé par le gouvernement, est en cours de construction, qui doit permettre de reloger les habitants des bidonvilles, mais les habitants du quartier se plaignent d’avoir été tenus à l’écart de ces plans et ont imputé les retards de construction à la corruption des employés municipaux.

« Un bidonville juste à côté d’un grand ensemble financé par le gouvernement, ça vous montre les lacunes en matière de planification urbaine et la corruption qui l’entache. Nous sommes venus au Caire dans l’espoir de trouver un moyen de subsistance. Nous ne nous doutions pas que, même ici, la mort nous guetterait », a confié Rizk, un habitant du quartier, en se souvenant des éboulements de 1993, qui avaient fait 30 morts dans la même zone.

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Des résidents sur le site de la catatrophe

Rizk a évoqué les préoccupations croissantes des habitants à l’idée que les flancs instables de cette falaise rocheuse puissent provoquer d’autres éboulements. « Le gouvernement a dressé des cartes géologiques pour identifier les zones à risque, mais aucune information n’est communiquée aux communautés qui y vivent », a-t-il dit.

Dans son rapport publié en 2000, Mahmoud Yousif, du département de géologie de l’université d’Ain Shams, a mis en garde contre l’instabilité des flancs de la falaise au niveau du plateau moyen et prévenu que cette instabilité pouvait provoquer des effondrements qui détruiraient les quartiers voisins.

« Les mesures proposées de précaution et de taillage des flancs doivent être prises en considération pour pouvoir réduire ces risques d’effondrement. Des dangers semblables peuvent être évités dans d’autres zones similaires et dans les nouvelles villes, en empêchant l’extension anarchique des zones habitables et l’exploitation sauvage des terres, et en veillant à une planification urbaine consciencieuse », a recommandé M. Yousif dans son rapport.

Selon Mohammed el Helw, avocat au Centre égyptien du droit au logement, toute construction sur cette colline est dangereuse et devrait être interrompue immédiatement.

« Nous avons engagé des procédures [judiciaires] contre le gouverneur du Caire et la municipalité de la zone, pour demander [l’arrêt] des travaux de construction menés sur la colline, qui menacent la vie des populations », a-t-il indiqué, ajoutant qu’une trentaine de familles de la région soutenaient ces procédures, engagées au cours du mois de juillet.

Outre le manque de planification à long terme, les éboulements tragiques qui ont eu lieu récemment au Moqattam ont une nouvelle fois provoqué les foudres des populations face à la lenteur de l’intervention des secours publics.

Deux semaines plus tôt, en raison de cette inefficacité et de ce délai de réaction, l’incendie déclaré dans la chambre haute du Parlement s’était propagé aux bâtiments voisins.

8 septembre 2008 - IRIN
Photos : IRIN
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