Nevin Abu Taima, étudiante bloquée dans Gaza, menacée de perdre sa bourse d’études
lundi 8 septembre 2008 - 06h:03
PCHR - Gaza
J’ai vraiment pensé que nous allions traverser, dit-elle, mais après avoir attendu dans le bus pendant 4 heures, coincés entre Gaza et l’Egypte, le chauffeur a reçu l’ordre de rebrousser chemin...
Siège de Gaza : témoignages 20
- A moins que Nevin ne réussisse à se rendre aux USA d’ici lundi,
sa bourse sera, soit suspendue, soit annulée.
Les autorités égyptiennes ont permis pour « raisons humanitaires » à environ 3 300 personnes de traverser pendant les 2 derniers jours d’août la frontière de Rafah entre Gaza et l’Egypte.
Celles qui sont entrées en Egypte comprennent des malades, des étudiants de Gaza et un certains nombre d’Egyptiens non identifiés qui s’étaient trouvés coincés à l’intérieur de la Bande de Gaza. La vue de plus de 50 autobus remplis de voyageurs se dirigeant hors de Gaza pouvait donner l’impression que les restrictions sur les déplacements avaient finalement été allégées à l’intérieur de la Bande de Gaza. Mais près de 900 autres Gazaouis qui se trouvaient dans les bus ont été refoulés à la frontière. Parmi eux se trouvait Nevin Abu Taima (20 ans,) de Rafah, qui essaye toujours désespérément de retourner aux USA pour continuer ses études en sciences politiques en vue d’obtenir sa licence universitaire.
« Ma famille vit dans le camp de réfugiés Brazil qui se trouve au sud de Rafah » raconte-t-elle. « Notre maison a été détruite en 2005 par les Israéliens et nous avons dû vivre les six mois suivants dans un local d’une école de l’UNRWA. Notre famille est grande : nous sommes 11 enfants et certains de mes frères et s ?urs ont également leur propre famille. Imaginez-vous cela : nous vivions tous ensemble dans une salle de classe. » Nevin a quitté Gaza alors que sa famille se trouvait toujours dans la salle de classe. « Je n’avais que 16 ans. Mais comme j’avais de très bons résultats à l’école, on m’a proposé une bourse à l’United World College en Italie. J’ai quitté la maison et j’ai vécu 2 années dans le nord de l’Italie, à Trieste. J’ai dû étudier l’italien et l’anglais et après 2 années, j’ai passé avec succès le Baccalauréat International. »
Lors de son séjour en Italie, Nevin s’est rendue chaque été en Egypte pour essayer de voir sa famille à Gaza. « J’ai été deux fois à Rafah sur la frontière égyptienne et chaque fois j’ai attendu près de 3 mois pour voir si la frontière allait ouvrir » raconte-t-elle. « Toute ma famille se trouve dans Gaza et j’avais terriblement envie de les voir. Mais je n’ai jamais réussi à traverser la frontière et j’ai été obligée de retourner en Italie sans les avoir vu. »
Le bouclage par Israël de la Bande de Gaza a séparé des dizaines de milliers de Gazaouis de leurs proches familles. Les individus qui avaient voyagé hors de Gaza, soit ils n’ont souvent pas eu le droit pendant des années d’y retourner, soit ils craignent d’y retourner de peur de se retrouver piégés dans Gaza comme cela a été le cas pour certaines personnes. Beaucoup de familles dépendent donc des photographies, des coups de téléphone et de l’internet pour garder un contact avec leurs parents et leurs enfants malgré le fait que même l’accès à l’internet est restreint à ceux qui en ont les moyens.
Nevin n’a pas vu ses parents depuis 3 ans. Après avoir obtenu son bac, elle a obtenue une bourse pour étudier les sciences politiques à l’université St-Laurence dans le nord de l’Etat de New York. La bourse de 4 ans qui couvre ses dépenses et le prix de ses études est de 50 000$ par an. Nevin a voyagé d’Italie à New-York et elle a passé l’année universitaire 2007/2008 à St-Laurence où elle a aussi travaillé à temps partiel en vue de payer son vol retour en Egypte, bien décidée à essayer de rendre à nouveau visite à sa famille. « J’ai pris un vol pour le Caire le 9 mai de cette année. Je suis allée directement à Rafah et j’ai attendu que la frontière soit ouverte » dit-elle.
« Je dormais dehors sous des arbres avec d’autres Palestiniens qui essayaient également d’entrer à Gaza. Il y avait des gens malades et des vieux. Personne ne nous aidait. Nous avons attendu presque 2 mois et j’en suis arrivée au point où j’étais obligée de frapper aux portes pour demander de la nourriture ».
Au début du mois de juillet de cette année, les autorités égyptiennes ont donné leur accord pour rouvrir le point de passage frontalier de Rafah pendant 3 jours pour que les cas humanitaires puissent entrer ou sortir de Gaza. Nevin s’est frayée un passage à travers la foule qui déferlait sur la frontière et elle a finalement réussi à entrer dans Gaza le 3 juillet.
« Cela faisait 3 ans que j’étais partie et le changement était choquant » raconte-t-elle. « Je n’ai même pas reconnu le chemin qui menait à ma maison tellement il y avait eu de destructions depuis mon départ. C’était formidable d’être à la maison mais notre terre avait été détruite au bulldozer. Je ne m’attendais pas à trouver une situation aussi mauvaise ». Elle savait qu’il allait être difficile de quitter Gaza, alors elle a commencé à se renseigner dès la première semaine. Il fallait qu’elle soit de retour aux USA fin août pour commencer sa deuxième année à St-Laurence.
Quand des rumeurs ont commencé à circuler que Rafah serait ouvert pendant 2 jours avant le Ramadan, elle s’est immédiatement rendue à Khan Yunis pour essayer d’accéder à un des autobus se rendant en Egypte. Elle a eu la permission d’y monter après 2 jours et l’autobus a rejoint la queue à Rafah. « Mon passeport a été estampillé par des officiels palestiniens à Rafah et j’ai vraiment pensé que nous allions traverser » dit-elle. « Mais après avoir attendu dans le bus pendant 4 heures, coincés entre Gaza et l’Egypte, le chauffeur a reçu l’ordre de rebrousser chemin et de retourner à Gaza, car on ne pouvait plus passer. Les gens pleuraient et criaient durant tout le chemin du retour ».
Pendant ces deux jours où Rafah a été partiellement ré-ouvert, environ 200 étudiants de Gaza qui étudiaient dans des universités à l’étranger ont réussi à traverser en Egypte. Mais 200 autres, comme Nevin, sont restés bloqués dans Gaza. De plus, jusqu’à 1 200 élèves en fin d’études sont en train de faire des demandes pour étudier dans des universités à l’étranger et ils dépendent entièrement de la délivrance par Israël de permis de sortie ou bien de réussir à traverser en Egypte. Le passage frontalier de Rafah n’a pas d’horaires d’ouverture réguliers et même quand il est ouvert, il n’y a aucune garantie que les civils de Gaza puissent entrer en Egypte. Plus de deux mois après l’entrée en vigueur de la Tahdiya négociée par l’Egypte entre Israël et Gaza, les habitants de Gaza n’ont toujours pas le droit humain fondamental de liberté de mouvement.
L’ironie amère pour Nevin est que St-Laurence vient de lui envoyer un email lui annonçant que c’est trop coûteux de maintenir sa bourse pendant son absence : à moins qu’elle ne réussisse à se rendre aux USA d’ici lundi, elle comprend que sa bourse sera, soit suspendue, soit annulée. Elle devra également se soumettre à nouveau à toutes les formalités pour entrer aux USA et elle risque que son visa d’étudiant soit annulé, ce qui la laisserait dans une impasse totale. « Mon université ne comprend pas ce qu’est la vie à Gaza » dit-elle. « Ma famille vit dans un camp de réfugiés et ils n’ont pas les moyens de m’envoyer à l’université à Gaza. J’essaye maintenant de traverser au point de contrôle d’Erez (Israël) puis de passer par la Jordanie pour parvenir aux USA. Mais il ne me reste que très peu de temps ».
Lisez les autres témoignages :
PCHR Gaza - traduction Ana Cléja